La Rage : Comprendre cette Zoonose Mortelle

La rage est une zoonose virale grave et souvent fatale, transmissible de l’animal à l’homme, qui constitue un problème majeur de santé publique dans de nombreuses régions du monde. Causée par le virus rabique, elle affecte principalement les mammifères, y compris les chiens, les chauves-souris et les humains. Ce virus attaque le système nerveux central et  provoque des symptômes neurologiques sévères. Ces derniers mènent généralement à la mort si le traitement n’est pas administré rapidement après l’exposition.

Quel est le virus impliqué ?

La rage est une encéphalite virale grave touchant exclusivement les mammifères. Le virus de la rage fait partie de la famille des Rhabdoviridae et du genre Lyssavirus. Il infecte principalement les vertébrés, l’homme étant un hôte accidentel.

Ce rhabdovirus possède un génome ARN monocaténaire non segmenté de sens négatif, dépourvu de coiffe et de queue polyA, et mesurant environ 12 kilobases. Le génome se compose de cinq gènes : N (nucléoprotéine), P (phosphoprotéine), M (protéine de matrice), G (glycoprotéine), et L (grande protéine, ARN polymérase ARN-dépendante).

Le virus de la rage est fragile, sensible à des températures supérieures à 50°C, aux ultraviolets, à la lumière, aux solutions savonneuses et aux solvants lipidiques (éther, chloroforme). La cible du virus est le cerveau, notamment le système limbique, sans détruire les cellules dans lesquelles il se multiplie.

Lors de la fixation, des molécules telles que des gangliosides, phospholipides, sucres et glycoprotéines, ainsi que divers récepteurs (nicotiniques, NCAM, métabotropiques au glutamate, NGF), sont impliquées. La pénétration se fait par endocytose, suivie de la libération de la nucléocapside dans le cytoplasme après fusion membranaire.

Pendant la phase d’éclipse, la synthèse virale s’active. La protéine L possède quatre sites enzymatiques : polymérase ARN dépendante, méthylase, poly A polymérase, et protéine kinase. La transcription et la réplication dépendent de la concentration en protéine N.

L’assemblage et la libération des virions se produisent par bourgeonnement des membranes cellulaires, avec la protéine G dirigeant l’assemblage des spicules et la protéine M condensant les nucléocapsides.

Le réservoir principal du virus semble être certaines chauves-souris. Les réservoirs-vecteurs sont les carnivores sauvages et domestiques. Après une morsure, le virus se multiplie dans le tissu musculaire, migre vers le système nerveux central via les synapses, et se dissémine dans l’organisme, menant à une encéphalite et des troubles comportementaux.

La mort survient par destruction des zones cérébrales contrôlant la respiration automatique.

Comment se manifeste la maladie chez l’animal ?

Les mammifères terrestres, y compris les chauves-souris, peuvent être infectés par la rage. La distribution géographique et la fréquence des cas varient : en Europe, principalement les renards ; en Afrique et en Asie, surtout les chiens et les chats ; en Amérique centrale et du Sud, les vampires (chauves-souris), ainsi que les chiens.

La transmission de la rage se fait habituellement par morsure et par la salive quelques jours avant les symptômes et pendant toute la maladie. La transmission par des objets souillés de salive infectée est plus rare.

Les symptômes apparaissent après une atteinte du cerveau : période asymptomatique de plusieurs mois, suivie de changements de comportement et de troubles nerveux (paralysie), conduisant à la mort en quelques jours. Chez les animaux domestiques, on observe une tendance à mordre ou, au contraire, de l’apathie. Les animaux sauvages présentent un comportement inhabituel, circulant en plein jour et se laissant approcher.

Le virus de la rage circule chez les carnivores sauvages (loups, renards, chacals, coyotes), responsables de la rage sylvatique. Les chiens et chats domestiques contractent la rage, provoquant la rage urbaine. Les chauves-souris d’Amérique et d’Europe contractent également cette maladie, mais leur rôle épidémiologique reste limité. En Amérique latine, les chauves-souris hématophages jouent un rôle significatif, où la rage tue 30 à 40 % des bovidés non vaccinés.

Chez le chien, la rage évolue en trois phases : modification du comportement, excitation avec hyperesthésie et convulsions, puis phase paralytique avec hypersalivation, dépression et coma. Les herbivores comme les bovidés, les ovidés et les caprinés peuvent aussi présenter des formes furieuses de rage.

