Anthrax : comment se protéger et traiter la maladie ?

Bien que souvent associée à des épidémies anciennes ou à des scénarios de bioterrorisme, la fièvre charbonneuse — ou anthrax — reste une maladie infectieuse qui continue de susciter la vigilance des autorités sanitaires. Cet article fait le point sur les méthodes de diagnostic, les stratégies de prévention, les traitements existants, sa répartition dans le monde ainsi que l’histoire mouvementée de cette pathologie bactérienne. Une synthèse indispensable pour comprendre les enjeux actuels autour du Bacillus anthracis.

Comment reconnaître l’anthrax chez l’homme ?

Le diagnostic du charbon (anthrax) implique plusieurs méthodes pour identifier le germe à différents niveaux. La mise en culture des échantillons est courante, bien que cette méthode soit longue, tandis que la sérologie ne devient positive que tardivement. Le diagnostic par PCR est également une option.

L’anamnèse portant sur les activités professionnelles et l’historique d’exposition revêtent une importance primordiale. Des cultures et des colorations de Gram des prélèvements provenant de divers sites cliniquement identifiés, tels que des lésions cutanées, du sang, du liquide pleural, du liquide céphalorachidien ou des selles, doivent être réalisés.

Il est essentiel d’éviter certains pièges, comme l’utilisation de l’examen et de la coloration de Gram des expectorations pour identifier une inhalation de charbon (anthrax), étant donné la rareté de la maladie au niveau des voies respiratoires.

Pour le diagnostic microbiologique, les professionnels peuvent utiliser diverses méthodes, notamment cultiver des échantillons sur différents types de liquides biologiques, examiner directement les échantillons, effectuer une PCR spécifique et réaliser des sérologies (ELISA). On recommande également de réaliser un antibiogramme pour orienter le traitement antibiotique.

En cas de suspicion clinique de charbon, un laboratoire de niveau L3 doit gérer les prélèvements. Les laboratoires de référence peuvent réaliser une culture, un antibiogramme et une PCR. Toute suspicion doit être discutée avec le Centre National de Référence du Charbon.

En termes de gestion des prélèvements et des modalités de transport, un emballage triple est recommandé pour assurer la sécurité des échantillons. L’isolement du patient contaminé non traité est également important pour éviter une transmission interhumaine potentielle.

Quelles mesures prendre pour prévenir le charbon ?

La contagiosité du charbon est très faible, nécessitant uniquement des précautions d’hygiène standard. Le vaccin le plus couramment utilisé, la souche Sterne, est vivant et réservé à un usage vétérinaire en raison de sa réactivité inflammatoire potentiellement dangereuse chez l’homme. Pour les humains, des vaccins acellulaires contenant la protéine PA du Bacillus anthracis sont utilisés au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Pour prévenir les risques liés au charbon, il est nécessaire de vacciner les cheptels dans les zones à risque. Il faut également nettoyer et désinfecter les locaux et les équipements d’élevage. Les travailleurs doivent recevoir une formation spécifique sur les risques du charbon et les pratiques de prévention.

En situation d’infection, les autorités appliquent des mesures de lutte définies par le code rural. Ces mesures incluent la surveillance continue du cheptel, l’isolement des animaux infectés, la désinfection des espaces et l’interdiction de vendre les produits des exploitations touchées.

Il est crucial de réduire les sources de contamination potentielles, notamment en évitant les contacts avec les déjections animales et en manipulant les cadavres ou les déchets animaux avec des gants étanches.

Concernant la vaccination chez l’homme, aucun vaccin efficace et sûr n’est actuellement disponible en France. Cependant, les individus à haut risque utilisent un vaccin contenant une protéine antigénique protectrice, nécessitant une série de doses intramusculaires pour assurer une protection efficace.

En cas d’exposition aux spores du charbon, on recommande d’administrer une série de vaccins avec une antibiothérapie préventive. En cas d’urgence, il est nécessaire d’administrer le vaccin même après exposition, sauf en cas d’allergie grave antérieure.

Pour prévenir la contamination des pâturages et des élevages, il faut impérativement d’incinérer les cadavres d’animaux charbonneux. En cas d’épidémie, les antibiotiques sont efficaces au stade précoce de la maladie. On recommande de vacciner les animaux non malades.

Quel traitement contre la fièvre charbonneuse ?

La mortalité associée au charbon (anthrax) non traité varie selon le type et la voie d’infection :

  • Charbon (anthrax) par inhalation et méningé : 100%
  • Charbon (anthrax) cutané : 10 à 20%
  • Charbon (anthrax) gastro-intestinal : environ 40%
  • Charbon (anthrax) oropharyngien : 12 à 50%

Une prise en charge rapide comprenant un diagnostic précis, un traitement approprié et des soins intensifs peut réduire la mortalité, notamment dans les cas d’anthrax par inhalation. Les traitements incluent l’administration d’antibiotiques et d’autres médicaments, ainsi que le drainage du liquide pleural en cas de besoin.

