Huile essentielle de Menthe poivrée, hybride botanique complexe

La menthe poivrée, de son nom botanique mentha x piperita, appartient à la familles des Lamiaceae. Ses organes producteurs sont ses feuilles.

L’Histoire de la menthe poivrée

Illustre depuis l’Antiquité, la menthe poivrée a été décrite pour la première fois en Angleterre en 1696 et cultivée par la suite en Allemagne puis aux Pays-Bas vers 1750. Les traces de sa culture remontent à près de 4 000 ans. À Edfou, en Égypte, des hiéroglyphes trouvés sur les murs d’un temple nous permettent en effet de considérer que les Égyptiens utilisaient la menthe pour fabriquer un certain nombre de parfums cérémoniels. Alors dédiée à Horus, elle a également été retrouvée en fragments dans divers tombeaux.

Un peu de mythologie

Lorsque l’on parle des dieux des panthéons grecs et romains, à mesure que l’on aborde le monde végétal, une structure de base se dégage souvent : un dieu est surpris entrain de batifoler avec une nymphe par son épouse, celle-ci la punit. C’est ce qui est arrivé à Myntha, une nymphe convoitée et courtisée, surprise dans les bras d’Hadès par Perséphone. Verte de jalousie, la fille de Zeus transforma la malheureuse en pied de menthe; une plante dépourvue de graines, la rendant ainsi incapable de se reproduire.

Aussi, ce que la menthe ne peut faire par la voie des airs, elle en bénéficie par voie souterraine à l’aide d’un astucieux système racinaire constitué de rhizomes traçants. C’est ainsi qu’elle se propage, à tel point parfois qu’il est très difficile de la déloger des endroits où elle élit domicile. D’où sa force et son invulnérabilité, caractéristiques soulignées par les piétinements vains de Perséphone.

La menthe poivrée condense la fraîcheur de Myntha et le côté poivré et masculin de Hadès qui, dit-on, trouva réconfort dans cette plante dont le parfum lui rappelait la nymphe dont il s’était épris. D’aucuns affirment que Perséphone opéra cette métamorphose afin que le parfum de la menthe dissimule l’odeur de brûlé que portait continuellement son mari… En cela, il est vrai qu’on a souvent qualifié la menthe du nom d’herbe à la mort, car on la faisait brûler dans les maisons mortuaires pour en chasser l’odeur des cadavres. Il est donc aussi question de persistance. Par exemple, dans certaines régions d’Italie, on fit de la menthe un gage de souvenir, sans doute par proximité entre menta et rammentare.

Fait intéressant, les mythes affublent de stérilité la menthe. C’est d’autant plus congruent lorsque l’on sait que la menthe poivrée est un hybride. Ceci explique donc le x dans son nom latin, Mentha x piperita. Bien que la menthe mythique ne se propage pas par graines, elle s’hybride facilement dans la nature (c’est pourquoi la botanique de la menthe est si compliquée, à juste titre).

Qu’elle fut plante de Vénus aurait dû le renseigner. En Rome impériale, on confectionnait des corona veneris (couronnes ou diadèmes de Vénus) composées de menthe. La tête de la mariée se devait d’en porter. On plaçait aussi des feuilles de menthe sur le sol de la chambre nuptiale afin d’encourager les époux dans leurs ardeurs amoureuses.

Dans l’Antiquité…

La médecine grecque considère la menthe comme astringeante, échauffante et dessiccative. Dioscoride (Ier siècle) pensait de cette plante qu’elle inspirait l’amour, tandis qu’Hippocrate la pensait anaphrodisiaque sur le long terme.

Présente chez les Assyriens et les Babyloniens, il n’est pas étonnant qu’on la retrouve également chez les Grecs pour soigner les angines et les douleurs d’estomac. Si Hippocrate et Aristote l’ont déclarée aphrodisiaque, Dioscoride soutient le contraire ; pour lui, elle inspirait les plaisirs de l’amour. Les trois hommes parlent-ils de la même plante ? Cette différence dans l’opinion qu’ils en ont peut-elle s’expliquer par des propriétés spécifiques à plusieurs végétaux ? Notons, au passage, le peu de distinctions botaniques faites par les Anciens.

On a vu une similitude entre les mots menta et mentula. Ce dernier, dans le langage italien courant, désigne la verge de l’homme. On en revient donc à la qualité génésique de la menthe. Alors, cette menthe, est-elle vraiment aphrodisiaque ou non ? Nous l’avons dit, Hippocrate et Aristote pensaient que non, alors que Dioscoride qualifiait son hêduosmos d’aphrodisiaque. Pline l’ancien nous explique que, la menthe faisant cailler le lait, elle est à même, par analogie, de figer le sperme de l’homme dans ses conduits, et d’empêcher ainsi toute procréation.

