Huile essentielle de Giroflier, l’anti-biofilm bactérien par excellence

Le giroflier, de son nom botanique Eugenia caryophyllusappartiet à la famille des Myrtaceae. Pour obtenir son huile essentielle, on distille les boutons floraux dits « clous » (séchés à l’air), et pédicelles appelés « griffes ».

Histoire du Giroflier

Cultivés depuis longtemps sur les îles Moluques, le giroflier fait partie de la médecine ayurvédique (1500 av. J-C.). Les asiatiques savent que le girofle est « ôn ty vi« , c’est à dire qu’il calme les maux de ventre, les nausées ainsi que les diarrhées. De tout temps, cette épice mondialement connue a notamment servi à traiter les caries dentaires, les infections buccales et la combler les dents creuses. L’huile essentielle sert aujourd’hui en pharmacie, en agro-alimentaire ainsi qu’en parfumerie.

Le clou de giroflier est un bouton floral non épanoui, il est connu de la médecine indienne védique (1500 av. J-C.) et de la médecine chinoise depuis 2 siècles av. J-C.

Ses origines

Des restes de cuisine calcinés contenant des clous de girofle ont été retrouvés en Syrie et sont datés d’environ 1 700 ans avant notre ère. L’attestation de leur utilisation par la médecine ayurvédique est presque aussi ancienne. Pline l’Ancien fait allusion à une épice semblable au poivre et appelée garyophyllon, dont on fait commerce pour son parfum.

Fruit d’un arbre endémique de l’archipel des Moluques en Indonésie, le clou de girofle débute sa carrière en médecine ayurvédique il y a plus de 3 500 ans. Bizarrement, les Chinois, géographiquement proches, ne s’en seront pas encore emparés. Plus curieux, à une époque assez similaire, on retrouve le clou de girofle en Égypte : des colliers de clous ont été découverts en compagnie de momies. Les Égyptiens de l’Antiquité estimaient que de tels colliers éloignaient les sortilèges. Cela ne vous rappelle rien ? Se balader, où qu’on aille, avec une petite boîte remplie de diverses épices et aromates pendue au cou jouait peu ou prou le même rôle au XVIII ème siècle en France. En Europe du nord, on rencontre une pratique assez semblable : une pomme, ensuite une orange, piquée de clous de girofle, comme protection contre la peste, autre forme de sortilège…

Le clou de girofle ne pénètre que tardivement l’empire du milieu, aux environs du III ème siècle av. J.C., seulement. Alors, les courtisans de l’empereur se livraient à une curieuse coutume : avoir en bouche quelques clous de girofle, réputés contre la mauvaise haleine, afin que les sujets de sa majesté ne l’indisposent pas !

La médecine arabo-persane lui prête des effets bénéfiques sur « l’incontinence urinaire et la difficulté d’uriner liée au froid ». Pris avec du petit lait, il excite au coït. Il parfume l’haleine, fortifie les gencives, l’estomac et le foie, et calme les vomissements. Pris en collyre, il fortifie la vue.

Utilisation au Moyen Age

Plus tard, au IV ème siècle ap. J.C., par l’entremise des Arabes, le clou de girofle fait son apparition en Europe occidentale. Mais il faudra véritablement attendre le Moyen-Âge avant que les marchands d’épices fassent fortune en dotant les riches tables médiévales de cannelle, de poivre, de clous de girofle et de précieux gingembre. Toutes ces saveurs orientales s’inscriront profondément dans l’art culinaire médiéval, à tel point qu’on ne compte plus les recettes qui contiennent une de ces épices sinon plusieurs. L’usage du clou de girofle ne s’arrêtera pas qu’en cuisine, il franchira la porte des apothicaires. Hildegarde de Bingen mentionne déjà son utilisation.

Par la suite, on lui accordera différentes propriétés dont celles de soulager les douleurs, de cicatriser les blessures, de fortifier l’estomac et de prévenir de la peste. Mais l’intérêt croissant pour le clou de girofle n’en est alors qu’à ses balbutiements.

