Rouget du porc : ses implications pour la santé humaine

Le rouget du porc, également connu sous le nom d’érysipèle porcin, est une maladie infectieuse causée par la bactérie Erysipelothrix rhusiopathiae. Cette zoonose, transmissible de l’animal à l’homme, représente une préoccupation significative pour les travailleurs en contact étroit avec les porcs, tels que les éleveurs, les bouchers et les vétérinaires.

Quelle est la bactérie responsable ?

Le rouget du porc est une maladie bactérienne affectant principalement les porcins, mais aussi occasionnellement les agneaux, les veaux et les humains. Le bacille Erysipelothrix rhusiopathiae, une bactérie Gram positif en forme de bâtonnet non ramifié, cause cette zoonose. Les scientifiques ont initialement identifié E. rhusiopathiae comme un pathogène animal responsable de l’érysipèle. Chez l’humain, on appelle cette zoonose rouget du porc ou erysipéloïde de Rosenbach, reconnue en France comme une maladie professionnelle.

Les dindes et les porcs constituent les espèces les plus fréquemment affectées. Cependant, on a pu observer des cas chez d’autres oiseaux, poissons et reptiles. Les infections humaines à E. rhusiopathiae se présentent souvent sous une forme cutanée atténuée, appelée érysipélotrichose.

Morphologiquement, E. rhusiopathiae est un bacille immobile, très fin (2 µm sur 0,2 à 0,4 µm), anaérobie ou aérobie facultatif, capable de former des filaments. En culture, cette bactérie pousse entre 5 et 44 °C, à pH neutre, préférant une atmosphère enrichie en CO2. Les colonies sont très petites, α-hémolytiques, catalase négative, oxydase négative et H2S positive. La gélose au sang peut être rendue sélective par addition d’azide, de cristal violet et de novobiocine.

L’identification est possible via des microgaleries comme API Coryne. Il existe environ vingt sérovars capsulaires polyosidiques. En inoculation intrapéritonéale à la souris, le bacille provoque une septicémie rapidement mortelle. Un chauffage à 70 °C durant 5 à 10 minutes, ainsi que par des solutions de phénol ou de soude peuvent détruire cette bactérie.

Les facteurs de pathogénicité incluent une capsule thermolabile et des enzymes telles que l’hyaluronidase et la neuraminidase. E. rhusiopathiae survit plusieurs semaines dans l’environnement et est résistant à la dessiccation, au froid et à la congélation.

Comment se manifeste le rouget du porc ?

De nombreuses espèces peuvent être infectées par le bacille du rouget. Les animaux d’élevage les plus touchés sont les porcs, les moutons et les volailles, mais divers poissons et crustacés provenant d’eaux contaminées sont aussi porteurs de germes sans présenter de maladie.

La distribution géographique du rouget est mondiale. La transmission se fait par voie digestive ou cutanée (lésions des pieds, plaies de castration, plaies ombilicales). Le milieu extérieur (sol et parcours des élevages) est contaminé par les déjections des animaux malades ou porteurs sains. Tous les tissus (viandes) et déjections d’animaux malades sont contaminants.

Les symptômes varient selon les espèces :

  • Porcs : forme aiguë (septicémie, fièvre, prostration, éruption cutanée violacée, mort en 2-3 jours sans traitement), formes localisées (arthrite, atteinte cardiaque, avortement).
  • Agneaux : principalement arthrites.
  • Oiseaux : septicémie évoluant vers la mort en 24-48 h (20-50 % de l’effectif).
  • Autres espèces : septicémie, atteinte cardiaque, arthrite, abcès sous-cutanés (mammifères marins).

Chez les porcs, on observe trois formes de la maladie :

  1. Forme suraigüe : la plus sévère, avec fièvre, signes cutanés bleuâtres-rougeâtres, mort en quelques heures.
  2. Forme aiguë : gravité moyenne, avec lésions pouvant évoluer vers la nécrose des membres, des oreilles ou de la queue, puis la mort.
  3. Forme chronique : bénigne, responsable d’inflammations articulaires.

Erysipelothrix rhusiopathiae infecte un large éventail d’animaux, avec ou sans provoquer la maladie clinique. Le réservoir principal est le porc (30-40 % des porcs sains). De nombreuses autres espèces sont également porteuses, dont les ovins, ruminants, poissons, crustacés, oiseaux, volailles et rongeurs. La contamination du milieu extérieur se fait par le sol et l’eau.

