Le Safran, symbole de richesse et de puissance

Le safran est un crocus atypique en bien des points et dont la renommée n’est plus à faire. Contrairement aux autres crocus, il est le seul pour lequel la floraison soit automnale. La préciosité qui le caractérise le rend tout particulièrement onéreux, et cela depuis la plus haute Antiquité, et remarquable également ; comme je vais maintenant m’exercer à le démontrer.

Un peu d’histoire

4000 ans, c’est à peu près l’âge des plus anciennes traces écrites qui concernent le safran, notamment en Égypte, dans des papyrus datant des XIXe et XVIIIe siècles avant J.-C.. Le papyrus Ebers, moins ancien, relate quant à lui la culture du safran dans les jardins de Louksor, et c’est dans l’histoire plus tardive de l’Égypte (période ptolémaïque) que le safran est convié à la démonstration d’un luxe inouï en matière de parfums, où il côtoie l’encens, la myrrhe, la cannelle, le cinnamome, l’iris et tant d’autres encore, dont certains se destinent à composer le kyphi.

En Grèce, signalé par Hippocrate et Théophraste, le krokos désigne tout autant la plante ; d’un point de vue botanique, que le produit précieux qu’elle élabore par le biais de ses stigmates. Très employé alors en médecine, il a su trouver bien d’autres emplois à travers lesquels il importait surtout d’exposer la richesse et la puissance. Par exemple, Néron et bien d’autres empereurs romains faisaient joncher le sol de safran avant d’y poser leurs pas.

Lors des banquets, nous apprend Lucien, l’on mêlait au vin du safran, ce que Plutarque explique en ce sens : « La fleur du cyprus, le safran, la sauge finissent par endormir les buveurs d’un sommeil tranquille : il s’en dégage un arôme délicat et agréable, qui apaise lentement le désordre et l’agitation dans le corps de ceux qui s’enivrent, de sorte que tous les effets du vin s’atténuent et disparaissent au fur et à mesure que se rétablit le calme ». Après de tels propos de table, le buveur n’avait plus qu’à gagner son lit, s’il le pouvait, sur laquelle on répandait, en période nuptiale, du safran, rappelant la couche olympienne de Zeus et d’Héra, parsemée de safran.

Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des stigmates de Safran ?

Propriétés neuropsychiques :

  • Action antidépressive :

L’efficacité du safran sur les dépressions légères à modérées a fait l’objet de plusieurs études. Celles-ci ont été résumées et analysées dans une métanalyse de 2013, et dans une revue de la littérature de 2014.

Un premier essai réalisé en double aveugle contre placebo a été mené en 2005 sur 35 sujets présentant une dépression selon la classification psychiatrique DSM-IV, d’intensité modérée à sévère. Après 6 semaines de traitement, les sujets ayant pris 30 mg par jour d’extrait éthanolique de safran avaient un score d’Hamilton significativement diminué par rapport au groupe placebo sans plus d’effets indésirables et présentaient une nette amélioration de l’intensité des symptômes dépressifs, passant de modérés-sévères à légers.

Dans deux autres études cliniques de 2004 et 2005, également menées en double aveugle, avec une sélection de patients et un protocole identiques, l’efficacité de ce même extrait a été comparée aux traitements de référence, la fluoxétine, inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (20mg par jour), et l’imipramine, inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine (100 mg par jour). Les résultats ont montré que les améliorations du score d’Hamilton étaient équivalentes chez les sujets ayant reçu l’extrait de stigmates de safran ou les traitements médicamenteux, traduisant ainsi la même efficacité thérapeutique.

L’étude comparative avec la fluoxétine a été reproduite dans un autre essai pilote randomisé en double aveugle mené avec des extraits de pétales de safran et a montré des résultats identiques.

