Les zoonoses représentent un ensemble d’infections transmissibles des animaux aux humains. Parmi elles, les salmonelloses sont particulièrement notoires en raison de leur fréquence et des conséquences sanitaires importantes qu’elles engendrent. Ces infections, causées par des bactéries du genre Salmonella, se manifestent par une gamme de symptômes allant de la gastro-entérite bénigne à des infections graves.
Quel est l’agent infectieux responsable ?
Les salmonelles sont des bactéries du genre Salmonella, un groupe de bacilles Gram négatifs de la famille des Enterobacteriaceae. Parmi les nombreuses variétés, les plus connues sont Salmonella typhi, Salmonella typhimurium et Salmonella enteritidis. Salmonella typhi se transmet exclusivement entre humains et ne constitue donc pas une zoonose. En revanche, les autres sérovars se transmettent des animaux aux humains, constituant ainsi des zoonoses.
Ces bactéries possèdent une robustesse notable, survivant plusieurs semaines en milieu sec et plusieurs mois dans l’eau. Elles se trouvent fréquemment dans les milieux aquatiques pollués, la contamination par les excréments d’animaux porteurs jouant un rôle clé. Les vertébrés aquatiques, notamment les oiseaux (comme les anatidés) et les tortues, sont d’importants vecteurs de salmonelles.
Les salmonelles mesurent entre 0,7 et 1,5 μm de diamètre et de 2 à 5 μm de longueur, souvent dotées d’un flagelle. Biochimiquement, elles sont mobiles, aéro-anaérobies facultatifs et fermentent le glucose. Elles possèdent des antigènes somatiques O lipopolysaccharidiques et des antigènes flagellaires H, cruciaux pour leur identification sérologique. Certaines souches hypervirulentes peuvent résister aux vaccins actuels, posant un défi majeur pour la santé publique.
Les antigènes somatiques O, présents dans la paroi des bactéries, sont essentiels pour la classification des sérovars. Il en existe 67 types différents. L’antigène O majeur caractérise un groupe de Salmonella, tandis que l’antigène O mineur est accessoire. La perte de cet antigène par mutation peut entraîner une réduction ou une perte totale du pouvoir pathogène de la bactérie.
Les antigènes flagellaires H, présents sous deux formes différentes (phases), permettent également de distinguer les sérovars. Certaines souches possèdent les deux phases simultanément (diphasique) tandis que d’autres n’en ont qu’une seule (monophasique).
Comment se manifeste cette maladie chez l’animal ?
Les salmonelloses peuvent infecter pratiquement toutes les espèces animales, y compris les ruminants, les volailles, les porcins et les nouveaux animaux de compagnie comme les tortues et les reptiles. La distribution géographique des salmonelloses est mondiale, avec une présence significative dans divers systèmes de production animale. En France, des réseaux de surveillance tels que RESSAB et RENESA montrent une régression des cas chez les bovins adultes mais une persistance chez les volailles.
La transmission des salmonelloses chez les animaux se fait principalement par ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par des déjections infectées. Les salmonelles se multiplient dans le tube digestif et sont excrétées en grande quantité, contaminant ainsi durablement l’environnement des élevages. Les volailles sont souvent porteuses asymptomatiques, mais peuvent parfois présenter une diarrhée suivie de la mortalité des jeunes. Chez les ruminants et les porcs, la maladie se manifeste par une forte diarrhée, de la fièvre, de l’abattement et parfois des avortements.
Certaines souches de salmonelles sont spécifiques à certaines espèces animales : Salmonella Abortusequi chez les chevaux, S. Gallinarum-Pullorum chez les volailles, S. Choleraesuis chez les porcs, S. Dublin chez les bovins, et S. Abortusovis chez les ovins.
En plus de la contamination alimentaire, les salmonelles peuvent se propager par contact direct avec des animaux infectés ou par l’ingestion d’eau contaminée. La résistance des salmonelles dans l’environnement extérieur, notamment dans les sols et les eaux contaminés, augmente le risque de transmission.
Les symptômes des salmonelloses chez les animaux varient en fonction de l’espèce et de la souche bactérienne. Chez les volailles, les infections sont souvent asymptomatiques, mais peuvent parfois provoquer des diarrhées et des mortalités chez les jeunes. Chez les ruminants et les porcs, les symptômes incluent des diarrhées sévères, de la fièvre, de l’abattement et des avortements. Les infections peuvent également causer des septicémies chez les jeunes animaux.
Quel est son mode de transmission ?
La transmission des salmonelloses se fait essentiellement par voie digestive. Les principales sources de contamination incluent l’ingestion d’aliments crus ou peu cuits comme les œufs, les produits à base d’œufs, le lait et les produits laitiers, ainsi que les viandes et produits de charcuterie. En milieu professionnel, les personnes en contact avec des animaux infectés ou leur environnement souillé, tels que les éleveurs, les vétérinaires et les ouvriers d’abattoir, sont particulièrement à risque.
