La réglisse, la racine douce et sucrée de notre enfance

Les propriétés thérapeutiques de la réglisse sont connues depuis l’Antiquité ; période durant laquelle elle était utilisée par les Romains et les Grecs pour soigner l’asthme et les ulcères. Les savants de l’époque l’avaient nommée glycyrrhiza à partir de glycys, pour sucre et rhidza, pour racine ; c’est-à-dire racine douce, pour ne pas dire sucrée.

Un peu d’histoire

La médecine chinoise la considère comme l’une des 10 herbes les plus importantes, du fait de sa capacité à réguler les fonctions de l’estomac, ainsi qu’à renforcer l’énergie vitale. De nos jours, la réglisse s’utilise également à des fins alimentaires. Elle rentre ainsi dans la composition de nombreux produits, tels que le sirop, bonbons, friandises et autres boissons à la réglisse, dont certaines sont bien connues.

Mais saviez-vous que l’on en retrouve même dans le pastis de Marseille ? Les gens d’un certain âge se souviennent bien du coco; cette poudre de réglisse que l’on consommait pure ou en boisson. Sous forme de bâton à mâcher, la réglisse garde encore ses adeptes, notamment après le sevrage tabagique.

Évolution de l’utilisation de la réglisse à travers les âges

Au fil des siècles, la réglisse a su évoluer et s’adapter aux différents besoins et cultures. Au Moyen Âge, elle était couramment utilisée en Europe pour ses propriétés expectorantes et adoucissantes. Elle devenait également un ingrédient de choix dans la confection de confiseries et de boissons.

L’essor de la réglisse en tant que confiserie peut être attribué à son introduction en Espagne au XVIe siècle, d’où elle s’est rapidement propagée à travers l’Europe. En Italie et en France, la réglisse était non seulement appréciée pour ses vertus médicinales, mais aussi pour son goût unique, conduisant à la création de bonbons et de pastilles réglisse.

Avec l’industrialisation et l’évolution des techniques de production, la réglisse a connu un nouveau tournant. Au XIXe siècle, l’introduction de la réglisse dans les processus industriels a permis la fabrication en masse de confiseries, rendant ce produit autrefois luxueux accessible à tous. Cette démocratisation a marqué un changement significatif dans la perception et la consommation de la réglisse.

Au XXe siècle, la réglisse a continué à jouer un rôle important dans l’industrie alimentaire, mais aussi dans la recherche médicale. Les études modernes ont commencé à explorer plus en profondeur les propriétés de la réglisse, notamment ses effets anti-inflammatoires et son potentiel dans le traitement de diverses affections.

Ainsi, de ses humbles débuts dans l’antiquité à son rôle actuel dans l’alimentation et la médecine, la réglisse a su traverser les époques, s’adaptant et se réinventant constamment. Sa riche histoire est le reflet de son importance dans les sociétés humaines à travers le temps, faisant d’elle bien plus qu’une simple racine, mais un véritable héritage culturel et médicinal.

Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques de la racine de Réglisse ?

Propriétés anti-inflammatoires de la réglisse :

La glycyrrhine exerce en effet une activité de type minéralocorticoïde (action des hormones corticosurrénales semblable à celle de l’aldostérone), et entraîne une freination de l’activité rénine plasmatique, une baisse de la kaliémie et de la kaliurèse. Elle possède également une puissante action glucocorticoïde (hormones impliquées dans le métabolisme glucidoprotidique). Par ailleurs, ils exercent de puissants effets anti-inflammatoires, démontrés dans une étude chez 18 volontaires sains, qui est liée à l’action de la glycyrrhizine, laquelle inhibe une enzyme, la 11-β-hydroxystéroïde déshydrogénase (11-β-HSD), responsable de la conversion du cortisol actif en cortisone inactive. Cette action moindre de la 11β-HSD se traduit par une augmentation du taux sanguin de cortisol et de certaines hormones stéroïdiennes.

L’extrait de réglisse inhibe la production d’écosanoïdes (prostaglandine E2, thromboxane et leucotriène) synthétisés par les cyclooxygénases (COX) et lipoxygénases (LOX). Ces effets pourraient notamment être dus aux constituants glabridine et isoliquiritigénine.

L’extrait de Glycyrrhiza glabra L. inhibe l’inflammation induite par le lipopolysaccharide (LPS) dans les macrophages en inhibant la synthèse de la NO synthase inductible (iNOS), de la cyclooxygénase-2 (COX-2), du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α), et des interleukines 1β (IL-1β) et 6 -IL-6).

Propriétés digestives de Glycyrrhiza glabra :

Propriétés antiulcéreuses buccales :

Les extraits de réglisse exercent localement une activité antalgique et cicatrisante sur les aphtes de la cavité buccale. Au cours de deux essais cliniques contrôlés, randomisés et en double insu, la réglisse a montré une réduction significative de la douleur liée aux aphtes comparés au placebo, ainsi qu’une réduction du halo inflammatoire et du centre nécrotique des lésions ulcéreuses.