La guérison de la rage est rare, à l’exception de certaines chauves-souris. Le vétérinaire cherche systématiquement à écarter la rage lorsqu’un chien présente des troubles nerveux.

Comment s’effectue la transmission ?

La transmission de la rage se fait principalement par morsure, plus rarement par griffure ou léchage, par un animal enragé. Bien qu’on ait signalé aucun cas autochtone ces dernières décennies, on recense quelques cas importés. Les activités professionnelles à risque incluent le contact avec des animaux potentiellement enragés (chauves-souris, animaux importés illégalement), les déplacements dans des pays où la rage reste présente, et le travail dans des laboratoires de diagnostic de la rage. L’homme est un hôte accidentel et terminal, avec une transmission interhumaine quasi inexistante. La quasi-totalité des cas humains (près de 98 %) provient de morsures de chien enragé.

La morsure de chat enragé est particulièrement grave, car souvent multiple et très pénétrante. Les attaques de loups enragés sont dangereuses en raison de leur taille et de leur capacité à infliger des morsures multiples. La transmission par herbivores domestiques est rare mais potentiellement dangereuse. En Afrique du Sud, on a siganlé un cas de morsure par un cheval enragé. La transmission par chauve-souris est exceptionnelle en Europe, avec seulement 4 cas humains de 1977 à 2012. En Guyane, un cas est survenu en 2008.

Aucun cas de rage humaine par morsure de rongeur, ingestion de viande crue, ou lait cru d’un animal enragé n’a été rapporté dans le monde. La transmission interhumaine est théoriquement possible mais rarissime, observée notamment lors de greffes de cornée. Le virus ne traverse pas la peau saine. La manipulation d’animaux morts peut également être contaminante, car le virus reste virulent dans le cadavre pendant un certain temps. Actuellement, on distingue 17 espèces de virus de la rage, différenciées par leur répartition géographique et leurs hôtes principaux. La rage classique des carnivores est majoritairement liée au virus RABV.

Quels sont les symptômes chez l’Homme ?

Après inoculation, le virus de la rage commence à se multiplier au point d’entrée dans le tissu musculaire sans causer de dommages visibles. Il pénètre ensuite les terminaisons nerveuses des neurones périphériques et se dirige vers les corps cellulaires par transport rétrograde, se multipliant en cours de route. Lorsqu’il atteint le cerveau, il se réplique activement, entraînant des troubles du comportement et de l’agressivité en raison de l’atteinte du système limbique. Le virus reste hors de portée du système immunitaire, ce qui est très problématique. Il diffuse ensuite vers divers organes et tissus tels que les glandes salivaires et les yeux.

La période d’incubation varie de quelques jours à plusieurs années, avec une moyenne de 1 à 3 mois. La période d’incubation peut varier selon la dose infectieuse, le lieu d’inoculation, et sa richesse en terminaisons nerveuses. Les premiers signes incluent des douleurs et des réactions locales au point d’inoculation, suivis de signes neurologiques : anxiété, confusion, agitation, évoluant vers une encéphalite sous forme furieuse (70-90 % des cas) ou paralytique (10-30 % des cas).

La forme furieuse se manifeste par une hydrophobie (spasme à la déglutition de liquides), une aérophobie (spasme facial déclenché par un souffle d’air) et une photophobie. Les symptômes incluent des hallucinations, des délires, des convulsions et de la fièvre, aboutissant à la mort par arrêt cardio-respiratoire en quelques jours.

La forme paralytique, ressemblant au syndrome de Guillain-Barré, progresse plus lentement, sans hydrophobie, mais reste presque toujours mortelle, avec une destruction des zones cérébrales contrôlant la respiration.

Une fois les symptômes apparus, l’évolution mène inéluctablement au coma et à la mort en quelques jours. La rage humaine est mortelle dans 100% des cas une fois déclarée, le décès survenant en 4 à 6 jours.

Comment s’effectue le diagnostic ?

