Mycobacterium marinum : Zoonose dermatologique émergente

Les affections cutanées à Mycobacterium marinum constituent un défi diagnostique et thérapeutique croissant dans le domaine de la dermatologie médicale. Cette infection résulte de l’exposition à des mycobactéries communes présentes dans les environnements aquatiques. Elle est également reconnue comme une zoonose. Elle affecte souvent les personnes en contact direct avec des animaux infectés ou leur environnement.

À quoi ressemble la maladie chez l’animal ?

L’infection par Mycobacterium marinum, souvent appelée « tuberculose du poisson », affecte principalement les espèces de poissons d’aquarium et d’élevage, en particulier les espèces tropicales. Moins fréquemment, cette maladie peut infecter également les tortues, les crocodiles et les grenouilles. Cette infection se répartit à l’échelle mondiale dans les environnements aquatiques, qu’il s’agisse d’eaux douces ou salées. Sa fréquence reste inconnue.

La transmission de Mycobacterium marinum se fait principalement par ingestion de nourriture contaminée ou de détritus d’animaux aquatiques. Elle peut également se produire par inoculation cutanée. Les symptômes de l’infection cutanée peuvent initialement passer inaperçus pendant de nombreuses années. Ensuite, elle se manifester par des lésions cutanées telles que la chute des écailles, des ulcérations, une décoloration, un gonflement de l’abdomen ou une exophtalmie. Dans les cas aigus, l’infection peut entraîner une mortalité brutale.

Le diagnostic de la tuberculose du poisson est souvent difficile à établir en raison de symptômes non spécifiques, nécessitant des analyses en laboratoire longues et coûteuses. Les espèces les plus sensibles en aquariophilie incluent les cyprinidés, les cichlidés, les characidés, les labyrinthidés et les espèces marines. Les traitements disponibles restent limités et l’infection demeure souvent mortelle pour le poisson atteint. Réservés aux vétérinaires spécialisés en raison du risque zoonotique et de la résistance de Mycobacterium marinum aux traitements classiques, on préconise les traitements à base de sulfamides et d’antibiotiques. Immédiatement après la détection, on recommande d’isoler les poissons infectés. Il faut procéder à un nettoyage minutieux de l’aquarium afin de prévenir la propagation de l’infection.

Comment se transmet-elle de l’animal à l’Homme ?

La contamination par Mycobacterium marinum survient généralement par contact avec une plaie ou une piqûre (par exemple, une arête de poisson). Cela expose ainsi les pêcheurs à un risque professionnel. Actuellement, on la contracte principalement lors de la manipulation de poissons par les aquariophiles sans l’utilisation de gants de protection, ou lors du nettoyage des aquariums. Autrefois, on l’a associée à des épidémies de granulomes après la baignade en piscine. Ce mode de transmission a diminué grâce à une meilleure chloration des piscines.

Une étude rétrospective a été menée en Thaïlande portant sur 123 cas d’infections cutanées causées par des mycobactéries atypiques. Celle-ci a révélé que 65 % étaient attribuables à M. fortuitum/chelonae et seulement 30 % à M. marinum. Cette dernière constitue la responsable uniquement des atteintes aux extrémités. Cependant, en France, on estime que M. marinum représente près de la moitié des infections à mycobactérie. En revanche, elle est rarement identifiée en laboratoire en raison de sa rareté clinique.

L’incubation moyenne de la maladie est d’environ 2 semaines. La transmission de Mycobacterium marinum se fait par une blessure ou le contact d’une lésion cutanée même minime avec un poisson infecté, du matériel ou de l’eau contaminée (aquarium, piscine, etc.).

Bien que l’infection puisse résulter de blessures directes causées par des piqûres (telles que celles provenant d’épines) ou des morsures de poissons, elle se manifeste principalement lors de l’entretien des aquariums. Des cas d’infections indirectes ont également été signalés, notamment par l’utilisation d’ustensiles de bain d’enfants ayant été en contact avec de l’eau contaminée provenant d’aquariums.

