La lavande vraie, de son nom botanique Lavandula angustifolia, appartient à la famille des Lamiaceae. Son huile essentielle est obtenue par distillation des fleurs.
Un peu d’histoire
Il est dit dans les textes antiques que la lavande était brûlée dans les chambres où séjournaient les malades. Jadis, elle parfumait également l’eau des thermes Romains qui bénéficiaient, par la même occasion, des vertus cutanées de la lavande. De la purification à l’assainissement, la lavande émane de son nom ces deux caractéristiques. En effet, » lavandula « , du latin « lavare« , signifie tout simplement laver.
Dans l’Antiquité
Dans les textes antiques, on trouve des mentions relatives à la lavande. Le De materia medica de Dioscoride évoque une lavande, mais il s’agit de la stoechade, que l’on retrouve un peu plus tard dans les Argonautiques orphiques, un texte anonyme du IIIe siècle ap. J.-C. En réalité, l’importance thérapeutique que nous accordons aujourd’hui aux lavandes fine et aspic est équivalente à celle qui fut allouée par les Anciens à la stoechade, laquelle est, depuis le temps, tombée dans un relatif oubli.
C’est sans doute pour cela que les très anciennes sources n’évoquent presque jamais les deux premières, ou, peut-être, sous le nom de nardus tel que Pline le rapporte. On connaît quelques usages antiques de la lavande, quand bien même on ne sait pas vraiment de laquelle il s’agit (cela procède d’une confusion pour le moins égale à celle d’un néophyte qui aurait du mal à distinguer entre eux les différents lavandins et qui, par simplicité, leur accorderait le nom générique de « lavande »).
On nous apprend que la lavande était brûlée dans les chambres où séjournaient les malades. À ce sujet, peut-être connaissez-vous les lavandières ou chanteuses de la nuit, des spectres de femmes condamnés à laver éternellement leur linceul au clair de lune, dans des fontaines égarées, et dont l’action principale, par analogie, est de laver leur propre pêcher.
Il est relativement aisé de comprendre les vertus purificatrices de la lavande officinale, d’autant plus que l’on a longtemps considéré les plantes à odeur comme capables d’éloigner les miasmes et les parasites.
Moyen Age
La lavande, contrairement aux sauge, hysope et autre romarin, ne donne pas l’impression d’avoir été une plante dont chaque siècle aura fait une panacée. Albert le Grand en parle peu, Hildegarde davantage : « La lavande est chaude et sèche et sa chaleur est saine. Si on fait cuire de la lavande dans du vin et qu’on en boit souvent tiède, on apaise les douleurs du foie et du poumon, ainsi que les vapeurs de la poitrine. » La lavande intervient sur un certain nombre de maladies. Elle écarte tant les poux que… les mauvais esprits. Hildegarde insiste particulièrement sur la question de la pureté que procure celle qu’elle nomme lavendula dans le texte : l’odeur de la lavande éclaircit la vue et, grâce à elle, « on obtient une connaissance pure et un esprit pur. »
Au XVIe siècle, le médecin toscan Matthiole, qui semble-t-il connaissait l’huile essentielle de lavande, l’indique pour le foie, la rate et l’estomac comme antispasmodique, ainsi que dans des cas de nervosisme. Comme Lémery qui note plus tard une action de la lavande sur le cerveau et sur les nerfs, Matthiole lève le voile sur un ensemble de propriétés de la lavande : un puissant antispasmodique et un régulateur du système nerveux central.
Distillée apparemment depuis le XIIIe siècle, sous le nom de lavandula, jusqu’au XVIe siècle, on ne fait aucune distinction entre lavande fine et lavande aspic. Pourtant, l’altitude aurait dû renseigner les Anciens. Si la lavande stoechade est une plante de basse altitude, on trouve la lavande aspic entre 400 et 1000 m, tandis que la lavande officinale grimpe jusqu’à 1800 m. C’est autour de 800-1000 m qu’on observe une mitoyenneté entre aspic et fine, de laquelle un hybride connu sous le nom de lavandin est né grâce à l’action des abeilles.