Le diagnostic de la rage repose sur la recherche d’ARN viral dans une biopsie cutanée au niveau de la nuque ou par diverses techniques détectant tout ou partie du virus dans les tissus infectés (peau, urine, salive) avant ou après la mort. La présence d’anticorps anti-rabique est inconstante et retardée. Leur dosage par immunofluorescence dans le tissu cérébral post-mortem est la méthode de référence pour confirmation. On analyse également des échantillons de salive. De plus, on réalise une ponction lombaire pour obtenir du liquide céphalorachidien. On l’examine par la suite.

En France, le diagnostic chez l’animal se base sur la détection de l’antigène viral et l’isolement du virus à partir de tissus cérébraux. Les médecins soupçonnent la rage lorsque des symptômes comme céphalée, confusion, et d’autres signes apparaissent, surtout après une morsure par un animal ou une exposition à des chauves-souris. Cependant, de nombreux patients atteints de la rage ignorent avoir subit une morsure ou exposés.

La technique de la PCR (réaction en chaîne par polymérase) multiplie les copies d’un gène. On l’utilise couramment pour identifier la séquence unique de l’ADN viral dans un échantillon de peau, de liquide céphalorachidien ou de salive. Plusieurs échantillons prélevés à des moments différents augmentent les chances de détection du virus.

Les outils de diagnostic actuels ne permettent pas de détecter la rage avant la phase clinique. En l’absence de signes spécifiques comme l’hydrophobie ou l’aérophobie, ou d’antécédents de contact avec un animal suspect ou confirmé, le diagnostic clinique est difficile. La confirmation de la rage humaine, ante mortem et post mortem, utilise diverses techniques pour détecter le virus, les antigènes viraux ou les acides nucléiques dans les tissus infectés (encéphale, peau, salive).

Existe-il un traitement contre la rage ?

Il s’agit d’un traitement préventif utilisant un vaccin atténué cultivé en cellule, administré après contamination pour stimuler le système immunitaire et créer une protection avant que le virus n’atteigne le cerveau. On peut administrer des immunoglobulines antirabiques d’origine équine ou bovine en complément. La prophylaxie post-exposition (PPE), ou traitement antirabique curatif, doit se réaliser immédiatement après une plaie ou morsure à risque.

La rage se distingue par la longue durée de son incubation, permettant une prévention par vaccination même après exposition. La PPE est une course contre la montre entre la diffusion du virus et la réponse immunitaire. Elle vise à accélérer la production d’anticorps neutralisants par vaccination (immunisation active) et, selon les cas, par administration d’immunoglobulines spécifiques (immunisation passive). Selon l’OMS, une PPE rapide est efficace à 100%, même en cas d’exposition grave. On attribue souvent les échecs à une prise en charge tardive, une plaie mal soignée, ou un traitement incomplet.

Le traitement local consiste à éliminer les agents pathogènes au point d’entrée de l’infection par des moyens mécaniques (lavage) et chimiques (antisepsie). Il faut laver la plaie abondamment à l’eau savonneuse, la rincer à l’eau pure, et la désinfecter avec un antiseptique. Les plaies importantes nécessitent une prise en charge aux urgences. Cela inclue une exploration et réparation chirurgicale, antibiothérapie, et prévention du tétanos. Le traitement post-exposition inclut plusieurs injections de vaccin et, si nécessaire, des immunoglobulines.

En France, on produit les vaccins inactivés sur cultures cellulaires (cellules Vero ou embryon de poulet) avec différents protocoles d’injections intramusculaires. La voie intradermique, réduisant coûts et doses nécessaires, est aussi efficace.

Le traitement de la rage déclarée est presque toujours mortel. Les soins sont palliatifs, axés sur l’hydratation, les tranquillisants, et les sédatifs, en évitant les soins invasifs. Le protocole de Milwaukee a permis quelques survies. Cependant, on le déconseille désormais en raison de ses faibles taux de réussite et des séquelles graves.

Quels sont les moyens de prévention ?

La rage est une maladie animale réputée contagieuse et une maladie humaine à déclaration obligatoire. Elle est également reconnue comme une maladie professionnelle indemnisable (tableau n° 30 du régime agricole et n° 56 du régime général), nécessitant une déclaration par le travailleur ou ses ayants droit. On classe le virus de la rage dans le groupe de danger 3 (R. 231-61-1 du code du travail).

On conseille d’éviter tout contact avec un animal inconnu, surtout dans les pays où la rage est endémique. On recommande un vaccin préventif contre la rage en France pour les voyageurs, professionnels, et chiroptérologues à risque d’exposition. En effet, on administre ce vaccin aux personnes dont l’activité présente un risque d’infection.