Chez les volailles, la bactérie a été isolée de nombreuses espèces aviaires, avec des flambées signalées dans presque toutes les espèces de volaille, principalement chez les dindes et les poules pondeuses.

Quel est son mode de transmission ?

La transmission du rouget s’effectue principalement par voie cutanée, par inoculation accidentelle (piqûre) ou par la souillure d’une plaie préexistante. Il n’existe pas de transmission inter-humaine.

La fréquence des cas de rouget reste mal documentée en métropole et dans les DOM. Les activités professionnelles à risque incluent le travail en contact direct avec des animaux infectés ou dans des environnements contaminés (litières, locaux d’élevage, véhicules de transport), ainsi que la manipulation de viandes, abats, viscères, os et arêtes contaminés. Les catégories professionnelles les plus exposées sont les personnels d’abattoir, charcutiers, personnels d’équarrissage, naturalistes, poissonniers, écailleurs, pêcheurs, vétérinaires, éleveurs, et le personnel des laboratoires vétérinaires.

Malgré la forte résistance de l’espèce humaine à E. rhusiopathiae, des cas d’infection apparaissent principalement dans des environnements professionnels spécifiques. Les laboratoires d’analyse médicale n’ont rapporté aucune infection. Les cas documentés proviennent essentiellement de personnes travaillant dans des abattoirs, boucheries, poissonneries, industries alimentaires, élevages de porcs, et plus rarement des cuisines et chez les vétérinaires. Actuellement, entre 5 et 10 cas par an sont reconnus comme maladie professionnelle.

L’infection par E. rhusiopathiae survient généralement par des blessures cutanées, souvent situées sur les mains, en contact avec du matériel infectieux ou des instruments contaminés. Les secteurs vétérinaires et de la restauration sont particulièrement concernés, où les blessures par esquilles d’os, arêtes de poisson ou écailles peuvent faciliter la transmission. Les porteurs asymptomatiques, bien qu’en bonne santé, diffusent la bactérie par leurs excréments, contaminant ainsi l’environnement. La bactérie pénètre ensuite chez l’homme ou d’autres animaux par une blessure ou une érosion de la peau. Bien que la contamination soit fréquente, elle n’aboutit pas systématiquement à une infection.

La bactérie Erysipelothrix rhusiopathiae est ubiquitaire, présente partout dans l’environnement. La forte résistance de cette bactérie dans des conditions environnementales variées, y compris dans les sols humides et les matières organiques, contribue à sa persistance et à la propagation du rouget.

À quoi ressemble cette infection chez l’Homme ?

L’infection par Erysipelothrix rhusiopathiae se manifeste principalement sous une forme cutanée bénigne, appelée érysipéloïde de Baker-Rosenbach. Elle apparaît 24 à 48 heures après l’inoculation, se présentant sous forme de plaque rouge violacée, dure et légèrement surélevée, accompagnée de démangeaisons et de brûlures. La guérison survient généralement en 2 à 4 semaines. Sans traitement, des complications peuvent inclure des arthrites, des atteintes cardiaques ou une septicémie.

Les formes généralisées, bien que rares, sont graves et peuvent entraîner des atteintes cardiaques, des septicémies et un rouget cutané généralisé. L’infection survient souvent à la suite de blessures cutanées, surtout sur les mains, en contact avec du matériel infectieux ou des instruments contaminés.

Les lésions typiques sont des plaques érythémateuses violacées avec douleur, brûlure et prurit au site d’inoculation. En l’absence de traitement ou chez les immunodéprimés, l’infection peut évoluer vers une arthrite, une septicémie ou une endocardite. Ces complications graves sont rares, sauf chez les patients immunodéprimés.

L’érysipéloïde est souvent une maladie professionnelle, caractérisée par un œdème érythémateux avec des bordures bien définies et surélevées, généralement localisé au dos des mains et/ou des doigts. Les paumes, avant-bras, bras, visage et jambes sont rarement impliqués. Des lésions vésiculaires, bulleuses et érosives peuvent également être présentes. La lésion peut être asymptomatique ou accompagnée de prurit léger, de douleur et de fièvre.

L’incubation dure de 12 à 48 heures, pouvant aller jusqu’à 10 jours. Les symptômes incluent une plaque érythémateuse violacée, avec douleur, brûlure et prurit au site d’inoculation. La résolution se fait en 2 à 4 semaines. En l’absence de traitement ou chez les immunodéprimés, des complications telles que l’arthrite, la septicémie ou l’endocardite peuvent survenir. Rarement, l’infection se propage aux ganglions lymphatiques, les rendant douloureux et gonflés. La fièvre et d’autres symptômes systémiques sont rares, sauf en cas de septicémie, situation heureusement très rare.

