Les différentes techniques pour obtenir des huiles essentielles

Une huile essentielle se présente comme un liquide odoriférant, allant de fluide à épais, avec une couleur qui varie selon la plante d’origine. Des cellules spécialisées la sécrètent. On la trouve dans différentes parties de la plante : les feuilles (comme la menthe poivrée et le basilic grand vert), les fleurs (telles que la lavande et l’ylang ylang), le bois (cèdre Atlas, santal blanc), les racines (gingembre, valériane, vétiver), ainsi que dans les graines (coriandre, anis vert, carotte).

La taille de ces gouttelettes est de quelques microns, c’est pour cela que nous ne les voyons pas. Mais lorsque que l’on froisse la plante aromatique, les gouttelettes d’huile essentielle se libèrent dans l’atmosphère et parviennent jusqu’à notre nez. Les récepteurs olfactifs du nez s’activent alors : ils envoient des stimuli sensoriels à différentes zones du cerveau.

Les huiles essentielles, messagers chimiques, s’utilisent par les plantes aromatiques pour interagir avec leur environnement. Ces huiles permettent d’éloigner les maladies, les parasites, mais aussi jouent un rôle protecteur face aux rayonnements du soleil. Elles jouent un rôle important dans la reproduction et la dispersion des espèces végétales puisqu’elles permettent d’attirer les insectes pollinisateurs.

La distillation d’une huile essentielle à la vapeur d’eau

La distillation à la vapeur d’eau est la méthode principale pour extraire les huiles essentielles, seule autorisée par la Pharmacopée européenne avec l’expression à froid pour les huiles de zestes d’agrumes. Inventée par les Pharaons et améliorée par les Arabes, elle utilise un alambic, généralement en cuivre ou inox, avec un tamis évitant le contact direct des végétaux avec l’eau.

La vapeur d’eau, en passant à travers les plantes, emporte les microgouttelettes d’huile essentielle. Refroidie dans un serpentin, cette vapeur se condense, séparant l’huile essentielle de l’eau grâce à un vase florentin, du fait de leur différence de densité.

La technique consiste à chauffer l’eau jusqu’à ébullition, créant de la vapeur qui extrait les composants volatils des plantes. Ces vapeurs montent dans un réfrigérant, refroidi entre 15°C et 18°C pour éviter la formation de cristaux ou une condensation insuffisante. En condensant, les vapeurs s’écoulent en goutte à goutte dans un récipient formant le distillat, un mélange d’huile essentielle et d’eau. Ce mélange est ensuite séparé par décantation, en utilisant un solvant organique comme l’éther diéthylique. L’huile essentielle est mélangée à l’éther, séchée sur sulfate de sodium anhydre, puis conservée dans des flacons en verre opaque à 4°C.

Cette méthode évite le contact direct des huiles avec l’eau, prévenant la dégradation et préservant la qualité de l’huile. Elle est idéale pour extraire les huiles essentielles de surface des plantes. La distillation à la vapeur d’eau est plus longue et nécessite plus de vapeur pour les huiles non superficielles, mais elle permet une extraction plus rapide et délicate, enrichissant les notes de tête, essentielles dans l’industrie et la parfumerie. Pour l’aromathérapie, la distillation se prolonge pour récupérer tous les composants volatils.

Hydrodistillation

L’hydrodistillation est une méthode simple pour extraire les huiles essentielles. Elle consiste à immerger la matière végétale dans l’eau, puis à porter l’ensemble à ébullition sous pression atmosphérique. La chaleur libère les molécules odorantes des cellules végétales. L’eau bouillante solubilise une partie de l’huile essentielle, qui, vaporisée avec la vapeur d’eau, forme un mélange azéotropique. Ainsi, les huiles essentielles, normalement ébullitives entre 200 à 300 °C, s’évaporent à une température proche de celle de l’eau. Une fois refroidies, l’eau et les huiles essentielles se séparent en deux phases.

Cependant, le contact direct avec l’eau peut causer des phénomènes d’hydrolyse. La chaleur de l’hydrodistillation peut modifier chimiquement et dégrader les composants thermosensibles des huiles essentielles. L’huile récupérée diffère donc de l’essence originelle, surtout si la distillation dure longtemps (3 heures). L’hydrodistillation peut être optimisée en installant un agitateur électrique dans le mélange, réduisant ainsi le temps de distillation et la consommation énergétique. Cette technique permet aussi d’extraire les huiles de plantes difficilement distillables comme le bois, les racines, ou les bulbes.

Toutefois, l’hydrodistillation présente des limites. Le chauffage prolongé peut détériorer certains végétaux et dégrader des molécules aromatiques. L’eau, l’acidité et la température peuvent induire des réactions chimiques comme l’hydrolyse des esters, des réarrangements ou des oxydations. Ces réactions expliquent les variations importantes de composition des huiles essentielles obtenues par cette méthode.