La vaccination préventive utilise les mêmes vaccins que la vaccination curative. En France, les vaccins humains disponibles, dits de 3e génération, sont préparés sur cultures cellulaires : le vaccin rabique Pasteur (PVRV) et le vaccin Rabipur (PCECV). Le protocole recommandé par l’OMS consiste en trois injections aux jours 0, 7 et 28. On effectue les rappels selon un suivi sérologique, tous les 2 ans en situation de faible risque et tous les 6 mois en risque élevé. Ce vaccin préventif ne dispense pas de la vaccination curative en cas de morsure.

Les effets indésirables des vaccins sur cultures cellulaires incluent des douleurs et inflammations mineures chez 35 % à 45 % des vaccinés, et des réactions bénignes telles que fièvre, maux de tête, et troubles digestifs chez 5 % à 15 % des sujets.

La meilleure prévention contre la rage consiste à éviter les morsures d’animaux, notamment les animaux sauvages. Il est recommandé de ne pas s’approcher des animaux domestiques inconnus et des animaux sauvages, et d’appeler les autorités sanitaires locales si un animal semble malade.

Lutte internationale

Le commerce international d’animaux domestiques et sauvages est soumis à une réglementation stricte, incluant la présentation d’un certificat vétérinaire international validé. Chaque pays doit conformer ses règles d’importation d’animaux vivants aux standards de l’OIE. Les épizooties de rage sauvage terrestre sont traitées par vaccination. La réduction des populations sauvages n’est pas recommandée.

Les campagnes de vaccination de masse ciblent principalement les chiens, avec une couverture vaccinale minimum de 70 %. Cette stratégie s’est avérée efficace pour arrêter la transmission entre les chiens et réduire la transmission aux humains et autres mammifères. La vaccination doit être accompagnée d’un contrôle des chiens errants, mais pas de leur abattage, qui est inefficace à long terme.

La vaccination orale des renards par appâts, expérimentée pour la première fois en Suisse en 1978, a été adoptée en France en 1986, avec des largages d’appâts par hélicoptère en 1988. Cette méthode a permis de réduire la rage des renards à des niveaux négligeables en 1998.

Pour la rage des chauves-souris, la prévention repose sur l’éducation du public. En zones endémiques, on recommande d’utiliser des moustiquaires pour se protéger des morsures. En Europe, la rage des chauves-souris, documentée depuis 1954, est principalement causée par les virus EBLV-1 et EBLV-2. On déconseille de manipuler des chauves-souris trouvées au sol en plein jour.

L’OMS, en collaboration avec la FAO et l’OMSA, a lancé le forum « Tous unis contre la rage » pour promouvoir la lutte contre la rage. Gavi a inclus les vaccins contre la rage humaine dans sa stratégie d’investissement en faveur de la vaccination 2021-2025, permettant de soutenir la mise à l’échelle de la PPE dans les pays éligibles.

L’Anses, à travers son laboratoire de la rage et de la faune sauvage de Nancy, joue un rôle clé dans la surveillance et le contrôle de la rage. Ce laboratoire, en tant que laboratoire national de référence et laboratoire de référence de l’Union européenne, réalise le diagnostic de la rage et délivre les certificats de vaccination. Le HCSP actualise régulièrement les recommandations de prise en charge post-exposition sur le territoire français.

Quelques données épidémiologiques…

Selon l’OMS, la rage cause environ 59 000 décès chaque année, principalement dans les zones rurales d’Afrique et d’Asie. 40 % des victimes sont des enfants de moins de 15 ans. Ce chiffre est probablement sous-estimé, car les pays les plus touchés manquent de moyens de diagnostic. Le coût global de la maladie dépasse cinq milliards d’euros par an, voire huit milliards.

La rage n’est pas éradicable mondialement en raison de sa circulation dans la faune sauvage, mais elle peut être éliminée localement. L’objectif de l’OMS est de parvenir à zéro décès de rage humaine d’ici 2030. Un pays est considéré comme indemne de rage lorsqu’aucun cas de rage humaine ou animale transmise par le chien n’a été confirmé depuis au moins deux ans. Le processus d’élimination se fait en quatre phases : endémique, contrôle, zéro décès humain, et élimination. La situation reste fragile, nécessitant une surveillance continue.