En métropole, environ 6500 cas de salmonelloses sont diagnostiqués chaque année. La dose infectante pour déclencher une infection est généralement supérieure à 100 000 bactéries. Les nourrissons et les jeunes enfants sont plus sensibles, nécessitant une ingestion plus faible pour contracter la maladie.
Les aliments d’origine animale sont souvent impliqués dans la transmission. Cependant, des cas peuvent également survenir par contact direct avec des animaux infectés ou par ingestion d’eau contaminée. La transmission interhumaine est possible, particulièrement dans les environnements où les mesures d’hygiène sont insuffisantes.
Le risque de transmission des salmonelloses est particulièrement élevé dans les contextes où les règles d’hygiène ne sont pas rigoureusement respectées. Cela inclut les manipulations alimentaires inappropriées, le stockage inadéquat des aliments et l’absence de cuisson suffisante des produits à risque. Les œufs, les produits laitiers non pasteurisés, les viandes crues ou insuffisamment cuites, ainsi que les fruits et légumes contaminés par des excréments animaux sont des vecteurs courants de transmission.
Les professionnels de la santé animale et de l’alimentation doivent être particulièrement vigilants. Les éleveurs, les vétérinaires, les ouvriers d’abattoir et le personnel des laboratoires vétérinaires sont exposés à un risque accru de contamination en raison de leur contact fréquent avec des animaux infectés ou leur environnement souillé.
Quels sont les symptômes de cette infection chez l’Homme ?
Chez l’humain, les salmonelloses se manifestent principalement sous forme de gastro-entérites aiguës. Les symptômes apparaissent généralement entre 12 et 72 heures après l’ingestion des bactéries et incluent de la diarrhée, des douleurs abdominales, de la fièvre, des nausées et parfois des vomissements. Les diarrhées peuvent être sanglantes, en particulier chez les nourrissons, et entraîner une déshydratation sévère.
La plupart des cas sont bénins et se résolvent en quelques jours sans traitement spécifique. Cependant, chez les personnes immunodéprimées, les nourrissons et les personnes âgées, l’infection peut devenir grave, voire mortelle. Des complications comme la septicémie, la méningite ou les abcès peuvent survenir, nécessitant une prise en charge médicale urgente.
Les symptômes incluent également des maux de tête, des crampes abdominales et parfois des troubles de la vision. La contamination massive par ingestion d’aliments contaminés est la principale cause, les bactéries pénétrant par voie digestive et provoquant une réaction inflammatoire intestinale. Les signes cliniques peuvent persister plusieurs jours, et une surveillance médicale est recommandée pour éviter les complications.
Les infections à salmonelles peuvent entraîner des manifestations cliniques variées en fonction de la souche bactérienne et de l’état immunitaire de l’hôte. Chez les adultes en bonne santé, les symptômes sont généralement bénins et se résolvent spontanément. Cependant, les personnes âgées, les nourrissons, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées sont particulièrement vulnérables et peuvent développer des formes sévères de la maladie.
Les diarrhées sévères peuvent entraîner une déshydratation rapide, nécessitant une réhydratation immédiate pour prévenir les complications. La déshydratation est particulièrement dangereuse chez les jeunes enfants et les personnes âgées. Les vomissements et les nausées peuvent aggraver l’état de déshydratation, rendant nécessaire une surveillance médicale étroite.
Les infections systémiques, bien que rares, peuvent survenir. La septicémie constitue une complication grave pouvant entraîner la mort si elle n’est pas traitée rapidement. Les infections focales, comme les méningites ou les infections ostéo-articulaires, peuvent également se développer chez les individus à risque. Ces infections nécessitent une prise en charge médicale spécifique et souvent prolongée.
Comment s’effectue le diagnostic ?
Le diagnostic des salmonelloses repose principalement sur l’analyse des selles pour détecter la présence de Salmonella. Les cultures de selles sont couramment utilisées, ensemencées sur des milieux sélectifs comme la gélose Salmonella-Shigella, la gélose Hektoën ou la gélose XLD. Ces milieux permettent de différencier les colonies de salmonelles des autres bactéries fécales.
Le sérotypage est également essentiel pour identifier les sérovars spécifiques impliqués dans l’infection. En France, les sérotypes S. Enteritidis et S. Typhimurium sont les plus fréquents. Les hémocultures peuvent être utilisées dans les cas d’infections sévères ou chez les patients immunodéprimés pour détecter une éventuelle septicémie.