Comment s’effectue le diagnostic ?

Le diagnostic de l’infection par Erysipelothrix rhusiopathiae est principalement clinique en cas d’infection locale. Le patient présente typiquement un prurit, une douleur, une brûlure et une rougeur cutanée sur le site de l’inoculation. La lésion est souvent une plaque érythémateuse violacée (érysipéloïde) avec des bordures bien définies, apparaissant généralement 24 à 48 heures après l’inoculation. Cette présentation clinique est suffisante pour diagnostiquer un érysipéloïde dans la majorité des cas.

L’infection survient fréquemment par des blessures cutanées, souvent sur les mains, en contact avec du matériel infectieux ou des instruments contaminés. En l’absence de traitement ou chez les patients immunodéprimés, l’infection peut évoluer vers des complications graves telles que l’arthrite, la septicémie ou l’endocardite.

Pour confirmer le diagnostic ou en cas de formes disséminées, des examens complémentaires peuvent être nécessaires. L’isolement du germe est difficile mais possible sur biopsie cutanée. En cas de suspicion de septicémie, les médecins recommandent des hémocultures, et en cas d’atteinte articulaire, ils indiquent la culture du liquide articulaire. Les laboratoires réalisent la culture sur gélose au sang sous CO2 et identifient les échantillons par spectrométrie de masse. La détection par PCR est également possible, offrant une alternative rapide et précise pour identifier la présence de la bactérie.

En général, le médecin établit le diagnostic d’érysipéloïde en se basant sur le récit du patient et l’observation de l’éruption cutanée caractéristique. Toutefois, en cas de doute ou de présentation atypique, il prélève un échantillon de peau (biopsie) pour des examens complémentaires. Cette précaution, bien que rarement nécessaire, confirme le diagnostic et exclut d’autres conditions dermatologiques.

Même si le diagnostic d’érysipéloïde repose principalement sur l’examen clinique, les techniques de laboratoire comme la culture sur gélose au sang sous CO2, l’identification par spectrométrie de masse et la PCR confirment la présence de E. rhusiopathiae dans les cas complexes ou disséminés. Ces outils diagnostiques jouent un rôle essentiel pour une prise en charge appropriée, surtout chez les patients à risque de complications graves.

Quel est son traitement ?

En général, l’érysipéloïde disparaît spontanément sans traitement spécifique. Toutefois, un traitement par antibiotiques peut accélérer la guérison et réduire la durée de la maladie. Le traitement de choix est une dose unique de benzathine benzylpénicilline administrée par injection intramusculaire. Alternativement, une cure de cinq jours à une semaine de pénicilline orale ou de procaïne benzylpénicilline intramusculaire est également efficace.

Pour les patients allergiques à la pénicilline, on peut utiliser des alternatives comme l’érythromycine ou la doxycycline. Il est crucial de noter que Erysipelothrix rhusiopathiae est intrinsèquement résistant à la vancomycine. Cependant, cette bactérie est très sensible aux β-lactamines, en particulier à la pénicilline G. Les macrolides sont utilisés en cas d’allergie à la pénicilline et offrent une bonne alternative thérapeutique.

E. rhusiopathiae montre une résistance aux aminosides, à la colistine et à l’acide nalidixique, mais reste sensible aux quinolones de deuxième génération. Elle présente également une résistance à la novobiocine, semblable aux coques Gram+ catalase- en raison de l’absence de chaîne respiratoire.

Le traitement standard pour une infection locale implique l’utilisation de β-lactamine (pénicilline A ou G) pendant une semaine. En cas d’endocardite, forme grave de l’infection, le traitement s’étend sur un mois pour éradiquer complètement la bactérie. Les patients allergiques aux β-lactamines devraient utiliser la doxycycline ou un macrolide comme alternatives.

Un traitement approprié reste essentiel pour prévenir les complications potentielles telles que l’arthrite, la septicémie ou l’endocardite, en particulier chez les patients immunodéprimés. Bien que l’infection puisse se résoudre spontanément, l’administration d’antibiotiques reste une pratique courante pour minimiser les risques et accélérer la guérison.

Bien que l’érysipéloïde puisse disparaître sans intervention, les médecins recommandent un traitement par antibiotiques pour accélérer la guérison et prévenir les complications. Les alternatives comme l’érythromycine et la doxycycline conviennent aux patients allergiques à la pénicilline.

Quels sont les moyens de prévention ?