Commerce du clou de Girofle

La première mention de présence en Europe est datée du IVe siècle, lorsque l’empereur Constantin Ier en fait cadeau à Saint Sylvestre, alors évêque de Rome. Pierre Poivre introduit clandestinement au XVIIIe siècle des girofliers à l’île Maurice. C’est par l’intermédiaire de petites boutures, prélevées à l’île Maurice que les Français, vers 1769, introduisent des cultures d’abord en Guyane française (1793), puis à Zanzibar.

Les clous de girofle ont longtemps fait l’objet d’un commerce (ports de Venise et de Gênes avec les îles Moluques), que les envahisseurs portugais sont d’ailleurs venus interrompre. Les Portugais ont alors le monopole du marché de cette épice.

Les Hollandais, à leur tour, vers 1605, envahissent les îles Moluques et chassent ainsi les Portugais. Pour obtenir ce monopole commercial, les Hollandais détruisent en outre nombre de plantations de girofliers. Ainsi concentrent-ils l’ensemble des cultures sur les îles d’Amboine et Ternate. Le commerce des épices précieuses a été florissant.

Au XVI ème siècle, le clou de girofle entre dans une nouvelle ère de son histoire : ce ne sont pas moins que Fioravanti, Ambroise Paré et Paracelse qui se penchent sur son cas, puis, plus tard, Garus, les carmes déchaussés, Sydenham… Chacun y va de son élixir, de son baume ou de son cordial, toutes recettes savamment élaborées et contenant du clou de girofle…

Epoque contemporaine

Valnet (XXe siècle) signale que l’huile essentielle servait à la désinfection des mains des chirurgiens, des accoucheurs et des infirmières, et au nettoyage des plaies et du cordon ombilical comme le rapporte également Leclerc (XXe siècle).

De tout temps, cette épice mondialement connue a servi à traiter les caries dentaires, les infections buccales et la combler les dents creuses. L’huile essentielle sert aujourd’hui en pharmacie, en agro-alimentaire et en parfumerie.

Il y a quelques décennies, la culture du clou de girofle servait à la production de vanilline de synthèse (arôme vanille). Aujourd’hui, la plus grande partie de la production mondiale est destinée à la fabrication des cigarettes kreteks, consommées en Indonésie.

Tout comme c’est le cas des canneliers et des bigaradiers, le giroflier est susceptible de produire de l’huile essentielle dans toutes ses parties : feuilles, racines, etc. Celle qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui est celle que l’on extrait du clou. Mais qu’est-il au juste, ce clou ? Il s’agit de la fleur du giroflier, à un stade de développement où le bouton floral n’est pas encore éclot; autrement dit, la petite boule se situant à l’extrémité de la griffe.

Quelles sont les propriétés pharmacologiques de l’huile essentielle de Giroflier ?

Mode d’action connu ou présumé :

  • Anti-agrégant plaquettaire par l’eugénol (inhibiteur de la cyclo-oxygénase, inhibe la synthèse de prostaglandines)
  • L’eugénol est anticonvulsivant, anti-inflammatoire par inhibition de la Cox-2, agent préventif du cancer
  • Spasmolytique par blocage des canaux calciques

Propriétés antimicrobiennes :

Antivirale par inhibition de la croissance d’Helicobacter pylori, l’huile essentielle de giroflier est antibactérienne pathogène buccale (prevotella intermedia, notamment), antiseptique dentaire et antalgique dentaire (par inhibition de la conduction nerveuse).

L’huile essentielle est par ailleurs une huile antibactérienne très puissante à large spectre d’action sur bactéries Gram positif : (Staphylococcus aureus, Listeria monocytogenes), et Gram négatif : (Pseudomonas aeruginosa), souvent responsables de maladies nosocomiales, ou encore d’Escherichia coli par inhibition du biofilm de certains germes.

Anti-biofilm bactérien, les huiles essentielles de cannelle de Chine, de girofle, de tea tree, de baume du Pérou et de thym rouge sont plus efficaces pour éradiquer les biofilms de Pseudomonas et Staphylococcus aureus que certains antibiotiques, ce qui constitue en effet un énorme potentiel pour la découverte d’alternatives ou de compléments aux antibiotiques.