Venons-en maintenant, à propos de la menthe, à une équivoque de langage. La proximité entre les termes menta et mentula a pu faire dire que la menthe entretenait un rapport avec le verbe mentir. Menteuse comme la menthe, est-il dit. Comme il l’a fait avec tant de bassesse avec les animaux, il n’y a guère que l’homme pour projeter sur une plante l’ombre d’une caractéristique que n’appartient qu’à lui… Faire de la menthe une plante du mensonge, par simplicité orthographique, c’est osé et c’est, en soi, assez déraisonnable. Il est, selon toute apparence, aisé de faire une relation entre menthe et mentir. Ce dernier mot tire son origine de racines gréco-latines, alors que le mot menthe, provient d’une langue non indo-européenne. Aussi, raccorder cette charrette-ci avec ce cheval-là me semble quelque peu spécieux.

Au Moyen Age

On parle de menthe cultivée (menta), de menthe sauvage (mentastrum) et de pouliot (pulegium, lequel a le mieux résister aux sévices du temps car n’ayant alors pas été classé parmi les menthes, mais désigné comme une espèce à part). Ce sont elles que l’on retrouve presque à l’identique dans le Capitulaire de Villis : menta, mentastrum, sisymbrium.

La médecine arabe la recommande en infusion dans les digestions difficiles, contre les douleurs de l’estomac, les hoquets, les vomissements, le manque d’appétit, les accouchements difficiles et les affections de la poitrine, et en cataplasme contre les abcès et les hémorroïdes.

Avant toute chose, se rappeler des paroles du moine poète Strabon : « Mais si quelqu’un peut énumérer au complet, les vertus, les espèces et les noms de la menthe, qu’il sache, c’est nécessaire, ou combien nagent de poissons dans la mer Rouge, ou combien Vulcain fait voler dans les airs d’étincelles jaillies des vastes fournaises de l’Etna. »

Le Moyen-Âge, qu’on se rassure, n’aura pas retenu les pires indications de l’Antiquité à propos de la menthe. Dans son Physica, Hildegarde de Bingen mentionne quatre menthes différentes : la petite menthe, la grande menthe, la menthe d’eau et la menthe romaine. Difficile de savoir si, parmi ces quatre dénominations, se cache la menthe poivrée. Cependant, dans l’ensemble, Hildegarde note des qualités antitussives, expectorantes, mucolytiques et digestives. La menthe aurait aussi un pouvoir contre la folie. On a vite fait d’elle une panacée médiévale, comme la sauge, propre à faciliter le travail du cerveau et à éveiller l’esprit. Un peu plus tard, Matthiole affirmera à nouveau les qualités aphrodisiaques de la menthe, tandis que Lémery, fin observateur, indiquera que les menthes sont aptes à « fortifier le cerveau, le cœur, l’estomac ; elles chassent les vents, elles excitent l’appétit, elles aident à la respiration, elles tuent les vers… ».

Epoques modernes et contemporaines

En toute fin de XVII ème siècle, un Anglais du nom de John Ray est alerté à propos d’un spécimen particulier apparu au beau milieu d’un champ de menthe verte, près de Mitcham. Cette découverte ayant suscité sa curiosité, il entreprend de décrire cette « nouvelle » plante en 1696. Bien qu’estampillée Mentha x piperita par Linné en 1753, Ray lui donne, dès 1704, le nom de Mentha palustris afin de la différencier de ses consœurs. Il la considère comme bien supérieure par ses propriétés et effets que la plupart des autres menthes connues pour le traitement des troubles digestifs. Au milieu des années 1700, la culture de celle que l’on qualifiera désormais de menthe anglaise ou de peppermint se développe en Angleterre, mais aussi en Hollande et en Allemagne.

Cet individu est donc à l’origine des menthes poivrées que l’on cultive encore aujourd’hui en Angleterre (la variété rubescens Mitcham qui, comme son nom l’indique, possède des tiges rougeâtres et des inflorescences de couleur quasiment semblable) et en France (la variété pallescens aux fleurs blanchâtres). On la cultive aussi dans bien d’autres pays tels que la Chine, l’Égypte, l’Inde, l’Italie, les États-Unis, la Russie, le Japon… Et gageons d’avoir affaire, ici ou là, à des huiles essentielles de menthe poivrée assez dissemblables mais rappelant, les unes et les autres, l’antique conte mythologique.

Au XIXe siècle, Cazin décrit deux de ses effets sur les systèmes digestif et nerveux. En application topique, la menthe décongestionne les seins laiteux, tandis que l’alcoolat est utilisé pour soulager les douleurs musculaires ainsi que rhumatismales. En bain de bouche, une décoction de feuilles peut soulager les gencives douloureuses.