En France

Selon les critères de l’OMS et de l’OIE, la France remplit les conditions de pays indemne de rage depuis 2010, mais la situation fait l’objet d’une surveillance permanente en raison des risques de réintroduction.

En France, la vaccination préventive des animaux de compagnie et des personnes exposées (chiroptérologues, vétérinaires) ainsi qu’un plan de surveillance nationale ont éradiqué la rage du renard (arrêté du 30 avril 2001). De 1968 à 2018, les autorités ont diagnostiqué 42 chiens et 3 chats atteints de rage, tous importés. Les cas importés, notamment du Maroc en 2008, ont entraîné des procédures judiciaires et des mesures de prise en charge des personnes exposées.

Le dernier cas de rage de chat remonte à octobre 2013, et celui de rage de chien à mai 2015 (chiot revenant d’Algérie). La France a retrouvé son statut de pays indemne de rage des mammifères terrestres en 2010, après l’avoir perdu en 2008. Un risque résiduel subsiste à cause des animaux importés illégalement, notamment des chiens d’Europe de l’Est et d’Afrique du Nord.

En France, la déclaration obligatoire et le Centre national de référence à l’Institut Pasteur surveillent la rage humaine. De 1970 à 2018, les autorités ont diagnostiqué 23 cas de rage humaine, dont 22 cas importés, principalement d’Afrique. En 2008, un cas non importé a émergé en Guyane, probablement à cause d’une chauve-souris. Le dernier cas importé, un enfant de 10 ans, est décédé en 2017 après une morsure au Sri Lanka. En 2024, les autorités ont enregistré trois décès dus à la rage en Guyane.

Entre 1989 et 2014, les experts ont identifié 48 cas de chauves-souris enragées en France. Le virus responsable de la rage des chauves-souris diffère de celui de la rage vulpine. Depuis 1924, aucun cas de rage humaine due au virus de la rage classique n’a été rapporté en métropole, à l’exception des cas importés.

En Europe

La rage terrestre est généralement éliminée ou contrôlée dans les pays de l’Union européenne. Cependant, des cas occasionnels de rage canine persistent en Europe de l’Est. La rage peut franchir les frontières, affectant les populations de renards Vulpes vulpes ou via le transport d’animaux de compagnie provenant de pays endémiques.

La Finlande et les Pays-Bas sont déclarés exempts de rage depuis 1991. L’Allemagne a éradiqué ses foyers persistants en 2008, notamment dans le Land de Hesse, qui avait été une source de propagation vers d’autres régions. L’Allemagne a entrepris des campagnes de vaccination orale des renards. En 2008, a été déclarée exempte de rage par l’OIE.

Depuis 1998, l’Allemagne a détecté 642 animaux atteints de la rage, dont 44 animaux domestiques, 422 renards et 115 chauves-souris. Depuis 2001, les autorités ont confirmé huit cas d’animaux domestiques atteints de rage. La maladie a causé la mort de cinq humains.

La Belgique et le Luxembourg ont déclaré l’élimination de la rage en 2001. Cependant, en mai 2013, une chauve-souris porteuse du virus a mordu un homme au Luxembourg. La Suisse, reconnue indemne de rage depuis le 1er janvier 1999, a rapporté quelques cas isolés chez des chauves-souris et des animaux importés.

L’Italie a éradiqué la rage en 1997, mais une épizootie provenant des Balkans a surgi en 2011. L’Italie, après une campagne de vaccination, a de nouveau atteint le statut d’exempte de rage en 2013. En République de Macédoine, l’identification de cas de rage vulpine en 2011 a conduit à une surveillance accrue. Les premiers cas grecs apparaissant en 2012 près de la frontière macédonienne.

La République Tchèque, grâce à de vastes campagnes de vaccination des renards, a enregistré son dernier cas de rage en 2002 et obtenu le statut d’exempte en 2004. En Pologne, l’organisation de vaccinations massives des renards a concentré les cas dans le sud-est, près de la frontière avec l’Ukraine. On relève seulement une vingtaine de cas en 2016.

En Amérique

Au Canada, la rage est une maladie à déclaration obligatoire. Les chauves-souris, renards arctiques ou roux, mouffettes, ratons-laveurs et animaux domestiques sont généralement responsables des infections. L’Ontario est la province la plus touchée.

