Cet article vise à s’interroger d’un phénomène de société inquiétant visant les adolescentes et leur rapport aux régimes amaigrissants ou toute autre mesure pour perdre du poids.
Dans les sociétés occidentales, on assaillit les adolescentes d’images représentant des filles aux corps de rêves. Le culte de la beauté ainsi que la fréquente utilisation des régimes sont autant d’aspects qui caractérisent l’individualisme et qui s’appliquent aussi au cas particulier des adolescentes. En effet, l’apparence corporelle a une importance capitale dans la vie de plusieurs adolescentes au point que 80% des filles ont suivi un régime amaigrissant avant l’âge de 18 ans (Institut National de la Nutrition, 2003).
Pour atteindre le poids rêvé, les femmes et les adolescentes utilisent diverses stratégies. Les régimes alimentaires et les méthodes pour perdre du poids sont très publicisés. Toutes ces publicités, télévisées ou publiées sur les réseaux sociaux vendent du rêve. L’idéal de beauté véhiculé dans les médias est celui d’une femme très mince, jeune et, disons-le, sans défauts physiques. Cette femme au corps idéal est presque inexistante en chair et en os sur la planète. Cependant, certaines adolescentes essaient d’atteindre cet idéal inaccessible de beauté. Il semble que les publicités et surtout les messages qui y sont véhiculés ont une réelle incidence sur la vie des adolescentes. En effet, les médias et la mode exercent de nos jours une véritable pression sur les jeunes filles.
Les adolescentes et la vulnérabilité :
Plusieurs jeunes filles aspirent au corps idéalisé des mannequins alors que nous savons que ce corps n’est pas accessible à toutes. Plusieurs d’entre elles prennent des moyens pour se plier à ce modèle. Pour changer d’apparence et perdre du poids, elles n’hésitent pas à se mettre volontairement en danger pour atteindre leurs objectifs : privation de nourriture, pilules coupe faim, vomissements, régimes stricts, etc. Certaines tombent inévitablement dans le piège de l’anorexie mentale.
Celles qui ne rejoignent pas cette norme peuvent souffrir de l’exclusion sociale par leurs paires et vivre des situations d’anxiété. D’autre part, celles qui répondent à la norme peuvent tout autant vivre des situations d’anxiété, car elles veulent conserver les acquis. Ainsi s’installe un cercle vicieux.
Les liens entre identité et corps :
Les adolescentes sont dans une période de découverte de soi et de formation de l’identité. La période de l’adolescence se situe entre 10 et 19 ans. Il semble que l’image corporelle ait de plus en plus d’importance dans la vie des jeunes filles. En accordant une trop grande importance à leur image corporelle, les adolescentes d’aujourd’hui vont vivre plusieurs déceptions au cours de leur vie, car le corps change beaucoup.
Le corps est devenu une forme de marquage identitaire. Ceci montre toute l’importance accordée au corps dans nos sociétés. Lorsqu’un individu est dans un processus de création identitaire, il vit des tensions entre l’identité souhaitée, l’identité assignée et son identité réelle.
L’estime d’elles-mêmes ne se base plus sur des valeurs communes partagées, mais bien sur le regard et le jugement des pairs.
Les adolescentes et les sources d’influence :
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Les groupes (amis, pairs et famille) :
Le groupe implique la notion d’intégration. En effet, « tout individu a une identité qui lui est propre, mais la force du groupe peut la transformer ou l’aider à se constituer», c’est-à-dire qu’une personne faisant partie d’un groupe peut changer pour se conformer ou peut continuer dans sa quête d’identité personnelle. De plus, le concept de groupe implique aussi la notion d’autonomie de l’individu, car il est rare qu’une personne appartienne à un seul groupe tout au long de sa vie. Les groupes (travail, école, religion, famille, loisirs, arts, sports, etc.) auxquels elle appartient changent et peuvent aussi se croiser (appartenance à plusieurs groupes en même temps).
Il est certain que les groupes de pairs prennent à l’adolescence une importance incomparable dans la vie des jeunes. De plus, les adolescentes forment, en partie, leur identité personnelle par leurs relations interpersonnelles et les comparaisons.
Les adolescentes ayant une grande préoccupation à l’égard de leur image corporelle se regroupent souvent ensemble et s’influencent les unes et les autres. Les attitudes des pairs contribuent de façon significative à la prévention des comportements individuels concernant l’image corporelle et les comportements alimentaires. Les adolescentes s’informent entre elles des stratégies de perte de poids, qu’elles participent aux discours sur leur corps, qu’elles normalisent les comportements alimentaires inadéquats et qu’elles se comparent aux autres filles de leur groupe, mais aussi à la fille la plus populaire de l’école.