Origine et usages de la Menthe poivrée

Si l’on trouve trace de la menthe dès l’Égypte ancienne, son utilisation médicale est récente. Au XVIIe siècle, elle a fait l’objet d’une hybridation entre les trois menthes connues jusque-là (M. aquatica, M. longifolia et M. rotundifolia), donnant ainsi naissance à une espèce plus aromatique, Mentha x piperita. La menthe poivrée appartient à la famille des labiées.

On utilise ses feuilles séchées ou l’huile essentielle obtenue à partir des fleurs. Son huile essentielle a été très vite utilisée en friction sur les tempes pour soulager les maux de tête, ou en inhalation lors de rhume ou de toux. Aujourd’hui, ce sont surtout ses propriétés antispasmodiques (contre les spasmes) qui sont recherchées en cas de nausées, de ballonnements ou d’inflammation de l’intestin.

Quelques autres plantes antispasmodiques intestinales
La phytothérapie traditionnelle utilise également les plantes suivantes pour soulager les maux de ventre :

Quelles sont les propriétés pharmacologiques de l’huile essentielle de feuilles de Menthe poivrée ?

Effets antispasmodique et cholérétique :

Régulatrice et protectrice hépatiques, l’huile essentielle de menthe inhibe les spasmes induits par l’acétylcholine, l’histamine ainsi que la sérotonine, de façon similaire à l’atropine. Elle a une action relaxante sur la musculature lisse et réduit les spasmes du sphincter d’Oddi de la vésicule biliaire, en ayant un effet dilatateur sur les vaisseaux. Elle exerce une action directe sur les canaux calciques impliqués dans les phénomènes de contraction et serait indiquée pour traiter les spasmes du côlon.

Cholérétique et cholagogue, ainsi que pancréato stimulante, elle augmente la sécrétion de la bile et son excrétion, grâce à ces cétones fluidifiantes. La menthe poivrée est également dépurative sanguine ; elle élimine les radicaux libres ainsi que les déchets des thérapeutiques.

Cette huile réduit en outre les spasmes du gros intestin, et facilite l’introduction du coloscope lors d’une coloscopie.

Effets analgésique et anti-inflammatoire :

Le menthol induit une action analgésique en application locale par la stimulation des récepteurs du froid. Des essais cliniques effectués chez l’homme ont montré une action favorable de l’huile essentielle sur la migraine en réduisant la durée de la crise.

Antalgique, cette huile essentielle est utilisée en traitement topique, dans les douleurs diminuées par le froid ; la menthe poivrée excite les récepteurs du froid et stimule un refroidissement par une action au niveau des canaux calciques. Ses propriétés antalgiques sont induites par une activation sélective des récepteurs kappa-opioïdes, surtout par voie locale.

Son effet anti-inflammatoire et immunomodulant s’est révélé dans les infections à Schistosoma mansoni.

Effet antimicrobien :

L’huile essentielle de menthe poivrée est antibactérienne vis-à-vis de staphylocoque doré, du méningocoque, de Salmonella enteridis et de Listeria monocytogenes. Elle est également anti-herpétique sur HSV-1 et HSV-2 même résistants à l’acyclovir, ainsi qu’antifongique sur Trichosporon ovoides (agent d’une mycose du cuir chevelu).

Le menthol qu’elle contient peut aider à réduire l’antibiorésistance en agissant sur la détection du quorum des bactéries ou « quorum sensing ». À savoir également que le menthol et l’huile essentielle de menthe possèdent une activité anti plasmidique considérable chez Escherichia coli.

Effet tonique :

Le menthol a une action stimulante sur le système nerveux central.

Effet vasculaire :

L’huile essentielle induit une vasoconstriction artérielle qui augmente la tension artérielle et est utile dans la migraine.

Mode d’action connu ou présumé :

  • Le menthol et l’huile essentielle de menthe possèdent une activité antiplasmidique considérable chez Escherichia coli
  • Le menthol et le menthone sont les deux principes actifs majoritaires de la menthe poivrée. Chez l’animal, ils ont une action antispasmodique sur les fibres musculaires de l’appareil digestif et respiratoire. Lorsque l’huile essentielle de menthe poivrée est appliquée sur la peau, elle provoque une sensation de froid qui semble diminuer la sensibilité des récepteurs de la douleur.