En cas de charbon cutané sans complications majeures, les médecins prescrivent divers antibiotiques par voie orale pour une durée de 7 à 10 jours. Parmi eux, on trouve la ciprofloxacine, la lévofloxacine, la moxifloxacine, la doxycycline et l’amoxicilline.

Pour traiter les formes graves d’anthrax, telles que l’anthrax par inhalation, les professionnels de santé administrent un traitement combiné par voie intraveineuse. Ce traitement inclut au moins deux antibiotiques à activité bactéricide et un inhibiteur de la synthèse des protéines. Ils administrent ces antibiotiques pendant au moins deux semaines. Un traitement oral suit pendant 60 jours pour prévenir les rechutes.

La prophylaxie post-exposition implique l’administration d’antibiotiques et éventuellement la vaccination chez les sujets exposés au charbon par inhalation. En cas de résistance médicamenteuse, les médecins peuvent envisager des alternatives thérapeutiques, comme utiliser des antibiotiques spécifiques ou des anticorps monoclonaux. On recommande de drainer le liquide pleural en cas de défaillance respiratoire pour garantir une ventilation adéquate.

Enfin, il est essentiel de suivre les recommandations des autorités de santé publique, telles que le CDC, en matière de prise en charge et de prophylaxie du charbon afin d’optimiser les chances de guérison et de réduire la propagation de la maladie.

Comment la maladie du charbon est-elle répandue dans le monde ?

Au XXe siècle, les épizooties ont été fréquentes en Europe et en Asie, plus rares en Australie et au Canada. Elles surviennent plus souvent lors des mois chauds, où alternent sécheresse et fortes pluies. On identifie des foyers endémiques permanents en Éthiopie, en Iran, en Chine et au Mexique. En Europe, la maladie est notamment présente en zone méditerranéenne.

En France, le cheptel bovin connaît régulièrement des épisodes de contamination. Chaque année, des cas se manifestent dans certains départements du Massif-Central, de Savoie et du Nord-Est. Entre 1999 et 2009, les autorités ont répertorié 74 foyers de fièvre charbonneuse. Ils ont signalé des cas en juillet 2009 près de La Rochette en Savoie, en juillet 2012 en Rhône-Alpes et en août 2016 en Moselle.

Entre 2002 et 2010, les médecins ont diagnostiqué quatre cas d’infections humaines en France. Ces cas concernaient principalement le charbon cutané. Les patients avaient manipulé de la laine de mouton contaminée ou touché des carcasses de vaches infectées.

Dans le Grand Nord sibérien, le réchauffement climatique représente un risque majeur. La fonte du pergélisol peut libérer la bactérie, qui reste infectieuse pendant des milliers d’années. En été 2016, après 75 ans de congélation, le Bacillus anthracis est réapparu dans le district autonome de Iamalo-Nénétsie du Grand Nord russe, probablement transporté par un cadavre de renne dégelé et ramené en surface.

Une épidémie a principalement infecté les rennes, affectant plus de 80 % de la population animale. Ces animaux malades ont manifesté des symptômes cutanés que des antibiotiques pouvaient traiter. Toutefois, près de 20 % des cas ont contracté des troubles pulmonaires mortels faute de soins immédiats. Les autorités ont mis la région en quarantaine et ont lancé des opérations d’incinération des cadavres avec des hélicoptères et des drones militaires. Elles ont aussi enregistré des pertes humaines, dont le décès d’un enfant de 12 ans et l’abattage de plus de 2 000 rennes.

On classe Bacillus anthracis comme agent de bioterrorisme potentiel. Des incidents historiques incluent l’épidémie de Sverdlosk en 1979 et les attaques à l’anthrax de 2001 aux États-Unis.

Quel est le statut sanitaire de l’anthrax ?

Du point de vue de la santé publique, le charbon est une maladie à déclaration obligatoire chez l’homme. De plus, les régimes agricole et général de sécurité sociale reconnaissent la maladie comme professionnelle et indemnisable. Le code du travail classe la bactérie responsable, Bacillus anthracis, dans le groupe de danger 3 et l’OMS et l’OIE la surveillent au niveau international.

En France, le charbon est une maladie à déclaration obligatoire depuis 2002. Les autorités sanitaires locales évaluent les risques et fournissent un traitement post-exposition aux personnes exposées, principalement les éleveurs, les vétérinaires et les travailleurs des entreprises d’équarrissage. La bactérie produit des toxines potentiellement mortelles. On la considère également comme un agent potentiel de bioterrorisme en raison de sa capacité à former des spores.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) confirme les cas suspects de charbon animal. Elle enquête pour identifier l’origine des souches bactériennes. Elle déploie des mesures de santé publique pour détecter les infections humaines à B. anthracis rapidement, évaluer les risques des animaux infectés et informer les professionnels de santé et le public.