L’influence des parents est primordiale, qu’elle soit directe ou indirecte. Les parents et la famille au sens large doivent s’impliquer au premier plan dans le développement de la jeune fille qui devient adolescente et ensuite une femme.
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Le corps et la mode :
Les pratiques vestimentaires ne sont pas strictement des pratiques de consommation : En effet, les pratiques vestimentaires sont simultanément des actions de modelage et de façonnage du corps humain. On essaie de se rapprocher le plus possible du corps idéal par le biais des vêtements. Les vêtements qui sont à la mode présentent cependant certaines caractéristiques.
Tout le monde a pu croiser, au courant des dernières années, des jeunes filles peu habillées, voire même dénudées. Les réactions, face à ce phénomène peuvent différées. De plus, un maquillage et une coiffure élaborée terminent le portrait. Pour s’habiller de cette façon, quelques caractéristiques corporelles sont requises, dont la minceur.
En effet, ces vêtements sont conçus pour être portés par des personnes minces. Dans ce phénomène, la préoccupation vis-à-vis de l’habillement ne va pas au souci de couvrir son corps, mais bien à l’apparence du corps dans les vêtements. Ce ne sont pas les vêtements qui s’ajustent au corps, mais bien le corps qui doit s’ajuster à cette mode.
Les vêtements qui sont présentement à la mode ajoutent une pression sociale supplémentaire sur les adolescentes pour atteindre le corps idéal et pour s’astreindre à différentes techniques de perte du poids.
Les conséquences de ce phénomène sur la santé mentale :
À la suite d’une malnutrition, des effets psychologique et comportementaux deviennent observables à court terme : elles se sentent mal dans leur peau, elles manquent d’attention, elles ressentent un vif désintérêt, elles se sentent très irritables et malgré tous leurs efforts, affichent une réelle déception face aux résultats. Il y a également un changement au niveau émotionnel se reflétant dans des variations de l’humeur, de l’anxiété, de la dépression, de la méfiance ainsi qu’un sentiment d’inefficacité.
Un danger latent est que le régime et la minceur deviennent une obsession. L’apparence et la minceur peuvent devenir une obsession pouvant pousser la jeune fille dans l’anorexie. Il s’agit d’une préoccupation excessive à l’égard du poids et de la silhouette. L’obsession de ne pas prendre du poids, la compulsion de ne pas manger et de faire des activités sportives pour maigrir davantage.
De tous les troubles psychologiques, les troubles alimentaires sont ceux qui entrainent le plus de décès !
Les conséquences biologiques de ce phénomène :
Au niveau biologique, la malnutrition a des répercussions sur presque tout le corps. Assez rapidement il y a bien sûr une grande perte de poids et une irrégularité dans le cycle menstruel. L’aménorrhée survient généralement après trois mois, des troubles du sommeil sont aussi remarqués : insomnie, sommeil agité, nervosité, les vomissements volontaires et l’utilisation de laxatifs ont aussi des conséquences physiologiques graves se traduisent par des hémorragies, de la fatigue, de la constipation, des ballonnements. Le fonctionnement des reins et du cerveau se trouve perturbé, et des spasmes musculaires apparaissent.
Le système hématologique est également touché par des anémies (diminution des globules rouges dans le sang et leur teneur en hémoglobines) et aussi de leucopénie (diminution des globules blancs dans le sang). Il arrive parfois qu’il y ait érosion au niveau de l’émail dentaire (secondaire à l’action des acides gastriques quand la personne se fait vomir), en plus d’un élargissement du volume des glandes salivaires.
Au niveau du système endocrinien il peut y avoir une hausse de prolactine et une baisse des gonadotrophines. Du côté du système nerveux des crises d’épilepsies, de même qu’un abaissement de la température du corps (hypothermie) sont susceptible de se manifester. Certaines autres complications, aussi courantes sont encore plus graves, il peut survenir, entres autres un trouble du rythme cardiaque, une insuffisance cardiaque, un arrêt cardiaque, une atrophie cérébrale et un amaigrissement extrême.
Avançant sous le regard de ses pairs, avec la peur du rejet, l’adolescente d’aujourd’hui façonne son identité au gré de son image. Elle navigue dans les allées de la société de consommation et s’équipe de marques, d’un style, se tatoue… Mais si les apparences laissent penser qu’elle est artisan de ses choix et croyances, avec une personnalité singulière, elle n’en demeure pas moins une cible marketing idéale à qui sont destinées des publicités aux valeurs de cette culture adolescente dans laquelle « pour être soi, il faut être comme les autres ».
Pour poursuivre leur impossible idéal, elles sont capables d’aller au-delà des limites de leur propre corps.