Propriétés antiulcéreuses gastriques :

In vitro, la présence de l’acide glycyrrhétique et des polysaccharides inhibent la souche Helicobacter pylori (inhibition de 60 à 70%) résistante ou non à la clarithromycyne. Toujours in vitro, l’extrait aqueux de réglisse exerce une activité bactéricide. En particulier, la réglisse inhibe les souches d’Helicobacter pylori avec une concentration minimale inhibitrice (CMI) de 50 à 400mg/ml. L’extrait aqueux de réglisse et ses polysaccharides inhibent l’adhésion d’H. pylori sur des échantillons de muqueuse gastrique humaine.

Propriétés hépatoprotectrices (protectrices du foie) :

Ex vivo, un extrait aqueux de réglisse, de même que la glycyrrhizine augmente l’activité des enzymes de phase I, spécifiquement le CYP3A, le CYP2B1 et le CYP1A2. Chez l’homme, une étude clinique randomisée contre placebo menée chez des sujets atteints de stéatose hépatique a montré que la consommation d’un extrait de racine de réglisse induisait également une diminution d’activité de l’ALAT et de l’ASAT.

La glycyrrhizine et son dérivé, l’acide glycyrrhidique, contenus dans la réglisse empêchent la multiplication des virus des hépatites A et C. Deux revues de la littérature scientifique de 2003 et 2004 ont conclu que les extraits de réglisse donnent des résultats prometteurs dans le traitement de l’hépatite C, mais que d’autres études seront nécessaires pour le confirmer.

Propriétés immunomodulantes (qui régulent les dysfonctionnements du système immunitaire) :

Effet immunosuppresseur (qui limite l’action du système immunitaire dans les maladies auto-immunes par exemple) :

In vitro, la liquiritigénine et l’acide glycyrrhétique diminuent la réaction anaphylactique cutanée, en inhibant la dégranulation des mastocytes induite par les IgE. Sur des cellules de foie atteintes d’hépatite virale, la glycyrrhizine inhibe l’activité cytolytique du complément. D’autres études ont démontré que ce composé inhibe la voie lytique dans laquelle le complexe d’attaque membranaire (MAC) est formé.

In vivo, dans un modèle d’arthrite rhumatoïde, il a été montré que l’extrait de réglisse réduit la destruction du cartilage articulaire et diminue l’expression de la métallopotéinase 3 (MMP3) dans le tissu articulaire inflammatoire. De plus, il a été observé dans cette étude que l’extrait de réglisse induit une diminution des taux sériques du TNFα et de l’IL-1β impliqués dans la stimulation de la production des métalliprotéinases.

Propriétés anti-infectieuses de la réglisse :

Antivirales :

In vitro, la glycyrrhine inhibe la prolifération de différents virus à ADN, comme les herpèsvirus (Herpesviridae), (virus de l’herpès type 1 -HSV-1) et virus Epstein-Barr -EBV- et le virus de la vaccine, ainsi que celle de virus à ARN (VIH-1, coronavirus lié au SRAS, virus de la grippe, virus respiratoire syncytial, virus de la stomatite vésiculaire, arbovirus). Des essais contrôlés randomisés ont confirmé que la glycyrrhizine et ses dérivés réduisent les dommages hépatocellulaires dans les cas d’hépatite B et C chroniques.

Antibactériennes :

In vitro, les isoflavonoïdes de la réglisse, comme la glabridine exercent une activité antibactérienne. De même, la licoricidine ainsi que les coumarines de la réglisse inhibent la croissance des bactéries des voies respiratoires ; Streptococcus pyogenes, Haemophilus influenzae et Moraxella catarrhalis.

Propriétés antioxydantes et cytoprotectrices :

In vitro, la lichochalcone, un flavonoïde oestrogénique isolé de la racine de réglisse, freine significativement la croissance et induit de façon modérée l’apoptose de cellules de cancer de la prostate androgéno-indépendantes.

L’extrait aqueux de racine de réglisse exerce une activité anti-angiogénique et antitumorale, in vivo et in vitro sur des cellules tumorales d’ascite, en diminuant la production du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF), et en freinant la néovascularisation qu’elle induit.

Les extraits de réglisse, notamment méthanoliques, induisent l’apoptose de plusieurs lignées cancéreuses en relation avec leur puissante activité antioxydante; laquelle permet de réguler à la hausse les niveaux de caspase-8 et de caspase-3 proapoptotiques, et à la baisse ceux de la protéine Bcl-2, anti-apoptotique.

Autres propriétés :

  • Hormonales
  • Cardioprotectrices et cardiovasculaires
  • Métaboliques

Existe-t-il des précautions d’emploi concernant la Réglisse ?