Comment se manifeste-t-elle chez l’Homme ?

En France, on recense plusieurs dizaines de cas par an de lésions cutanées à Mycobacterium marinum.

On observe trois formes principales de manifestations :

  • Les lésions cutanées molles saillantes sont souvent désignées comme le « granulome des aquariums » ou des piscines. Elles évoluent vers l’ulcération, affectant principalement les mains et les avant-bras. En l’absence de traitement, elles peuvent conduire à des infections graves des tendons de la main.
  • Des cas moins fréquents d’infections généralisées surviennent, surtout chez les personnes immunodéprimées. La lésion initiale, souvent papulonodulaire et indolore, siège principalement au point d’inoculation, généralement situé aux extrémités, comme le membre supérieur dans le cas de la « maladie des aquariums » ou parfois au membre inférieur dans celui des « granulomes des piscines ». L’évolution des lésions est variable, pouvant devenir ulcérées, abcédées, verruqueuses ou végétantes, avec une disposition linéaire sur le membre le long des lymphatiques, caractéristique de la forme sporotrichoïde.
  • Des complications ostéo-articulaires, notamment aux mains, sont assez fréquentes, favorisées notamment par l’usage de corticothérapie. Les atteintes ganglionnaires sont rares, et la dissémination systémique exceptionnelle. On a observé cette complication chez des enfants atteints d’hémopathie ou chez des individus infectés par le VIH.

Les symptômes comprennent des chapelets de nodules sur les extrémités, indolores et résistants aux traitements classiques, avec des lésions papulo-nodulaires pouvant s’ulcérer, suppurer ou devenir kératosiques. Ces nodules suivent un schéma sporotrichoïde le long du drainage lymphatique, caractéristique de la maladie. Les complications peuvent affecter les tendons, les gaines synoviales et les articulations, pouvant conduire à une amputation.

Le diagnostic est souvent retardé en raison de la rareté de l’infection et de l’oubli de l’exposition aquatique. Il nécessite un indice élevé de suspicion, avec un historique détaillé et une culture spécifique de Mycobacterium marinum. On utilise également des méthodes de détection basées sur l’ADN pour classer les mycobactéries.

Zoom sur la bactérie Mycobacterium marinum


Mycobacterium marinum
est une bactérie aquatique appartenant à la famille des mycobactéries atypiques. Elle est responsable d’infections opportunistes chez l’homme. C’est une zoonose transmissible du poisson à l’humain, mais elle n’est généralement pas mortelle pour les personnes immunocompétentes et guérit spontanément dans la plupart des cas.

Ce microorganisme se présente sous forme de bacilles d’environ 4 μm de longueur, avec un aspect zébré.

M. marinum, largement répandue à travers le monde, colonise divers environnements aquatiques comme l’eau douce et l’eau salée. Elle infecte également les animaux à sang froid tels que les poissons, les amphibiens et divers reptiles, sains ou malades. Bien que des cas d’infections aient été signalés chez d’autres espèces animales telles que les bovins, les porcs, les hérissons européens et les lamantins d’Amazonie, M. marinum est principalement reconnue pour son rôle en tant que zoonose affectant l’homme.

La première isolation de M. marinum remonte à 1926 par Joseph D. Aronson, à partir d’un poisson malade. Linell et Norden ne l’identifie comme agent pathogène chez l’hommece qu’en 1951. Autrefois, on associait souvent les infections humaines liées à cette mycobactérie atypique à la natation. Cependant, leur incidence a considérablement diminué dans les piscines grâce à l’amélioration des pratiques de construction et d’entretien.

Le premier cas d’infection associée à un vivier de poissons a été signalé en 1962. On considère la tuberculose du poisson comme un risque professionnel pour certaines catégories de travailleurs, en particulier les aquariophiles amateurs, chez qui la plupart des infections surviennent. Les symptômes de l’infection cutanée à M. marinum peuvent inclure des lésions peu spécifiques, nécessitant souvent un examen histologique pour confirmation. Les colonies de cette bactérie, obtenues en culture, présentent des caractéristiques distinctives telles qu’une apparence muqueuse et une couleur jaune.