Epoque moderne
Au XVIIIe siècle, l’on procédait alors par fumigation de lavande et d’autres aromatiques lors d’épidémies. C’est donc sans aucun hasard que l’on la retrouve dans le vinaigre des quatre voleurs.
Le Vaucluse comptait au XVIIIe siècle, les plus belles lavanderaies sauvages. Il n’était d’ailleurs pas rare d’y voir quelques distillateurs ambulants, transportant leur alambic parfois à dos de mulet, qui perdurèrent ainsi jusqu’au début du XXe siècle.
Le destin de l’aromathérapie fut scellé grâce à l’huile essentielle de Lavande :
L’anecdote se déroule à Lyon, en 1910, dans le laboratoire d’un jeune ingénieur chimiste du nom de René-Maurice Gattefossé. Une explosion survint et brûlera la main du chimiste. Cette histoire légendaire, raconte qu’il plongea la main par réflexe dans le premier récipient qu’il aurait trouvé à sa portée; ce dernier étant rempli d’huile essentielle de lavande.
Cependant, la réalité ayant quelque peu été déformée, les faits ne se sont pas tout à fait déroulés ainsi. Il y a bien effectivement bien eu explosion et brûlure, toutefois, cette main trempée dans un bac entier d’huile essentielle de lavande est une fausse affirmation. Gattefossé fut dans un premier temps soigné par une médicamentation traditionnelle à la suite de sa brûlure. Ne voyant pas de résultat, constatant qu’une gangrène s’installait, il suivit par conséquent son intuition : il badigeonna d’huile essentielle de lavande ses plaies. Jusqu’alors, le jeune chimiste ne s’était intéressé principalement qu’aux applications d’huiles essentielles dans le domaine de la parfumerie, mais avait déjà posé quelques bases à propos de leurs vertus curatives. En ce sens, il forgera le terme « aromathérapie » en 1928 et écrira de nombreux ouvrages sur le sujet, dont le célèbre Aromathérapie — Les huiles essentielles hormones végétales en 1937.
L’huile essentielle de lavande, que tout le monde connaît aujourd’hui, ne serait-ce que par son odeur, n’avait à cette époque pas encore acquis ses lettres de noblesse thérapeutiques. Mais c’était sans compter par la suite sur Jean Valnet, Fabrice Bardeau, ou encore Pierre Franchomme qui changèrent la donne.
Quelles sont les propriétés pharmacologiques de l’huile essentielle de fleurs de Lavande vraie ?
Mode d’action connu ou présumé :
- Le linalol est antalgique (action sur les récepteurs muscariniques, opioïdes et dopaminergiques), anti-inflammatoire (inhibe l’œdème induit par la carragénine), spasmolytique (par action post-synaptique médiée par l’AMP-cyclique), inhibe la libération d’acétylcholine et réduit le temps d’ouverture des canaux ioniques de la jonction neuro-musculaire (blocage des canaux Na+ et/ou Ca ++), antioxydant (inhibe la peroxydation lipidique), sédatif (même en inhalation), hypnotique, anti-convulsivant (par action sur le transport du glutamate), hypothermisant, anesthésique local, antiviral vis-à-vis des adénovirus
- Les propriétés anxiolytiques et antidépressives modulées par interactions avec les récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate) au glutamate et les transporteurs de la sérotonine
- L’acétate de linalyle (44%) de caractère hydrophile, présente un profil similaire au linalol (31%) et en est synergique, sédatif, anti-inflammatoire, spasmolytique, anti-agrégant plaquettaire
- Sympatholytique
Propriété anxiolytique :
Une étude a montré que l’huile essentielle de lavande réduit le cortisol plasmatique. Son effet anxiolytique, marqué, est dû à l’inhibition des courants GABA-induits. Elle possède un effet relaxant par inhalation et entraîne une diminution de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque ainsi que de la température cutanée, indiquant ainsi une diminution de l’activité végétative d’éveil.