Antifongique vis-à-vis de Candida albicans, de Cryptococcus neoformans ainsi que d’Aspergillus fumigatus, le giroflier trouve un intérêt dans les vaginites mycosiques, avec un effet antioxydant.

Immunostimulants, les clous de girofle augmentent par conséquent le nombre de leucocytes et s’opposent ainsi à l’immunosuppression induite par le cyclophosphamide.

Propriété anti-inflammatoire :

L’eugénol contenu dans l’huile essentielle de giroflier est anti-inflammatoire, il freine la formation d’œdèmes et d’arthrite et réduit les réactions inflammatoires provoquées par les piqûres d’insectes par inhibition de la synthèse des prostaglandines ainsi qu’une réduction du chimiotactisme des globules blancs.

Propriétés anesthésiantes locales et antalgiques :

Antalgique et analgésique par voie locale, l’huile essentielle inhibe notamment la conduction nerveuse. L’eugénol a été utilisé pendant longtemps pour désinfecter les canaux dentaires après dévitalisation comme anesthésique local ainsi que comme cautérisant pulpaire.

Propriété antispasmodique :

Spasmolytique inhibant les spasmes induits par l’acétylcholine, le carbachol, l’histamine et la nicotine, le giroflier est entre autres un inhibiteur des canaux à calcium impliqués dans les contractions musculaires.

Autres effets :

  • Stimulante générale, neurotonique, dynamisante cérébrale, antiasthénique, aphrodisiaque
  • Tonique utérine dans la préparation à l’accouchement (à utiliser avant, pendant ainsi qu’après)
  • Stimulante digestive et intestinale, carminative, antiputride
    • Propriétés désinfectantes et purifiantes permettant la suppression des fermentations
  • Parasiticide
  • Protection des organes endommagés par des composés carcinogènes
  • Freine l’agrégation plaquettaire (essais in vitro)
  • Répulsive mouches et mites
  • Active sur le SNA pƩ+
  • Tonique glandulaire, active en effet sur :
    • Les ovaires
    • L’hypophyse
    • La thyroïde (équilibratrice)
    • Les surrénales
  • Antiallergique par inhibition de la libération d’histamine par les mastocytes
  • Antioxydante
  • Hypertensive

L’huile essentielle de Giroflier requiert-elle des précautions d’emploi ?

  • Risque d’hépatotoxicité per os
  • Dermocausticité à l’état pur, dilution requise
  • Réservée à l’adulte
  • Pure, elle est irritante pour les muqueuses et la peau, toxique pour le foie et neurotoxique à forte dose; convulsivante ainsi que dépressive du système nerveux central
  • Ne pas inhaler, ni diffuser, ni mettre dans le bain
  • Pas plus de 10 jours d’utilisation
  • Interactions médicamenteuses avec les huiles essentielles contenant des sesquiterpènes à plus de 10 %
  • Contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante
  • La métabolisation hépatique peut provoquer une hépato toxicité, il convient de toujours diluer cette huile essentielle et de l’associer avec d’autres huiles essentielles bien tolérées, afin de la « couper » et de diminuer la proportion dans le mélange final
  • Interdite chez les animaux
  • Éviter également l’association avec les anticoagulants
  • Interactions potentielles avec la warfarine, demandez donc conseil à votre pharmacien

Sources bibliographiques médicales et essais cliniques :

  • V. -G. de Billerbeck. Huiles essentielles et bactéries résistantes aux antibiotiques. Essential oils and antibiotic-resistant bacteria. Phytothérapie
  • Bandara HM, Matsubara VH, Samaranayake LP. Future therapies targeted towards eliminating Candida biofilms and associated infections. Expert Rev Anti Infect Ther. 2017
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  • Car FR, Schmidt G, Romero AL, Sartoretto JL, Caparroz-Assef SM, Bersani-Amado CA, Cuman RK. Immunomodulatory activity of Zingiber officinale Roscoe, Salvia officinalis L. and Syzygium aromaticum L. essential oils: evidence for humor- and cell-mediated responses. J Pharm Pharmacol. 2009
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