Huile essentielle de Ravintsara, le camphrier dépourvu de camphre

Le Ravintsara, de son nom botanique Cinnamomum camphora ct cinéole (Madagascar), appartient à la famille des Lauraceae. Son huile essentielle est obtenue à partir de ses feuilles.

Histoire du Ravintsara

Le ravintsara est un camphrier (cinnamomum camphora) adapté à Madagascar et à la Réunion ; sa particularité est que ce camphrierne produit pas de camphre ! En revanche, il produit du 1,8-cinéole, qui va lui donner sa spécificité biochimique, d’où le nom de Cinnamomum camphora ct 1,8 cinéole.

Ses origines

C’est dans « Histoire de la Grande Isle Madagascar » que les propriétés de cette plante sont évoquées pour la première fois. Il a notamment été décrit comme miraculeux, capable de guérir diverses maladies et infections. Ce n’est qu’en 1775 que le pharmacien et chimiste Antoine Baumé extrait pour la première fois l’huile essentielle de Ravintsara, et quelques années plus tard le botaniste Pierre Boiteau étudie et décrit ses propriétés curatives.

Le mot « ravintsara » signifie « bonne feuille » en malgache (Ravina = Feuille, Tsara = Bonne). Le ravintsara est une variété de camphrier (cinnamomum camphora) acclimatée à Madagascar et à l’île de la Réunion; sa spécificité réside dans le fait qu’à Madagascar (et à la Réunion), ce camphrier…ne produit pas de camphre ! Elle produit en revanche du 1,8-cinéole (eucalyptol), qui lui donnera sa spécificité biochimique (ou chémotype), on l’appellera donc Cinnamomum camphora ct 1,8 cinéole.

Il existe d’autres spécificités biochimiques pour le cinnamomum camphora, mais l’on n’a plus affaire au ravintsara dans ce cas-là, par exemple : cinnamomum camphora ct linalol : Il s’agit du Bois de Hô ou Camphrier du Japon.

Il est originaire d’Asie, plus particulièrement de Chine, du Japon et du Vietnam. On le trouve aujourd’hui principalement sur l’île de Madagascar où il a été introduit au cours du XIXème siècle. Il s’est également acclimaté en Australie, en Afrique du Sud, aux États-Unis (en Californie) et un peu en Europe et au Maghreb.

C’est dans « Histoire de la grande Isle Madagascar » qu’on mentionne pour la première fois les propriétés de cette plante. On la décrit comme miraculeuse, capable de guérir toutes sortes de maladies et d’infections.

Son importation

Au cours des XVIe et XVIIe siècles, des camphriers de Chine ont été importés à Madagascar depuis l’Asie. Initialement, l’espèce contenait de fortes concentrations de camphre, mais sa composition chimique a évolué sur le sol de Madagascar. Lors de son implantation sur les hauts plateaux de Madagascar, la plante a muté pour ne contenir quasiment plus de camphre, mais pour être riche en une autre molécule, l’eucalyptol (1,8 cinéole). C’est ce qui a donné naissance au Ravintsara.

Au début du XXe siècle, le développement de l’industrie du celluloïd (matière plastique composée de camphre) a poussé de nombreux pays à cultiver le camphrier de Madagascar avec succès afin d’en extraire le camphre (Algérie, Inde, Sri Lanka, Etats-Unis, Sud-Est de l’Asie…).

Entre le XVIe et le XVIIe siècle, le Camphrier de Chine est importé d’Asie jusqu’à Madagascar. À l’origine, cette espèce contient une grande concentration de camphre mais sa composition chimique va évoluer sur le sol malgache. Lors de son implantation dans les hauteurs de Madagascar, la plante mute et ne contient pratiquement plus de camphre mais elle s’enrichit en une autre molécule, le 1.8 cinéole. Ce qui donne naissance au Ravintsara.

Exploitation

Le Ravintsara est souvent confondu avec une espèce endémique de Madagascar, le Ravensara aromatica dont la composition et les propriétés sont différentes.

À Madagascar, il existe près de 12 000 espèces végétales qu’on ne trouve nulle part ailleurs sur la surface du globe. Qu’était-il donc besoin d’y implanter le camphrier, un arbre originaire d’Asie ?