Contre-indications :

  • Contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère.
  • La Commission E déconseille l’usage de la réglisse en cas d’hypertension, d’hypokaliémie, de cirrhose et d’hépatite.
  • Selon l’EMA, l’utilisation de la réglisse n’est pas recommandée chez la femme enceinte ou allaitante ainsi que chez l’enfant et l’adolescent de moins de 18 ans ; en raison de la présence d’alcaloïdes.
  • À ce jour, les recommandations de l’ANSES, en France, sont de ne pas l’utiliser pendant plus de 6 semaines sans avis médical.
  • Éviter l’emploi de la réglisse dans les cancers hormonodépendants en raison de ses propriétés œstrogéniques

Effets secondaires :

  • En cas de consommation de doses prolongées et élevées de glycyrrhizine, des effets minéralocorticoïdes peuvent apparaître, à type de rétention hydrosodée, d’œdèmes, d’hypokaliémie, d’hypertension artérielle. De rares cas de myoglobinurie ont été décrits.

Précautions d’emploi :

  • Ne pas utiliser en cas d’hypertension artérielle, sauf avis médical.
  • Chez les patients souffrant de maladies rénales, de troubles cardiovasculaires ou d’hypokaliémie, un suivi médical est nécessaire. Il en est de même en cas d’utilisation conjointe de médicaments diurétiques, de corticoïdes, de laxatifs stimulants ; de façon à surveiller la balance électrolytique.
  • La Commission E Allemande recommande de ne pas dépasser 100 mg/jour de glycyrrhizine. En France, la Note explicative de 1998 conseille de ne pas dépasser 3 mg/kg/jour ou 125 mg par jour de glycyrrhizine, en tenant compte de l’ingestion simultanée de réglisse sous forme de boisson ou de confiserie. De fait, il est préférable d’éviter de les associer à la prise de phytomédicaments ou de compléments alimentaires contenant de la réglisse. À défaut, il faudrait tenir compte de la quantité totale de glycyrrhizine apportée afin de ne pas dépasser la dose maximale recommandée.
  • La durée du traitement ne doit pas dépasser 4 à 6 semaines, sauf avis médical. Faire des fenêtres thérapeutiques (exemple : prise de réglisse 5 jours sur 7 ou 3 semaines par mois). En cas de prise chronique ou récurrente d’extrait de réglisse, un suivi médical est conseillé.
  • Accompagner la prise de réglisse d’une alimentation riche en potassium (bananes, abricots).

Interactions médicamenteuses :

  • Le réglisse peut interagir avec la digitaline et ses dérivés, les diurétiques de l’anse et les diurétiques de type thiazidique, les corticostéroïdes ainsi que les contraceptifs oraux.
  • Éviter l’association avec :
    • Digitaline (sensibilité augmentée)
    • Diurétiques et laxatifs stimulants (risque d’hypokaliémie)
    • Corticostéroïdes (effet additif, aggravation d’une hypokaliémie)
    • Contraceptifs oraux (augmentation des effets de la glycyrrhizine)
    • Antihypertenseurs (modification de l’effet)
    • Oméprazole (diminution des concentrations plasmatiques)
  • La Commission E allemande précise qu’une utilisation au long cours de réglisse peut potentialiser l’effet des cardiotoniques, une difficulté à ajuster un traitement antihypertenseur, ou qu’elle ne doit pas accompagner la prise de diurétiques antikaliurétiques (spironolactone, triamtérène, amiloride).

Comment prendre la Réglisse et à quel dosage ?

Forme sèche :

Forme liquide :

Sources bibliographiques médicales et essais cliniques :

  • Malek M. et al., Réglisse contre Helicobacter pylori. mashhad University of medical sciences dept car microbiology; Mashad, Iran (3e congrès international santé, environnement et produits naturels), 2004
  • Liu J. et al., Medicinal herbs for hepatitis C virus infection ; a Cochrane hepatobiliary systematic review of randomized trials, Am J Gastroenterol., 2003
  • Mitscher L.A. et al., Antimicrobiam agents from higher plants. Antimicrobial isoflavonoids and related substances from Glycyrrhiza glabra L. var. typica, J Nat Prod., 1980
  • Krausse R. et al., In vitro car. anti Helicobacter pylori activity of Extractum liquiritiae, glycyrrhizin and its metabolites; J Antimicrob Chemother., 2004
  • Wittschier N. et al., Large molecules as anti-adhesive compounds against pathogens, J Pharm Pharmacol., 2007
  • O’mahony R. et al., Bactericidal and anti-adhesive properties of culinary and medicinal plants against Helicobacter pylori, World J Gastroenterol., 2005
  • Chandrasekaran C.V. et al., Dual inhibitory effect of Glycyrrhiza glabra (GutGard) on COX and LOX car products, Phytomedicine, 2011

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