L’expression à froid

Le procédé d’extraction par expression à froid est assurément le plus simple, mais il est aussi malheureusement, le plus limité. Cette opération consiste à faire éclater par différents procédés les « poches » situées à la superficie de l’écorce de ces fruits, renfermant l’huile essentielle (bergamote, orange bigarade, citron, pamplemousse, mandarine, …).Seulement pour les procédés traditionnels, le produit obtenu se nomme bien « essence », car aucune modification du produit végétal n’intervient du fait de la méthode d’extraction. La Calabre et la Sicile en assurent la production mondiale.

La technique de l’expression à froid est réservé, la plupart du temps, aux variétés de fruits ou plantes comme les agrumes (oranges, citrons, mandarines…). Les huiles essentielles de ces fruits sont contenues dans les petites glandes de leur écorce (zestes).

Cette méthode se fait sans chauffage : elle consiste à soumettre la substance végétale à une forte pression à l’aide d’une presse hydraulique. Celle-ci se réalise grâce à des machines perfectionnées. Avant cette mécanisation, les méthodes d’extraction à froid ont longtemps été artisanales.

L’expression à froid est une technique née en Sicile, puis utilisée par tous les pays producteurs d’agrumes. Elle se faisait autrefois manuellement par un procédé dit « à l’éponge »; Le citron frais était coupé en deux, évidé de sa pulpe puis l’écorce abondamment mouillée était laissée environ dix heures au repos. Ensuite, il fallait presser les écorces plusieurs fois, pour en faire sortir l’essence, contre un assemblage d’éponges fixées dans un vase. La pression vérifiée, accompagnée par un mouvement de rotation de la main à l’aide d’un bâton spécialement conçu pour cela. Ainsi après décantation, on pouvait récupérer (à condition d’avoir le tour de main nécessaire, soit après un bon apprentissage) une essence d’une grande finesse dans le vase en terre par essorage des éponges.

L’enfleurage

L’enfleurage, ou macération à saturation, est une technique ancienne, aujourd’hui peu utilisée. Adaptée aux plantes dont l’arôme ne supporte pas la chaleur de la distillation, elle consiste à intercaler des substances végétales fragiles entre deux couches de matière grasse, renouvelées jusqu’à saturation. On élimine ensuite l’excès graisseux pour obtenir une essence absolue, une huile essentielle de haute qualité olfactive.

Certaines plantes, notamment les fleurs comme le jasmin ou la rose, contiennent peu de molécules aromatiques, difficiles à extraire par distillation. L’extraction en absolue recrée plus fidèlement leur parfum. L’enfleurage, une ancienne méthode destinée principalement à la parfumerie, consiste à placer les fleurs dans la graisse. Une fois saturée, la graisse est lavée à l’alcool pour extraire les arômes, donnant l’absolue. Cette méthode, coûteuse et utilisant de la graisse animale, a été largement remplacée par l’extraction aux solvants.

L’enfleurage se décline en deux types : à froid et à chaud. L’enfleurage à froid, bien que coûteux, traite des fleurs fragiles. La graisse inodore absorbe l’odeur des fleurs pendant trois mois. La graisse parfumée est ensuite traitée à l’alcool, et l’absolue est obtenue après élimination de l’alcool par distillation. Industriellement, cette technique a été abandonnée vers 1930.

L’enfleurage à chaud, pratiqué depuis l’Antiquité, consiste à faire fondre de la graisse et y mélanger des fleurs. Le mélange est remué, et les fleurs sont régulièrement remplacées. Après saturation, la graisse parfumée est traitée comme pour l’enfleurage à froid pour obtenir une pommade parfumée.

L’extraction d’une huile essentielle par solvants

Aujourd’hui, la technique d’extraction par solvants remplace l’enfleurage pour obtenir des absolus prisés en parfumerie pour leur odeur pure et puissante. Cette méthode implique la macération des végétaux dans des solvants volatils comme l’hexane. Après évaporation du solvant, on obtient une concrète très aromatique. Cette concrète est diluée dans de l’alcool éthylique, filtrée, puis concentrée par distillation sous pression réduite pour enlever l’alcool, produisant l’absolue. L’extraction au CO2 supercritique, utilisée pour les écorces, graines ou épices, est également populaire dans l’industrie des arômes alimentaires et de la parfumerie.

Dans l’extraction aux solvants, les fleurs macèrent dans un solvant volatil hydrocarboné, comme l’hexane. Le solvant s’évapore ensuite, laissant une concrète contenant des composés aromatiques, cires et huiles de la plante. La concrète est macérée dans l’alcool pour réduire la cire et obtenir l’absolue. La solution alcoolique est homogénéisée, réfrigérée pour précipiter les cires, puis l’alcool est évaporé pour obtenir l’absolue.

Les solvants les plus courants sont l’hexane, cyclohexane et l’éthanol. L’extraction se fait avec un appareil de Soxhlet. En fonction du solvant, on obtient divers types d’extraits, y compris des hydrolysats, alcoolats, teintures, résinoïdes et concrètes.

L’extraction classique par solvant consiste à placer la matière végétale dans un extracteur avec un solvant volatil. Après des lavages successifs, le solvant chargé de molécules aromatiques est distillé à pression atmosphérique. Bien que plus coûteuse, cette technique offre des rendements généralement supérieurs à la distillation et évite l’hydrolyse par vapeur d’eau. De nouvelles techniques, comme l’extraction assistée par micro-ondes et l’extraction par CO2 supercritique, ont été développées pour améliorer l’efficacité et la sécurité environnementale.

