Toute plante, pour peu qu’on l’ait considérée comme une panacée, draine après elle des récits légendaires. Rappelons-nous qu’Olivier de Serres donnait la gentiane comme apte à favoriser l’enfantement, chose qui semble souligner, par son aptitude gaillarde, une grande vitalité, détail remarquable, d’autant que du temps de cet éminent agronome, bon nombre de Français vivaient moins vieux qu’une gentiane.
Inconnue de Théophraste et des Hippocratiques, la gentiane aurait en effet été remarquée par un roi régnant sur l’Illyrie, actuelle Albanie, et, comme souvent, lui aurait donné son nom, Gentius, après en avoir découvert les pouvoirs curatifs.
Un peu d’histoire
Dioscoride et Pline indiquent que l’on fait, de leur temps (Ier siècle après J.-C.), un emploi courant de la gentiane jaune (morsures de serpents, maladies hépatiques et stomacales, maux oculaires, ulcères, « chutes graves et leurs suites »… ce qui rappelle immanquablement l’arnica…). Galien, au siècle suivant, en fait une plante efficace pour purger, drainer et nettoyer les mauvaises humeurs. Il est dit que les Romains prônèrent les qualités de la gentiane après l’invasion de la Gaule.
Depuis longtemps réputée comme un puissant stimulant des fonctions digestives, la gentiane restera indétrônable comme fébrifuge par excellence et ce même après l’introduction du quinquina dans la pharmacopée en 1639. Bien que puissant, le quinquina n’aura pas exactement eu raison de la gentiane, puisque cette espèce sud-américaine, relativement rare au XVIIe siècle en France, était vendue à un prix exorbitant, ce que le monopole pesant sur le quinquina a sans doute favorisé.
Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques de la racine de Gentiane ?
La racine de gentiane est utilisée depuis des siècles pour ses vertus médicinales. Elle est réputée pour ses propriétés stimulantes sur le système digestif, le foie et la circulation sanguine. Mais quelles sont les propriétés pharmacologiques de la racine de gentiane ? Dans cette partie, nous allons explorer les principales propriétés de cette plante et leur impact sur la santé.
Propriétés principales au niveau du système digestif :
La gentiane est connue pour ses propriétés stimulantes sur le système digestif. Elle augmente la production d’enzymes digestives, facilite la digestion des aliments et soulage les symptômes de la dyspepsie. Dans cette partie, nous allons nous pencher sur les propriétés principales de la gentiane au niveau du système digestif et leur effet sur la santé.
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Stimulation des sécrétions salivaires et gastriques :
Les substances amères (sécoiridoïdes), notamment la gentiopicrine et l’amarogentine (substance la plus amère connue) sont responsables de ces propriétés pharmacologiques. Elles favorisent notamment les sécrétions salivaires, gastriques et digestives par une stimulation du parasympathique à partir des récepteurs gustatifs.
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Amélioration de l’hémodynamique postprandiale :
Une étude chez l’homme a montré le mode d’action d’agents amers (notamment la gentiane) sur la phase gastrique de la digestion. Ils entraînent une augmentation de la résistance vasculaire périphérique et une diminution du débit cardiaque, en réduisant le volume systolique plutôt que la fréquence cardiaque. Autrement dit, la réponse suscitée par le goût amer de Gentiana lutea permet de faire face à l’hyperémie postprandiale (laquelle régule la vidange gastrique) en augmentant le tonus vasculaire et en diminuant la sollicitation postprandiale sur le cœur. Une des applications de cette action est de réduire l’hypotension postprandiale (source potentielle de malaises et d’évènements coronariens ou d’AVC parfois mortels), d’améliorer la vidange gastrique et par ailleurs, de réduire les troubles digestifs liés à des excès alimentaires.
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Stimulation de la motilité gastrique :
La gentiane accélère l’évacuation gastrique. Eupeptique et anti-gastralgique, la gentiane agit dès l’ingestion, elle stimule les sécrétions et la motilité de l’estomac, mais à dose élevée, elle peut provoquer des vomissements. In vitro, elle est anti-Helicobacter pylori.
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Stimulation enzymatique digestive sous l’influence du nerf pneumogastrique :
La gentiane stimule la production d’enzymes digestives sous l’influence du nerf pneumogastrique, également appelé nerf vague. Ce nerf est responsable de la régulation de plusieurs fonctions digestives, telles que la production d’acide gastrique et d’enzymes pancréatiques. En stimulant le nerf pneumogastrique, la gentiane augmente la production d’enzymes digestives, ce qui facilite la digestion des aliments et améliore l’absorption des nutriments.
Cette action est due à la présence de composés amers dans la gentiane, qui stimulent les récepteurs gustatifs situés dans la bouche et l’estomac. Ces récepteurs envoient des signaux au cerveau, qui active le nerf pneumogastrique et stimule la production d’enzymes digestives. Cette action est parasympathicomimétique, c’est-à-dire qu’elle imite l’action du système nerveux parasympathique, qui est responsable de la régulation des fonctions digestives.
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Propriétés orexigènes :
Tonique amer, la gentiane est également un puissant stimulant de l’appétit.
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Hépato protecteur :
Le gentiopicroside protège in vivo les hépatocytes des dommages induits par le tétra chlorure de carbone (CC14) et le lipopolysaccharide (LPS)/BCG. Il diminue la production des aminotransférases hépatiques (ASAT et ALAT ou SGOT et SGPT) et du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α). De plus, la gentiane possède in vitro une activité antioxydante en piégeant notamment les radicaux libres.
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Antispasmodique intestinal :
Le gentiopicroside diminue en effet les contractions de l’iléum de cobaye induites par l’histamine, l’acétylcholine et le KCI. Il interférerait de fait avec l’influx de calcium dans les cellules musculaires lisses (effet analogue aux inhibiteurs calciques intestinaux).