Comment diagnostique-t-on la maladie ?

Le diagnostic des affections cutanées à Mycobacterium marinum est souvent retardé, en grande partie en raison de la rareté de l’infection et du manque de reconnaissance de l’exposition aquatique. Un niveau élevé de suspicion et un historique détaillé sont cruciaux pour établir le diagnostic d’une infection à M. marinum. Tout retard excessif dans le diagnostic peut entraîner des dommages graves. En laboratoire, M. marinum se développe sur une pente de Lowenstein-Jensen à 30-33 °C en 7 à 21 jours, présentant une coloration crème à jaune sous exposition à la lumière (photochromogène). Contrairement à M. tuberculosis, la plupart des souches de M. marinum ne croissent pas à la température d’incubation habituelle de 37 °C. Une fois cultivée, M. marinum est facilement identifiable par les méthodes classiques de caractérisation des mycobactéries, se distinguant notamment par sa photochromogénicité et sa croissance relativement rapide (1 à 2 semaines).

L’interrogatoire médical doit mettre en évidence toute exposition potentielle à des aquariums, des piscines ou des plans d’eau par le patient. Le diagnostic de l’infection à M. marinum est complexe et peut nécessiter plusieurs mois, car il repose généralement sur la recherche spécifique de cette bactérie. Les prélèvements pour la recherche de M. marinum sont généralement cutanés, mais peuvent également être ganglionnaires ou synoviaux. La recherche de bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR) n’étant pas fiable, seule la mise en culture permet de confirmer la présence de M. marinum. Comme ce dernier se développe mal à 37 °C, la culture doit se réaliser à 30 °C.

Parfois, les cultures peuvent s’avérer négatives. Le diagnostic peut néanmoins être posé sur la base de signes cliniques soutenus par des caractéristiques histologiques typiques. En effet, M. marinum constituant une infection cutanée fréquente due à une mycobactérie atypique, on emploie diverses techniques basées sur l’ADN pour sa classification. Le diagnostic différentiel comprend plusieurs autres affections cutanées, nécessitant souvent un examen histologique pour confirmer la présence de granulomes tuberculoïdes.

Quel est le traitement ?

Lorsque des lésions cutanées apparaissent sur les mains ou les avant-bras suite à une manipulation dans un aquarium, il est impératif de consulter rapidement son médecin traitant. En effet, un diagnostic précoce permet d’initier un traitement antibiotique ciblé, réduisant ainsi la durée du traitement. Cette infection ne dispose pas de traitement standard défini. De plus, la possibilité d’une guérison spontanée complique l’évaluation de son efficacité. Mycobacterium marinum (M. marinum) présente une résistance naturelle à de nombreux antibiotiques in vitro. L’acquisition de résistance sous traitement n’ait pas été décrite.

Les options antibiotiques comprennent l’éthambutol associé à la rifampicine, le cotrimoxazole, les cyclines ou les tétracyclines, tandis que l’isoniazide, les bêtalactamines, la ciprofloxacine, le PAS et la streptomycine sont souvent inefficaces. La durée du traitement antibiotique varie, généralement autour de 5 mois. Il peut cependant se prolonger jusqu’au double ou au triple dans certains cas. Bien que l’exérèse chirurgicale puisse s’envisager pour une lésion unique, son efficacité reste sujette à discussion. La guérison clinique s’observe couramment.