Son activité anxiolytique significative, dose-dépendante, est par ailleurs comparable à celle du lorazépam. Elle augmente de fait le temps de sommeil induit par le pentobarbital, sans aucun effet significatif sur l’activité locomotrice.
Propriété sédative :
Active sur le système nerveux central, la lavande protège, calme et apaise. Elle réduit notamment le stress par diminution du cortisol circulant. Calmante et anticonvulsivante, elle interfère également avec la transmission glutamatergique.
Propriété antispasmodique :
L’huile essentielle de lavande vraie agit sur les muscles lisses de l’intestin ; l’acétate de linalyle réduit la contraction de la paroi vasculaire. Spasmolytique puissant, la lavande est myorelaxante, par un mécanisme d’action postsynaptique et non atropine-like.
Propriété antimicrobienne :
L’effet antifongique de l’huile essentielle a été démontré in vitro vis-à-vis de 50 souches de Candida albicans prélevées chez l’homme. L’effet antibactérien de l’huile essentielle de lavande, quant à lui, a été démontré in vitro vis-à-vis de pathogènes comme la salmonelle et le staphylocoque doré, alors qu’un extrait a montré in vitro une action contre Helicobacter pylori impliquée dans l’ulcère de l’estomac.
Efficace sur des staphylocoques résistants (surtout en mélanges avec d’autres chémotypes), la lavande est antimicrobienne également vis-à-vis de la flore pathogène tout en respectant la flore résidente (microbiote) en application cutanée sur zone connexe.
Effet antiparasitaire :
L’huile essentielle de lavande officinale est antiparasitaire contre les parasitoses humaines (Giardia duodenalis et Trichomonas vaginalis).
Propriété insecticide :
Insecticide, efficace contre les tiques, les acariens, les poux et les insectes, notamment les mites.
Propriétés anti-inflammatoire et antidouleur :
L’huile essentielle s’oppose à l’œdème et montre une action anesthésique locale. Le linalol montre une action antalgique et l’acétate de linalyle est anti-inflammatoire. L’huile essentielle de lavande inhibe donc l’inflammation induite par les lipopolysaccharides (LPS) en augmentant l’expression des (HSP70). Les effets anti hyperalgésique et anti nociceptif du (−) linalol proviennent de fait de sa capacité à stimuler les systèmes opioïde, cholinergique et dopaminergique.
Autres effets :
- Active sur le SNA : Ʃ-
- Cicatrisante et régénérante cellulaire
- Tonicardiaque hypotensive
- Effet favorable du massage sur le plan psychologique et immunologique, augmente le taux des lymphocytes CD8
- L’huile essentielle de lavande pourrait contribuer à la modulation du système immunitaire et neuroendocrinien par action sur l’indoleamine 2,3 — dioxygénase (IDO) et le métabolisme du tryptophane
- Anti hypertensive par effet sympatholytique
- Antiallergique, inhibe la dégranulation mastocytaire
- Effet de type œstrogénique dose-dépendant (annulé par un anti-œstrogène spécifique) et anti-androgénique
L’huile essentielle de Lavande vraie requiert-elle des précautions d’emploi ?
- Huile essentielle essentiellement active par voie transcutanée, la voie orale n’a aucun intérêt.
- Attention à d’éventuels effets gynécomastiants en usage prolongé. Le linalol et l’acétate de linalyle empêchent la production de testostérone, à éviter au long cours chez les individus de sexe masculin en tant que perturbateurs endocriniens.
- Contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante.
- Réservée à l’adulte.
- Interdite chez l’enfant et l’adolescent non pubère (cause possible du développement pré pubertaire idiopathique du sein chez la jeune fille et chez le jeune garçon).
- Contre-indiquée dans les cancers ou antécédents hormonodépendants.
- Autorisée chez les animaux en usage externe.
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