Très souvent, l’Homme introduit telle ou telle espèce animale ou végétale, dans telle ou telle contrée, par volonté comme par ignorance, à des époques où on ne soucie pas encore d’écologie. Qu’on se remémore le cas du cerf en Nouvelle-Zélande, du lapin en Australie ou du rat sur les Îles Kerguelen. Mais aussi la renouée du Japon dont le but premier était ornemental, ainsi que tant d’autres plantes dites invasives et néfastes pour le biotope dans lequel elles s’installent, car beaucoup trop frondeuses pour que les espèces endémiques puissent rapidement s’y opposer sinon s’y acclimater.

Parfois, l’Homme trouve moyen de corriger son erreur originel (enfin, celle de ses ancêtres). Ainsi, la viande de cerf néo-zélandais est-elle exportée un peu partout dans le monde. À d’autres, on ajoute une nouvelle erreur qu’on pense susceptible de corriger la première. L’introduction du renard en Australie afin de venir à bout des lapins est à ce titre exemplaire et tragique. En France, nous ne savons pas encore quoi faire de la renouée du Japon, plante médicinale dans son pays d’origine, pour la seule et bonne raison qu’elle pousse assez souvent dans des lieux pollués.

En revanche, ce que ne surent certainement pas les personnes qui introduisirent le camphrier asiatique à Madagascar, c’est que cet arbre nous a offert un miracle : ravintsara.

Distillation

La teneur et la composition chimique des huiles essentielles varient selon le lieu de culture, la saison de récolte et le taux d’ensoleillement auquel l’arbre a été exposé.

Ainsi, l’huile essentielle extraite du camphrier de Madagascar sera différente selon le pays de provenance : celle de Madagascar est riche en cinéole et exempte de camphre, c’est l’huile essentielle de Ravintsara. Celle de Chine est l’huile essentielle de bois de Hô riche en linalol, et celle du Vietnam et du Japon est l’huile essentielle de camphrier riche en camphre.

L’huile essentielle de Ravintsara est extraite par distillation à la vapeur d’eau des feuilles fraichement cueillies. Celles-ci sont récoltées à la main et pour éviter toute macération, l’extraction sera effectuée le jour de la cueillette ou le lendemain au plus tard.

Ce n’est qu’en 1775 que l’huile essentielle de Ravintsara sera extraite pour la première fois par le pharmacien et chimiste Antoine Baumé puis quelques années plus tard, le botaniste Pierre Boiteau étudie et décrit ses effets thérapeutiques.

Quelles sont les propriétés pharmacologiques de l’huile essentielle de feuilles de Ravintsara ?

Effets expectorant et mucolytique du Ravintsara :

Expectorante, l’huile essentielle de ravintsara stimule les glandes à mucine ainsi que l’activité ciliomotrice de la muqueuse bronchique. Elle assèche également les muqueuses respiratoires et améliore ainsi la clairance muco-ciliaire.

Mucolytique par stimulation des glandes exocrines des muqueuses respiratoires, le ravintsara agit de fait par oxygénation respiratoire, possède une action sécrétolytique et augmente en conséquence la cinétique du transport muco-ciliaire dans les sinus.

Effet anti-inflammatoire du 1,8 cinéole :

L’action du 1,8 cinéole a en effet été démontrée in vitro sur des globules blancs (monocytes) vis-à-vis d’inducteurs de l’inflammation comme les lipopolysaccharides ou l’interleukine-1. Les médiateurs de la réaction inflammatoire comme les métabolites de l’acide arachidonique, les leucotriène B, le thromboxane-B et les prostaglandines E sont significativement diminués au niveau pulmonaire, ainsi que le TNF-α (tumor necrosis factor).

Cortison-like, l’huile essentielle de ravintsara est stimulante de l’axe hypophyso-corticosurrénalien, et est de fait intéressante dans les états inflammatoires prolongés.

Effet antispasmodique des feuilles de Cinnamomum camphora :

Cet effet se fait notamment par action sur les muscles lisses de la trachée vis-à-vis de l’acétylcholine.

Effet antimicrobien de l’huile essentielle de Ravintsara :

Anti-infectieuse et immunostimulante, son activité antimicrobienne agit en outre vis-à-vis de Gardnerella vaginalis et Candida albicans (comme l’alpha-terpinéol), comparable à celle du clotrimazole, utilité dans les vaginoses bactériennes. Son effet est en effet synergique avec amoxicilline/acide clavulanique et gentamicine, sur des souches de Staphylococcus aureus isolées de patients atteints d’ostéomyélite.