Aux États-Unis, la rage canine a été déclarée éradiquée en 2007. Cependant, les chauves-souris, mouffettes et ratons-laveurs restent les principaux vecteurs d’infection.

L’épidémie de rage chez les mouffettes a débuté dans le nord-est des États-Unis dans les années 1970 et s’est propagée à d’autres États. Le contrôle par vaccination orale est plus difficile qu’en Europe en raison de la diversité des vecteurs, de l’étendue des territoires à traiter, et des coûts plus élevés des campagnes de vaccination.

En Amérique centrale et du Sud, les campagnes de contrôle de la rage canine ont significativement réduit les cas humains. En 2016, on a signalé seuls 10 cas humains de rage transmis par des chiens dans deux pays : Haïti (8) et Guatemala (2). Cependant, 23 décès humains dus à la rage transmise par des animaux autres que les chiens ont été enregistrés : Brésil (3), Colombie (2), Guatemala (1), Mexique (2), et Pérou (15).

La surveillance et les campagnes de vaccination restent essentielles pour contrôler la propagation de la rage en Amérique du Nord et en Amérique latine. Bien que la rage canine ait été éradiquée aux États-Unis, la vigilance est nécessaire en raison de la diversité des vecteurs. Les efforts en Amérique centrale et du Sud ont montré des résultats positifs, mais la transmission par d’autres animaux reste préoccupante.

Dans le reste du Monde

En Afrique, on estime le nombre de décès par rage transmise par le chien à plus de 20 000 par an, soit près de 36 % des cas mondiaux. Au Moyen-Orient, on comptabilise ces décès à 229 en 2015.

L’Inde est le pays le plus touché, représentant près de 60 % des 35 000 décès annuels en Asie, soit environ 35 % des cas mondiaux. En Asie centrale, on compte près de 1875 décès par rage chaque année.

Depuis 2007, l’ONG tibétaine Tibet Charity organise des campagnes de vaccination de chiens et de chats à Dharamsala et dans les régions voisines comme Chauntra, Gopalpur et Trilokpur. Aucun cas de rage n’a été enregistré en 2007.

La République populaire de Chine a recensé un pic de 3 279 cas de rage humaine en 2006. Les provinces du sud et du sud-est sont les plus touchées. La rage se classe parmi les trois premières causes de décès par maladie infectieuse notifiée, derrière le sida et la tuberculose. Depuis les années 2010, la Chine notifie de 2000 à moins de 1000 cas humains par an.

La République de Chine (Taïwan) a été exempte de rage de 1961 à 2013, mais la maladie a ressurgi en 2013 parmi les Melogale.

Le Japon était endémique à la rage, avec un pic dans les années 1920, mais la vaccination des chiens et la lutte contre les chiens errants ont fait diminuer les cas. En 1950, le Japon vote une loi pour lutter contre la rage, recensant les derniers cas en 1954 et 1957. Depuis, le Japon reste exempt de rage, malgré quelques cas contractés à l’étranger et déclarés.

L’Australie, officiellement exempte de rage, signale un premier cas en 1867. Deux morts surviennent en 1987 et 1990, la maladie se trouvait contractée à l’étranger. Des craintes existent quant à l’introduction de cette maladie par des animaux en provenance de l’Indonésie voisine.

Histoire de la rage

Le réservoir primitif du virus de la rage semble être certaines chauves-souris, qui peuvent être porteuses saines ou malades selon les espèces. Une étude phylogénétique indique que le virus rabique aurait évolué à partir de rhabdovirus d’insecte il y a environ dix mille ans. Le virus rabique actuel serait passé des chauves-souris aux carnivores il y a près de 900 à 1500 ans, bien que d’autres passages aient pu se produire auparavant.

La maladie

Dans le monde, l’histoire de la rage en dehors de l’Eurasie reste peu documentée. En Afrique, on note des cas sporadiques en Éthiopie avant le XXe siècle. La rage n’existait pas en Australie et en Nouvelle-Zélande avant la colonisation anglaise à partir de 1788, et il en est de même pour les îles du Pacifique.