Le rouget du porc ne constitue pas une maladie animale réputée contagieuse ni une maladie humaine à déclaration obligatoire. Cependant, les autorités considèrent cette maladie comme professionnelle indemnisable (tableau n° 51 du régime agricole, n° 88 du régime général). Le travailleur ou ses ayants droit doivent effectuer la déclaration. Le code du travail classe Erysipelothrix rhusiopathiae dans le groupe de danger 2.

Les mesures collectives de prévention incluent :

  • La vaccination des porcs, ciblant de préférence les mâles reproducteurs. Toutefois, le vaccin ne protège pas contre les formes chroniques de la maladie et peut favoriser l’arthrite.
  • L’hygiène générale des élevages.
  • La formation et l’information du personnel exposé.
  • La mise en place de moyens garantissant l’hygiène, les soins éventuels, les vêtements et les EPI (équipements de protection individuelle) pour le personnel exposé.
  • Le renforcement de l’hygiène en cas de maladie animale.

Pour réduire le risque individuel de contamination, le respect des protocoles d’hygiène est essentiel :

  • Réduction de l’exposition : port de gants et de bottes lors de la manipulation des animaux morts, des mises bas, et en cas d’exposition aux déjections. Les déjections ne doivent pas être nettoyées aux jets d’eau à haute pression.
  • Respect des règles d’hygiène simples : lavage des mains, interdiction de manger, boire ou fumer sur le lieu de travail, et changement de tenue après le travail.
  • Aucun animal malade ne doit être abattu pour la consommation.

Les mesures générales de prévention incluent :

  • La vaccination des porcs, principalement des reproducteurs.
  • L’hygiène générale de l’élevage, avec nettoyage et désinfection des locaux et du matériel.
  • Le stockage des déchets et cadavres animaux dans des conteneurs appropriés.

La formation et l’information des salariés sont cruciales pour leur sensibilisation aux risques. En cas de maladie animale, il est essentiel de renforcer l’hygiène de l’élevage, d’isoler les animaux malades, et de limiter l’accès aux professionnels indispensables. Le lavage et la désinfection des sites contaminés et du matériel de service réutilisable doivent être rigoureusement appliqués.

Histoire et épidémiologie

Au dix-neuvième siècle, le rouget, alors appelé mal rouge, causait des ravages en Europe et aux États-Unis. En 1879, les États-Unis ont perdu environ 900 000 porcs, soit une perte financière estimée à 100 millions de francs de l’époque. En 1877, Achille Maucuer, vétérinaire de Bollène dans le Vaucluse, inquiet des ravages causés par le rouget, attire l’attention de Louis Pasteur sur cette maladie. Cependant, faute de moyens, Pasteur ne commence réellement ses recherches qu’en 1881. Cette même année, Louis Thuillier, sous la direction de Pasteur, isole la bactérie responsable du rouget, qu’il nomme Erysipelothrix rhusiopathiae.

En 1883, après de nombreux tests de vaccination en France, Pasteur annonce avoir développé un vaccin contre le rouget du porc. À cette époque, la forme humaine de la maladie n’était pas encore connue. Dans une correspondance de 1883 avec Maucuer, Pasteur exprime son étonnement face à un cas potentiel d’infection humaine et propose une enquête.

Aujourd’hui, bien que rare, la forme humaine du rouget du porc est documentée. En 1877, Maucuer alerte Pasteur sur le mal rouge qui tue plus de 20 000 porcs dans la vallée du Rhône. Entre 1876 et 1880, Robert Koch isole le bacille à partir d’une souris injectée avec du sang putréfié. En 1882, Pasteur propose à Thuillier d’étudier cette maladie dans la Vienne. Thuillier identifie rapidement un nouveau microbe dans le sang des porcs morts. Ce microbe, d’abord appelé Bacillus insidiosus, reçoit son nom actuel en 1909.

En novembre 1882, Pasteur, accompagné de Thuillier et de Loir, se rend à Bollène pour examiner les porcs infectés. Après avoir atténué la virulence du microbe par des passages chez les lapins, Pasteur obtient un vaccin efficace pour les porcelets. En 1883, le vaccin est salué par les autorités locales. Le conseil municipal de Bollène exprime sa reconnaissance à Pasteur.

Aujourd’hui, la forme humaine du rouget reste rare. Les abattoirs, boucheries, poissonneries, industries alimentaires et élevages de porcs rapportent principalement les cas. Les autorités reconnaissent annuellement entre 5 et 10 cas comme maladie professionnelle. Avant 1985, on a enregistré environ 50 cas.

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