Des initiatives pour protéger la santé des animaux et des humains se mettent en place. Ces initiatives incluent la vaccination du bétail, le renforcement de l’inspection des viandes, la surveillance des cas humains et la sensibilisation du public.

Des protocoles stricts garantissent la désinfection et la décontamination. Des efforts visent à sécuriser l’approvisionnement en fournitures médicales essentielles. Par ailleurs, on réalise des activités de communication sur les risques et de mobilisation communautaire pour sensibiliser et informer la population.

Depuis quand connaît-on la fièvre charbonneuse ?

La maladie du charbon a probablement existé dès l’Antiquité, souvent confondue avec d’autres affections touchant les troupeaux. Aristote attribue parfois les décès subits d’animaux en pâture à la « morsure venimeuse » des musaraignes. Ces morts pourraient, en fait, résulter d’une fièvre charbonneuse aiguë.

Au XIXe siècle, des médecins historiens ont relié cette affection à des récits mythologiques. Ils ont mentionné la tunique de Nessus et les plaies d’Égypte de la Bible. Hippocrate utilisait le terme « anthrax » pour nommer une lésion cutanée évoquant du charbon. Toutefois, la nature exacte de cette lésion demeure incertaine selon les standards modernes.

La maladie est officiellement reconnue au XVIe siècle, notamment par la République de Venise. Les descriptions se précisent aux XVIIe et XVIIIe siècles, notamment chez les ouvriers de la laine et les artisans perruquiers travaillant des produits animaux importés.

En 1769, Fournier de l’Académie de Dijon identifie la maladie humaine de manière plus moderne sous le nom de « charbon malin ». Il décrit différentes lésions cutanées et reconnaît la transmission à l’homme par manipulation de laine de mouton.

Au début du XIXe siècle, les médecins et les vétérinaires ont menés des recherches intensives sur la fièvre charbonneuse, en raison de son impact sanitaire et économique majeur. En 1876, Robert Koch démontre la capacité de la bactérie du charbon à former des spores.

Les vaccins vétérinaires, initiés par Chauveau, Toussaint et Pasteur dans les années 1880, ont permis de réduire considérablement la mortalité animale due au charbon. Cependant, ces premiers vaccins présentaient des limitations en termes de durée de protection et de stabilité. Cela a conduit à des recherches ultérieures pour améliorer leur efficacité.

Les vaccins humains contre le charbon ont connu des débuts difficiles dans les années 1910. Cependant, on a réalisé des progrès significatifs dans les décennies suivantes, avec le développement de vaccins vivants en Union soviétique et en Chine, ainsi que de vaccins inactivés au Royaume-Uni et aux États-Unis dans les années 1950 et 1960.

Anthrax : faut-il craindre le retour de la fièvre charbonneuse ?

Les armes biologiques représentent une catégorie d’armes utilisant des organismes, tels que des germes pathogènes, dans le dessein d’affaiblir les armées ou les populations ennemies en propageant des maladies potentiellement mortelles ou simplement incapacitantes. Du fait de leur potentiel de nuisance, ces armes ont été classées parmi les armes de destruction massive. Le bioterrorisme implique la dispersion de germes susceptibles de déclencher des maladies mortelles.

Les origines de l’utilisation des armes biologiques remontent au XXe siècle, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1930, l’armée japonaise, dans le cadre d’un programme de recherches, a recouru à des armes biologiques lors de son conflit avec la Chine. Des essais impliquant le bacille du charbon ont été effectués, de même que des inoculations d’agents pathogènes, telles que la peste, sur des milliers de prisonniers.

Les recherches sur les armes biologiques se sont intensifiées pendant la guerre froide, principalement aux États-Unis et en URSS. La fin de la guerre froide et la dissolution de l’Union soviétique ont favorisé l’apparition du bioterrorisme moderne. Dans les années 1990, la secte Aum au Japon a mené plusieurs tentatives d’attaques avec des armes biologiques. Parmi celles-ci, elle a essayé d’employer le virus Ebola et le bacille du charbon, mais ces tentatives ont échoué. En 1995, la secte a choisi le gaz sarin, une arme chimique plus simple et plus sûre, pour l’attaque du métro de Tokyo.

Plus tard, en 2001, une série d’attaques à l’anthrax a eu lieu aux États-Unis, constituant les premiers véritables attentats bioterroristes. Des enveloppes contaminées au bacille du charbon ont été envoyées, causant 22 cas d’infection, dont cinq mortels. Ces attaques ont mis en lumière la menace que représentent les armes biologiques et ont suscité d’importantes enquêtes pour identifier les responsables.

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