Autres effets :

  • Excellente antivirale
  • Neurotonique et stimulante
  • Décontracturante musculaire ainsi qu’antalgique
  • Immunomodulante par augmentation des βgamma-globulines
  • Antifongique
  • Hypotensive
  • L’eucalyptol (1,8-cinéole) est inhibiteur de la principale protéinase virale Mpro du SRAS-CoV-2, qui est cependant nécessaire à la reproduction du coronavirus

L’huile essentielle de Ravintsara requiert-elle des précautions d’emploi ?

  • Éviter en association avec la cortisone, risque d’interaction médicamenteuse
  • Ne pas utiliser sur une période prolongée, au risque de mettre au repos l’axe hypophyso-surrénalien et de subir une insuffisance surrénalienne aiguë à l’arrêt de la prise de l’huile essentielle
  • Éviter d’appliquer l’huile essentielle le soir ainsi qu’avant toute période de repos
  • Déconseillée chez les personnes souffrant d’ostéoporose, en raison du risque de décalcification inhérent
  • Ne pas diffuser (irritante pour les voies respiratoires)
  • Contre-indiquée chez les asthmatiques, les insuffisants respiratoires, les personnes allergiques ainsi que les épileptiques
  • Contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante
  • Réservée à l’adulte (risque de convulsions chez l’enfant)
  • Métabolisé par le cytochrome P450 en 3alpha-hydroxy-1,8-cinéole, le 1,8-cinéole est l’un des substrats des enzymes CYP3A (CYP3A4 en particulier) dans les microsomes hépatiques, risque d’interactions médicamenteuses, demandez conseil à votre pharmacien

Sources bibliographiques médicales et essais cliniques :

  • Michaël Mansard, Dominique Laurain-Mattar, Françoise Couic-Marinier. Huile essentielle de Ravintsara, Actualités Pharmaceutiques, 2019
  • Dutta BK, Karmakar S, Naglot A, Aich JC, Begam M. Anticandidial activity of some essential oils of a mega biodiversity hotspot car. in India. Mycoses. 2007
  • Satyal P, Paudel P, Poudel A, Dosoky NS, Pokharel KK, Setzer WN. Bioactivities and compositional analyses of Cinnamomum essential oils from Nepal: C. camphora, C. tamala, and C. glaucescens. Car. Nat Prod Commun. 2013
  • Mahilrajan S, Nandakumar J, Kailayalingam R, Manoharan NA, SriVijeindran S. Screening the antifungal activity of essential oils against decay fungi from car palmyrah leaf handicrafts. Biol Res. 2014
  • Hasani A, Pavia D, Toms N, Dilworth P, Agnew JE. Effect of aromatics car on lung mucociliary clearance in patients with chronic airways obstruction. J Altern Complement Med. 2003
  • Behrbohm H, Kaschke O, Sydow K. [Effect of the phytogenic secretolytic drug Gelomyrtol forte on mucociliary clearance of the maxillary sinus]. Laryngorhinootologie. 1995
  • Trinh HT, Lee IA, Hyun YJ, Kim DH, Car. Ba. Artemisia princeps Pamp. Essential oil and its constituents eucalyptol and α-terpineol ameliorate bacterial vaginosis and vulvovaginal candidiasis in mice by inhibiting bacterial growth and NF-κB activation. Planta Med. 2011
  • Hriouech S, Akhmouch AA, Mzabi A, Car. B, Chefchaou H, Tanghort M, Oumokhtar B, Chami N, Remmal A. The Antistaphylococcal Activity of Amoxicillin/Clavulanic Acid, Gentamicin, and 1,8-Cineole Alone or in Combination and Their Efficacy through a Rabbit Model of Methicillin-Resistant Staphylococcus aureus Osteomyelitis. Evid Based Complement Alternat Med. 2020
  • Sharma, A.D.; Kaur, I. Eucalyptol (1,8 cineole) from Eucalyptus Essential Oil a Potential Inhibitor of COVID 19 Corona Virus Infection by Molecular Docking Studies . Car Preprints 2020

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