En Europe

En Europe, l’épidémiologie de la rage avant le XXe siècle est mal documentée. Les signalements concernent principalement des cas isolés ou rares cas groupés. En Franconie, une invasion de loups enragés en 1271 a tué 30 personnes. En Alsace, des documents du XIIIe au XVIIe siècle montrent des interdictions de vendre la chair d’animaux mordus par des loups. La rage semble s’étendre en Europe occidentale à partir du XVIe siècle, probablement en raison de la croissance démographique perturbant les habitats de la faune sauvage.

Les premières villes à édicter des lois contre les chiens errants furent Nancy en 1701 et Paris en 1725. Une grande épizootie de rage a eu lieu en 1719-1728, couvrant la Hongrie, la Silésie, l’Allemagne et la France. La Grande-Bretagne est touchée en 1734-1735. La rage devient courante à Londres, en France, en Espagne et en Italie en 1759-1763.

Au XIXe siècle, la rage vulpine apparaît dans le Jura en 1803 et s’étend à la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne, persistant jusqu’aux années 1830. En France, la rage autochtone humaine remonte à 1924, le dernier cas de rage canine à 1958. La France a déclaré la rage du renard éliminée en 2001 après des campagnes de vaccination dans les années 1990.

Dans le Nouveau Monde

L’origine de la rage dans le Nouveau Monde n’est pas claire. La rage des chauves-souris pourrait avoir été présente à l’ère précolombienne. La rage du renard polaire et du loup arctique aurait circulé de la Sibérie à l’Alaska il y a des milliers d’années. La tradition orale des Esquimaux suggère qu’ils connaissaient la rage bien avant l’arrivée des Européens.

Les premières sources européennes ne mentionnent pas de cas de rage dans la faune américaine. Une publication espagnole de 1579 nie l’existence de la rage en Amérique. Les premiers rapports de cas de rage datent du XVIIIe siècle, au Mexique (1709), à Cuba (1719), en Virginie (1753), en Caroline du Nord (1762), en Nouvelle-Angleterre (1768), et au Pérou (1803). Cela suggère que la rage en Amérique, au moins en Amérique tempérée, est une importation européenne.

Au XIXe siècle, la rage est largement répandue dans la faune sauvage d’Amérique du Nord, notamment la rage des mouffettes signalée dans les Grandes Plaines et en Californie. Au XXe siècle, la rage chez le chien a diminué grâce à la vaccination et au contrôle des populations, attirant l’attention sur la rage d’autres espèces, comme le raton-laveur en 1936 et la chauve-souris en 1953.

La rage humaine devient rare dans les pays développés au XXe siècle. Aux États-Unis, on compte 236 cas de rage humaine de 1946 à 1965, et moins de 2 cas par an dans les années 1990. Au Canada, 21 cas de 1924 à 1986. Les cas humains sont beaucoup plus nombreux en Afrique et en Asie, avec plus de 400 cas par an en Éthiopie et jusqu’à vingt mille par an en Inde dans les années 1980.

Les connaissances sur la maladie

Dans la mythologie grecque, Lyssa est le démon ou la déesse de la rage et de la folie furieuse. Aristote mentionne la rage dans son Histoire des animaux (VIII, 22), reconnaissant la rage des animaux domestiques et ses effets sur les animaux mordus. C’est uniquement à partir de 1880 que la maladie est comprise. Pasteur améliore les travaux de Galtier, démontrant que le système nerveux central est le site principal de la rage. En 1885, Pasteur réussit la première vaccination humaine contre la rage.

Description dans l’Antiquité

On estime la connaissance de la rage depuis au moins 2000 avant Jésus-Christ. La première trace écrite figure dans les Lois d’Eshnunna de Mésopotamie (vers -1930), qui impose aux propriétaires de chiens enragés d’éviter les morsures, sous peine d’amende en cas de décès d’une tierce personne.

En Chine, on mentionne la rage canine et humaine dans des textes du VIe siècle av. J.-C. Le médecin alchimiste Ge Hong, au IVe siècle ap. J.-C., recommande de faire saigner la plaie et d’y appliquer la moxibustion. En Inde, on décrit la rage et l’hydrophobie dans le Sushruta Samhita. Ce dernier propose entre autres le datura comme remède.