L’extraction par micro ondes

Les micro-ondes servent dans deux types d’extractions :

  • le VMHD (hydrodistillation à micro-onde sous vide)
  • l’ESSAM (extraction sans solvant assistée par micro-ondes).

Dans le VMHD, l’eau de la plante est la seule à participer à l’extraction. Les molécules d’eau absorbent les ondes, générant une chaleur qui éclate la structure cellulaire des végétaux, démarrant ainsi un processus d’hydrodistillation. La vapeur extraie le contenu des cellules, puis se condense en liquide.

Cette technique libère plus rapidement la structure cellulaire, économisant temps et eau, et ne laisse aucune trace de solvant dans l’huile essentielle. L’ESSAM permet d’extraire des matières végétales fraîches à pression atmosphérique sans eau ni solvant. On place les végétaux dans un réacteur dans un four à micro-ondes. Le chauffage interne de l’eau intrinsèque de la plante dilate ses cellules, provoquant une distillation azéotropique d’un mélange eau/huile essentielle. Un système réfrigérant extérieur condense le distillat, qui est ensuite dirigé dans l’appareil de Clevenger pour la séparation de phase.

Comparée à la distillation traditionnelle, cette méthode d’extraction sans solvant par micro-ondes produit une huile essentielle de qualité similaire en moins de temps. Elle favorise l’extraction de composés oxygénés, plus odorants que les monoterpènes. La technique réduit la durée de distillation et augmente le rendement, mais n’a pas encore été développée industriellement. Elle présente de nombreux avantages : technologie verte, économie d’énergie et de temps, faible investissement initial et minimisation des dégradations thermiques et hydrolytiques.

La SFME (Solvent Free Microwave Extraction) combine les techniques de chauffage par micro-ondes et de distillation sèche. Sans ajout d’eau ou de solvant, le chauffage interne de l’eau de la plante provoque la rupture des glandes et récipients oléifères, libérant l’huile essentielle qui s’évapore avec l’eau de la plante. Cette technique est plus rapide, économise de l’énergie, et produit des huiles essentielles plus riches en composés oxygénés.

L’extraction au CO2 Supercritique

L’extraction par CO2 supercritique, similaire à l’extraction par solvant, utilise le CO2 comme solvant non nocif, sans laisser de traces dans l’huile essentielle obtenue. Pour atteindre l’état supercritique, on soumet un élément à forte pression ou température. Le CO2 atteint facilement cet état : il suffit de le chauffer à 31 °C ou de le mettre sous une pression de 74 bars. D’autres fluides supercritiques peuvent aussi être utilisés.

Ce processus implique de placer des végétaux broyés dans un extracteur, puis de les exposer au CO2 supercritique, comprimé et chauffé jusqu’à 40 °C. L’huile essentielle se dissout et le CO2 redevient gazeux, se séparant aisément de l’huile. Cette huile reste pure et fidèle à la substance originelle de la plante. Néanmoins, cette méthode reste peu répandue en raison du coût élevé de l’équipement.

L’extraction par fluide supercritique, ou SFE, emploie des solvants en état supercritique. Cela offre des propriétés physico-chimiques spéciales et un pouvoir de solvatation supérieur. Le CO2, fréquemment utilisé en SFE, se distingue par sa facilité d’accès, son innocuité, sa haute pureté et son coût modique. On l’élimine aisément de l’extrait. Cela fait de la SFE une méthode écologique, rapide et économe en solvants organiques. Les huiles essentielles extraites par SFE peuvent varier, en qualité et quantité, par rapport à celles issues de l’hydrodistillation.

L’extraction au CO2 supercritique se distingue par son solvant : le CO2 en phase supercritique, ni liquide, ni gazeux. Il devient un excellent solvant à l’état supercritique, mais peu efficace à l’état gazeux. Ses avantages incluent sa nature inerte, non toxique, peu coûteuse, l’utilisation de basses températures, et la facilité de séparation du solvant en fin de cycle. Cette technique, plus complète et moins dégradante que la vapeur d’eau, apporte de nouvelles notes olfactives. Toutefois, son coût d’installation industriel reste élevé.

Sources

  • https://www.doc-developpement-durable.org/file/Fabrications-Objets-Outils-Produits/Huiles-essentielles/FICHES_PLANTES&HUILES/Huile-essentielle_Wikipedia_FR.pdf
  • https://agrobiologia.net/online/wp-content/uploads/2020/01/18-1653-1659_-BOUKHATEM-et-al_.pdf
  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Enfleurage
  • https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01919474/document
  • https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01515314/document
  • https://www.ummto.dz/dspace/bitstream/handle/ummto/1568/THESE.pdf?sequence=1&isAllowed=y

1 réflexion au sujet de « Les différentes techniques pour obtenir des huiles essentielles »

  1. Très sympa votre post. j’apprécie énormément votre blog
    et vous lire. Merci pour ces moments de partage.

    Répondre

Laisser un commentaire