Il n’existe pas de vaccin préventif contre les infections à M. marinum, soulignant l’importance des mesures sanitaires pour la prévention. La Fédération française d’aquariophilie recommande des mesures simples aux professionnels et aux amateurs pour prévenir ces infections. Divers antibiotiques peuvent s’utiliser dans cette affection sur des périodes prolongées, notamment la rifampicine, la rifabutine, les cyclines (en particulier la minocycline), la clarithromycine, le cotrimoxazole, la sparfloxacine, l’amikacine et l’éthambutol. En revanche, l’isoniazide, la streptomycine et les bêtalactamines semblent avoir une efficacité limitée. La chirurgie peut s’envisager dans les formes très limitées (nodule unique) ou au contraire très avancées avec atteinte ostéoarticulaire.

Prévenir la contamination

Les mesures collectives de prévention contre les affections cutanées à Mycobacterium marinum sont essentielles pour réduire les risques de transmission à la fois pour les animaux et pour les êtres humains. Pour les animaux, on conseille :

  • d’isoler les poissons avant leur introduction dans un aquarium collectif,
  • d’éliminer rapidement les animaux moribonds ou morts,
  • de contrôler régulièrement la qualité de l’eau
  • et d’éviter la surpopulation.

La mise en place de moyens appropriés comme l’eau potable, le savon, les moyens d’essuyage à usage unique et les trousses de premiers secours est nécessaire. On recommande également d’avoir des armoires-vestiaires distinctes pour éviter la contamination des effets personnels et de porter des vêtements de travail et des équipements de protection individuelle appropriés, en bon état et bien entretenus.

En cas de maladie animale, le renforcement de l’hygiène de l’élevage est crucial, tout comme la signalisation et la limitation de l’accès aux zones infectées. On recommande également :

  • de ne pas traiter les poissons malades,
  • de détruire les lots infectés,
  • de désinfecter les aquariums et leur contenu,
  • d’éliminer le sable contaminé,
  • et de prendre des mesures de précaution supplémentaires telles que le port de gants et de bottes pour tout travail avec des poissons.

La Fédération française d’aquariophilie recommande des mesures simples pour lutter contre ces infections. Parmi elles on compte notamment le respect des règles d’hygiène, l’entretien régulier de l’aquarium et la désinfection des accessoires. Il est également crucial de ne pas mettre en contact des plaies avec des éléments de l’aquarium. Il faut réduire au maximum les sources de contamination possible. Enfin, on recommande de porter des gants et des bottes pour tout travail avec des poissons de consommation, de respecter les règles d’hygiène, et de renforcer les consignes d’hygiène en cas de mise en évidence de la maladie animale.

Quel est le statut de la maladie ?

Mycobacterium marinum, bien que peu transmissible entre les animaux, ne présente pas un risque élevé de propagation dans les populations animales. Par conséquent, il n’est pas répertorié comme une maladie contagieuse importante dans le domaine de la santé animale.

Sur le plan de la santé publique, bien que Mycobacterium marinum puisse causer des infections cutanées chez l’homme, ce n’est pas une maladie à déclaration obligatoire. Cela signifie que les cas ne sont pas systématiquement signalés aux autorités sanitaires. Cela pourrait entraîner une sous-estimation de l’incidence réelle de cette affection.

En revanche, du point de vue des maladies professionnelles indemnisables, on reconnait Mycobacterium marinum comme une cause potentielle de maladie professionnelle. Les travailleurs exposés à des environnements aquatiques contaminés peuvent contracter cette infection, notamment ceux travaillant dans les secteurs de la pêche, de l’aquaculture ou de l’entretien des aquariums. En France, on répertorie spécifiquement cette affection dans le tableau n°16 du régime agricole et dans le tableau n°40 du régime général. Cela permet aux personnes atteintes de bénéficier d’une indemnisation pour les conséquences de leur maladie.

La classification de Mycobacterium marinum dans le groupe de danger 2, selon l’article R.4421-3 du code du travail, souligne la nécessité de prendre des mesures de prévention adéquates dans les milieux professionnels exposés. Cela inclut des protocoles de sécurité stricts, tels que le port d’équipements de protection individuelle et la mise en place de pratiques d’hygiène rigoureuses, pour réduire le risque d’infection chez les travailleurs.

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