Dans la mythologie grecque, Lyssa est le démon ou la déesse de la rage. On représente la rage canine par le mythe d’Actéon, dévoré par ses propres chiens pour avoir surpris Artémis au bain. Aristote mentionne la rage dans son Histoire des animaux. Il indique que tous les animaux mordus deviennent enragés sauf l’homme. Cette assertion a été discutée jusqu’au XXe siècle.

Les auteurs romains comme Dioscoride, Pline, Galien et Celse écrivent sur la rage. Celse utilise le terme de « virus » pour désigner la cause de la rage, non pas au sens moderne, mais comme « poison » ou « venin ». Il recommande des traitements préventifs comme la cautérisation et des bains chauds.

Les auteurs byzantins transmettent les connaissances gréco-romaines, incluant divers remèdes. La Bible ne mentionne pas la rage. En revanche, le Talmud évoque celle-ci. Elle se trouve également décrite en détail par Maïmonide. Les auteurs islamiques, tels qu’Avicenne, développent une théorie humorale de la rage.

Les avancées

En Occident médiéval, la connaissance de la rage reste limitée. Le principal saint intercesseur contre la rage est saint Hubert, dont les reliques guérissaient la rage. Le culte de saint Hubert s’est prolongé jusqu’au XIXe siècle.

L’accès aux sources grecques n’apporte guère de progrès. Girolamo Fracastoro propose sa théorie du contagium vivum. Il indique que les maladies contagieuses sont transmises par des germes ou graines minuscules. Il préconise la cautérisation immédiate de la plaie.

Trois courants médicaux marquent le début du siècle : négatif, neutre et positif. Le courant positif s’appuie sur les travaux de Zinke, démontrant l’existence d’une rage transmissible. Pierre Victor Galtier montre que le lapin est un meilleur modèle que le chien et propose la vaccination post-morsure.

Louis Pasteur améliore les travaux de Galtier, obtenant l’immunité chez le chien et la première vaccination humaine en 1885. La méthode de Pasteur se répand rapidement dans le monde entier.

La nature exacte de l’agent causal reste indéterminée jusqu’en 1903, lorsque Adelchi Negri découvre les corps de Negri, interprétés à tort comme un protozoaire. En 1903, Paul Remlinger prouve que l’agent de la rage est un virus filtrant. En 1913, Hideyo Noguchi réussit la première culture du virus rabique in vitro. La nature exacte du virus rabique est progressivement élucidée à partir des années 1930 avec la microscopie électronique.

Les vaccins

Pasteur a conçu le vaccin original à partir de suspensions de moelle épinière de lapin enragé, atténuées par dessication. La vaccination incluait une douzaine d’inoculations en dix jours, avec une virulence croissante. Des personnalités scientifiques et politiques telles qu’Alfred Vulpian, Paul Brouardel, et Henry Bouley ont soutenu cette méthode. Cela a facilité son adoption rapide. Cependant, Michel Peter et Auguste Lutaud ont critiqué cette approche, remettant en question les statistiques de Pasteur et soulignant les risques associés, notamment les accidents neurologiques causés par du matériel encore virulent.

Jusqu’aux années 1950, les vaccins antirabiques étaient produits à partir de tissu nerveux de lapin, mouton ou chèvre. Claudio Fermi et David Semple ont amélioré le vaccin de Pasteur. Le premier correspondait à un vaccin vivant atténué et le second à un vaccin inactivé par le phénol. Cependant, ces vaccins présentaient des risques, notamment des encéphalites allergiques causées par la myéline présente dans les vaccins. En 1956, E. Fuenzalida a développé un vaccin inactivé à taux réduit de myéline à partir de cerveau de souriceau. Malgré cela, des accidents graves ont encore pu survenir, comme à Fortaleza, au Brésil, en 1960. Le risque de ces vaccins variait entre 1 accident sur 230 à 1 sur 8000 selon les vaccins.

Les recherches sur la production de vaccins antirabiques à partir de cultures cellulaires ont débuté en 1958 avec des cellules rénales de hamster. À partir des années 1980, on a utilisé d’autres milieux de culture, notamment les cellules diploïdes humaines (HDCV), les cellules Vero (PVRV) et les cellules d’embryons de poulet (PCECV). Ces vaccins sont les plus utilisés dans le monde au début du XXIe siècle. En 1982, en Thaïlande, le passage du vaccin de Semple au HDCV a réduit le taux de complications neurologiques de 1 sur 155 à moins de 1 sur 50 000.

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