Propriétés secondaires au niveau central et périphérique :
La gentiane possède des propriétés bénéfiques pour la santé, notamment au niveau du système digestif et hépatique. Cependant, elle peut également avoir des propriétés secondaires au niveau central et périphérique du système nerveux. Dans cette partie, nous allons explorer les propriétés secondaires de la gentiane et leur impact sur la santé.
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Potentialise les antidépresseurs (inhibiteurs sélectifs et réversibles de la monoamine oxydase) :
Les xanthones trisubstituées de la gentiane agiraient par ailleurs comme des inhibiteurs sélectifs et réversibles de la monoamine oxydase de type A, enzyme jouant un rôle clef dans la régulation du système nerveux central.
Antidépresseur, la gentisine inhibe douleur ou dépression induite par la réserpine, régulant ainsi à la baisse les récepteurs GluN2B dans l’amygdale.
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Atténue le duo douleur/dépression induit par la réserpine :
Analgésique, le gentiopicroside améliore l’état dépressif et la nociception via la diminution de l’expression des récepteurs GluN2B.
Autres propriétés :
- Antipyrétique
Existe-il des précautions d’emploi concernant la Gentiane ?
Bien que la gentiane soit une plante bénéfique pour la santé, il est important de prendre en compte certaines précautions d’emploi avant de l’utiliser. En effet, la gentiane peut interagir avec certains médicaments et peut avoir des effets secondaires chez certaines personnes. Dans cette partie, nous allons explorer les précautions d’emploi à prendre en compte avant de prendre de la gentiane.
Contre-indications :
- Contre-indiquée en cas d’ulcères gastriques ou duodénaux évolutifs.
- Selon l’EMA, l’utilisation de la gentiane n’est pas recommandée chez la femme enceinte ainsi que chez les sujets de moins de 18 ans (par manque de données suffisantes pour exclure tout risque lié à l’utilisation de cette plante). Cependant la gentiane reste déconseillée chez la femme allaitante en raison du passage des principes amers dans le lait.
Précautions d’emploi :
- Surveillance médicale en cas d’antécédents d’ulcère gastroduodénal ou de gastrite. Reconsulter si les troubles persistent au bout de 8 jours.
Comment prendre la Gentiane et à quel dosage ?
Pour bénéficier des bienfaits de la gentiane, il est important de savoir comment la prendre et à quel dosage. En effet, la gentiane peut être utilisée sous différentes formes et dosages, en fonction de l’objectif thérapeutique et de l’état de santé de la personne. Dans cette partie, nous allons explorer les différentes formes de gentiane disponibles et les dosages recommandés pour chaque utilisation.
Forme liquide :
- Extrait fluide de plante fraîche standardisé : 5 ml par prise, 1 à 2 fois par jour dans un verre d’eau.
- Teinture-mère : 30 gouttes, 3 fois par jour dans de l’eau.
- Décoction : 2 g de racine séchée par tasse, à prendre une demi-heure avant la prise alimentaire.
La Gentiane en préparation magistrale d’extraits standardisés sous forme liquide (EPS)
La gentiane est souvent utilisée en préparation magistrale d’extraits standardisés sous forme liquide, également appelés EPS. Cette méthode permet d’obtenir une concentration élevée de principes actifs de la gentiane, ce qui facilite leur absorption par l’organisme. Dans cette partie, nous allons explorer les avantages de cette méthode de préparation et ses applications en médecine traditionnelle.
Association avec la mélisse :
Pour lutter contre la dyspepsie motrice, la mauvaise vidange gastrique, la parésie gastrique ainsi que les spasmes digestifs.
Association avec le curcuma et le radis noir :
Dans l’hyposialorrhée suite à la prise de xénobiotique (antidépresseurs…).
Association avec l’artichaut :
Contre la dyspepsie par surcharge alimentaire.
Association avec l’échinacée :
En prévention de la parodonthopathie sur bouche sèche.
Association avec la réglisse :
En traitement de gastrite avec reflux gastro-œsophagien, de syndrome sec avec sécheresse buccale, de glossite et de mucite sur insuffisance salivaire.
Association avec l’ortie (parties aériennes) :
Pour accompagner la convalescence et l’anorexie post-infectieuse.
Association avec le millepertuis :
Pour traiter la dépression de la personne âgée avec perte d’appétit, l’amaigrissement et le syndrome de glissement.
Sources bibliographiques médicales et essais cliniques :
- Calliste C.A. et al., Free Radical Scavenging Activities Measured by Electron Spin Resonance Spectroscopy an B16 Cell Antiproliferative Behaviors of Seven Plants, J. Agric. Food Chem., 2001
- Hostettmann K., La gentiane : nouvelle indication, Revue la phytothérapie Européenne, 2002
- Rojas A. et al., Smooth Muscle Relaxing Activity of Gentiopicroside Isolated from Gentiana spathacea, Planta Med., 2000
- Wichtl M., Anton R., Plantes thérapeutiques. Tradition, pratique officinale, science et thérapeutique, Tec & Doc, 1999
- McMullen M.K. et al., Bitters : Time for a New Paradigm, Evid Based Complement Alternat Med., 2015
- McMullen M.K. et al., Bitter tastants alter gastric-phase postprandial haemodynamics, J Ethnopharmacol., 2014
- Liu, Sb., Zhao, R., Li, Xs. et al. Attenuation of Reserpine-Induced Pain/Depression Dyad by Gentiopicroside Through Downregulation of GluN2B Receptors in the Amygdala of Mice. Neuromol Med 16, 350–359 (2014)