Le diagnostic clinique se base sur les symptômes de gastro-entérite aiguë, la fièvre et les douleurs abdominales. Chez les patients présentant des symptômes sévères ou appartenant à des groupes à risque, des tests supplémentaires peuvent être nécessaires pour évaluer la dissémination de l’infection.
Les tests de laboratoire sont essentiels pour confirmer la présence de Salmonella et déterminer le sérovar spécifique responsable de l’infection. La coproculture, qui consiste à ensemencer des échantillons de selles sur des milieux sélectifs, permet d’isoler et d’identifier les bactéries.
L’analyse biochimique et sérologique des colonies suspectes permet de confirmer l’identité des bactéries isolées. Le sérotypage, basé sur la réaction d’agglutination des antigènes O et H avec des sérums spécifiques, est crucial pour identifier le sérovar de Salmonella. Cette information est importante pour les enquêtes épidémiologiques et la mise en place de mesures de contrôle adaptées.
Dans les cas graves ou compliqués, des hémocultures peuvent être réalisées pour détecter une éventuelle septicémie. Le diagnostic différentiel doit inclure d’autres causes de gastro-entérites bactériennes, virales ou parasitaires. Les symptômes de la salmonellose peuvent ressembler à ceux d’autres infections gastro-intestinales, telles que la shigellose, la campylobactériose ou les infections à Escherichia coli.
Quel est le traitement adapté ?
Le traitement des salmonelloses est principalement symptomatique. La réhydratation compense les pertes de fluides dues aux diarrhées et aux vomissements. Les professionnels de santé utilisent couramment des solutions de réhydratation orale, et dans les cas sévères, ils recourent à une réhydratation par perfusion.
L’antibiothérapie, souvent déconseillée pour les cas non compliqués, peut prolonger le portage asymptomatique des bactéries. Cependant, les médecins prescrivent des antibiotiques aux patients à risque, comme les nourrissons, les personnes âgées ou immunodéprimées. Les antibiotiques couramment utilisés incluent la ciprofloxacine, l’azithromycine et la ceftriaxone.
La prévention des complications graves repose sur une surveillance médicale étroite et un traitement approprié des symptômes.
Dans les cas bénins, le traitement de la salmonellose consiste principalement à soulager les symptômes. Il faut encourager les patients à boire beaucoup de liquides pour éviter la déshydratation. On peut utiliser les solutions de réhydratation orale, contenant des électrolytes essentiels, car elles se révèlent particulièrement utiles. Il faut généralement éviter les anti-diarrhéiques, car ils peuvent prolonger l’infection.
En cas de symptômes sévères ou de complications, une hospitalisation doit s’envisager. On peut utiliser la réhydratation intraveineuse pour corriger les déséquilibres électrolytiques et prévenir la déshydratation sévère. Dans ces cas, une surveillance médicale étroite s’avère essentielle pour évaluer la réponse au traitement et ajuster les soins en conséquence.
L’antibiothérapie est réservée aux cas graves, aux patients immunodéprimés et aux jeunes enfants. Les antibiotiques de choix incluent la ciprofloxacine, une fluoroquinolone, et l’azithromycine, un macrolide. La ceftriaxone, une céphalosporine de troisième génération, est également utilisée dans les infections sévères. Cependant, l’émergence de souches de Salmonella résistantes aux antibiotiques est une préoccupation croissante, nécessitant une surveillance continue et des ajustements des protocoles de traitement.
Quels sont les moyens de prévention disponibles ?
La prévention des salmonelloses repose sur une combinaison de mesures d’hygiène et de sécurité alimentaire à tous les niveaux de la chaîne de production. Les producteurs doivent vérifier la qualité sanitaire de l’alimentation animale et de l’eau, et protéger les champs de la contamination par les excréments animaux.
Les exploitants du secteur alimentaire suivent les principes HACCP (Hazard Analysis Critical Control Points) pour identifier et contrôler les points critiques de la production. Les employés reçoivent une formation aux bonnes pratiques d’hygiène, et des mesures de surveillance garantissent la sécurité sanitaire des aliments.
Les consommateurs se lavent les mains avant de préparer des repas, cuisent suffisamment les aliments, en particulier les viandes, et évitent les produits au lait cru pour les personnes fragiles. Ils conservent les œufs et les produits à base d’œufs au réfrigérateur et les consomment rapidement.
Les mesures de prévention collective incluent la surveillance des élevages et la mise en place de programmes de vaccination pour les animaux. Les éleveurs suivent des protocoles stricts de nettoyage et de désinfection des installations pour réduire la charge bactérienne. La lutte contre les vecteurs, tels que les insectes et les rongeurs, minimise également le risque de contamination.