Autres effets :

  • Décongestionnante nasale
  • Tonique et stimulante cérébrale, dynamisante (diminue la viscosité mentale)
  • Hormon-like, elle favorise les règles
  • Active sur le SNA, Ʃ +
  • Favorise la respiration métabolique cellulaire (comme toutes les menthes)
  • Négativante (électronégative)
  • Cortison-like (si monoterpènes supérieurs à 10%)
  • Effet immunostimulant, augmente l’immunité innée et la réponse humorale
  • Sécrétolytique, décongestionnante nasale, astringente
  • GABA-ergique

L’huile essentielle de Menthe poivrée requiert-elle des précautions d’emploi ?

  • À haute dose, la menthone est excitostupéfiante et hypertensive
  • Peut entraîner céphalées, bradycardie, tremblements, ataxie, insomnies, spasme bronchique ainsi que spasme de la glotte et du larynx
  • Interactions médicamenteuses avec les remèdes homéopathiques
  • Allergie possible au menthol
  • Ne pas diffuser ni mettre dans le bain
  • Interdite chez le nourrisson, peut être fatale !
  • Contre-indiquée chez la femme enceinte (abortive) ou allaitante et chez les enfants (risque de bronchospasme)
  • Réservée à l’adulte
  • Ne pas associer avec la cortisone (si monoterpènes supérieurs à 10%)
  • Prudence en cas de reflux gastro-œsophagien, de calculs biliaires ou de trouble hépatopancréatique (per os)
  • Interactions médicamenteuses avec les huiles essentielles contenant des sesquiterpènes à plus de 10%
  • Risque de neurotoxicité pouvant induire des crises épileptiques à hautes doses
  • Prudence chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes, épileptiques, asthmatiques, âgées ou atteintes de parkinson, ainsi qu’aux personnes neurosensibles
  • Ne pas utiliser chez les déficients en G6PD (glucose-6-phosphate-déshydrogénase), impliquée dans sa détoxication (risque de toxicité par accumulation) – (menthol)
  • Contre-indiquée en usage interne

Formulations usuelles de la plante :

Feuilles de menthe poivrée : 20 grammes pour 1/2 litre d’eau frémissante, infuser 10 minutes. À boire dans la journée

Ce qu’en pensent les autorités de santé

L’EMA

L’Agence européenne du médicament considère comme « médicalement bien établi » l’usage de l’huile essentielle de menthe poivrée pour « soulager les flatulences et les douleurs abdominales notamment lors d’intestin irritable ». Elle recommande d’en réserver l’usage aux adultes et aux enfants de plus de huit ans.

Elle considère également « médicalement bien établie » l’utilisation par application cutanée de l’huile essentielle de menthe poivrée pour « soulager les maux de tête » chez les adultes. L’EMA considère également comme « traditionnellement établi » l’usage de l’huile essentielle de menthe poivrée en inhalation « contre les toux et les rhumes, et par voie cutanée contre les douleurs musculaires et les petites démangeaisons cutanées ». L’utilisation locale est contre-indiquée chez les enfants de moins de deux ans et déconseillée jusqu’à l’âge de quatre ans.

Concernant les feuilles séchées de menthe poivrée, l’EMA considère comme « traditionnellement établi » leur usage pour soulager les symptômes des troubles digestifs, par exemple les digestions difficiles et les flatulences.

L’OMS

L’Organisation mondiale de la santé reconnaît que l’utilisation de l’huile essentielle de menthe poivrée est « scientifiquement établie dans le traitement du syndrome du côlon irritable, et dans les affections digestives comme les flatulences et les gastrites ; par voie externe, l’huile essentielle est efficace contre les douleurs musculaires et les maux de tête ». Les feuilles de menthe poivrée sont « traditionnellement utilisées dans le traitement symptomatique des troubles digestifs, des flatulences et des coliques intestinales ».

LA COMMISSION E

La Commission E du ministère de la Santé allemand reconnaît l’usage des feuilles et de la teinture de menthe poivrée dans « les crampes gastro-intestinales y compris celles de la vésicule et des voies biliaires ».

L’ESCOP

La Coopération scientifique européenne en phytothérapie reconnaît l’usage de la menthe poivrée dans « le traitement des symptômes de troubles digestifs tels que les flatulences, le syndrome de l’intestin irritable, ainsi que dans celui de la toux et du rhume ». Il reconnaît également son application locale pour soulager « les rhumes, les douleurs articulaires, les céphalées de tension et les symptômes d’irritation de la peau ».

LE NIH

Les Instituts nationaux de la santé américains considèrent que la menthe poivrée « pourrait être utile pour réduire les spasmes intestinaux pendant et après les endoscopies (examen du tube digestif à l’aide d’une sonde équipée d’une caméra) et pour réduire les symptômes du syndrome de l’intestin irritable », en insistant sur la nécessite d’études additionnelles avant de recommander formellement son usage.

 

Sources bibliographiques médicales et essais cliniques :

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