En milieu professionnel, les travailleurs exposés à des risques de contamination reçoivent une formation aux mesures de prévention. L’utilisation d’équipements de protection individuelle, tels que des gants et des vêtements de travail appropriés, s’avère cruciale. Les travailleurs ont accès à des installations pour se laver les mains régulièrement et à des vestiaires séparés pour éviter la contamination croisée entre les vêtements de travail et les effets personnels.
Les mesures de lutte en cas d’infection dans les élevages incluent l’isolement des animaux malades et la mise en place de traitements curatifs. L’accès aux sites contaminés se limite aux professionnels indispensables, et des protocoles de désinfection rigoureux sont appliqués.
Quelques données épidémiologiques…
Les salmonelloses représentent la deuxième cause d’infections gastro-intestinales d’origine alimentaire en Europe. En 2018, les autorités sanitaires ont recensé 91 857 cas confirmés de salmonellose, soit un taux de 20,1 cas pour 100 000 habitants. En France, les experts estiment l’incidence des salmonelloses humaines à environ 307 cas pour 100 000 habitants par an. Toujours en 2018, les autorités ont déclaré 1 630 toxi-infections alimentaires collectives, touchant 14 742 personnes, dont 777 ont nécessité une hospitalisation et deux sont décédées.
Le sérotype Enteritidis est le plus fréquent, suivi par le variant monophasique de Typhimurium et Typhimurium. Ces trois sérotypes représentent 61% des isolements en France. Des épidémies importantes peuvent survenir, comme celle de 1994 aux États-Unis où 224 000 personnes ont été touchées par une crème glacée contaminée.
En Europe, les infections par des bactéries du genre Salmonella sont en constante diminution depuis 2001, reflétant l’efficacité des politiques de sécurité sanitaire des élevages et des abattoirs.
Le Centre National de Référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella (CNR), à l’Institut Pasteur, joue un rôle crucial dans la surveillance microbiologique des salmonelloses humaines en France. En 2018, le CNR a répertorié entre 10 000 et 11 000 isolements annuels de Salmonella chez l’homme. Les chercheurs différencient ces bactéries en plus de 2600 sérotypes, avec Enteritidis comme sérotype majoritaire, suivi par le variant monophasique de Typhimurium et Typhimurium.
Les épidémies de salmonellose peuvent entraîner des conséquences graves. En 2019, en région Hauts-de-France, les autorités ont identifié 25 cas de salmonellose à Salmonella Bovismorbificans. Les investigations ont révélé que la consommation de viande chevaline crue ou peu cuite constituait la source probable de cette épidémie.
Les enquêtes de traçabilité ont révélé un circuit d’approvisionnement commun avec un grossiste belge, approvisionné par un abattoir et un atelier de découpe de viandes situés en Roumanie.
Mesures de lutte contre les salmonelles
L’Anses est essentielle pour surveiller les contaminations des animaux, des aliments et de l’environnement des élevages, des abattoirs et des ateliers de préparation. Dans le cadre de la surveillance officielle et du mandat national de référence, l’Anses caractérise les différentes souches de salmonelles. Elle analyse leur évolution grâce au réseau Salmonella. Ce dernier collecte des souches provenant de sources animales, alimentaires et environnementales.
Elle participe également à l’investigation des foyers de salmonelloses humaines en collaboration avec la Direction générale de l’alimentation, Santé publique France et le Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella (ESS). L’Anses effectue des évaluations de risque sur toute la chaîne alimentaire. De plus, elle identifie les mesures les plus efficaces pour réduire le risque de salmonellose.
L’OMS met en avant l’importance de la sécurité sanitaire des aliments pour garantir une alimentation saine et nutritive. Elle propose des politiques et recommandations pour l’ensemble de la chaîne alimentaire, de la production à la consommation. Cela permet de renforcer les systèmes de sécurité sanitaire. En effet, cela permet de fixer des normes internationales, surveiller les maladies, et former les consommateurs et manipulateurs d’aliments.
L’OMS renforce les capacités des laboratoires pour surveiller les agents pathogènes alimentaires comme Campylobacter et Salmonella. Elle promeut la surveillance de la résistance antimicrobienne. Avec la FAO, l’OMS coordonne les efforts internationaux pour détecter et répondre aux flambées de maladies alimentaires via le Réseau international des autorités de sécurité sanitaire des aliments (INFOSAN).
La directive 2003/99/CE oblige les États membres à disposer de dispositifs de surveillance sur certaines zoonoses, dont la Salmonella. En France, le Centre national de référence des Salmonella (CNR) surveille les salmonelloses humaines. Pour se faire, il collecte des données sur les souches isolées et les résultats de sérotypage. Les agents des directions départementales en charge de la protection des populations (DDecPP) réalisent les contrôles officiels. De plus, des laboratoires agréés par l’État effectuent les analyses.