  • Amélioration des troubles cognitifs, notamment chez le sujet âgé et dans la maladie d’Alzheimer :

Chez l’homme, l’effet du safran sur le déclin cognitif a été étudié en 2010 par des chercheurs iraniens chez des sujets de 55 ans et plus, souffrant d’une forme modérée de la maladie d’Alzheimer, par des tests ADAS-cog (= Alzheimer’s Disease Assessment Scale-cognitive-subscale) et CDR (= Clinical Dementia Rating), des épreuves psychométriques qui évaluent des fonctions cognitives comme la mémoire, l’orientation, le langage et les praxies et quantifient le degré de démence.

En 2014, un essai clinique randomisé en double aveugle de comparaison de l’extrait de safran avec la mémantine, un autre médicament anti-Alzheimer, mené chez 68 patients pendant 12 mois, a montré une réduction du déclin cognitif, de manière comparable entre les deux produits, avec un profil de sécurité favorable pour le safran.

  • Autres propriétés neuroprotectrices et neuropsychiques :

Un essai clinique randomisé iranien, mené chez l’homme en 2019, a confirmé les effets neuroprotecteurs à court et à long terme de l’extrait aqueux de safran à la dose de 200mg par jour sur les accidents vasculaires cérébraux ischémiques.

  • Propriétés antinociceptives :

Lors d’un essai clinique en double insu randomisé en 2018, le safran et la duloxétine (un antidépresseur de référence) ont démontré une efficacité comparable dans le traitement des symptômes de la fibromyalgie, notamment sur les symptômes de dépression et sur le niveau de la douleur ressentie.

Amélioration des troubles de la vision liés à l’âge :

Chez l’homme, dans une étude clinique croisée, menée en double aveugle contre placebo en 2010, 25 sujets atteints d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) précoce ont reçu pendant 3 mois un extrait de safran ou un placebo. La fonction rétinienne a été évaluée par un électrorétinogramme focal. Ce test permet d’évaluer la fonction de la rétine centrale par l’amplitude et le seuil de la réponse au signal lumineux. Les résultats ont montré que la prise de 20 mg par jour de safran améliore significativement l’amplitude de la réponse à la stimulation lumineuse tout en diminuant le seuil de perception du signal.

Une revue de la littérature de 2019 confirme le potentiel thérapeutique du safran dans les maladies oculaires ; par exemple : la dégénérescence maculaire liée à l’âge, le glaucome et la maculopathie diabétique.

Amélioration du dysfonctionnement sexuel, notamment chez les patients sous antidépresseurs :

En 2009, une étude ouverte a mis en évidence l’effet positif du safran dans l’amélioration des fonctions sexuelles chez 20 hommes atteints de dysfonctionnements érectiles n’ayant aucun traitement au préalable, après 10 jours de prise de 200 mg par jour d’un extrait aqueux de la plante, composé de safranal et de crocine. Cependant une étude ouverte croisée, randomisée, à doses fixes et croisées comparant l’efficacité et la sécurité du citrate de sildénafil et de safran (à la dose de 30 mg 2 fois par jour) réalisée en 2010 auprès de 346 hommes, n’a pas confirmé cette action sur la fonction érectile.

Dans une autre étude clinique réalisée en double aveugle chez 30 hommes en dépression traitée et stabilisée par la fluoxétine, et présentant des troubles de la fonction sexuelle induits par la molécule; l’effet sur la fonction sexuelle d’un extrait éthanolique de safran standardisé en crocine a été comparé à celui d’un placebo. Au terme des 4 semaines de prise, le groupe ayant reçu 30 mg d’extrait de safran par jour présentait une amélioration significative de la fonction érectile et du niveau de satisfaction des rapports sexuels. Une étude analogue menée chez 38 femmes traitées à la fluoxétine a également montré une réduction des troubles sexuels liés à cette molécule après traitement pendant 4 semaines par 30 mg par jour de safran.

Propriétés cardioprotectrices :

Plusieurs études menées in vivo ont montré que des extraits aqueux de safran ou le safranal seul exercent un effet cardioprotecteur vis-à-vis de l’ischémie/reperfusion ou de l’isoprotérénol; une molécule toxique pour les cellules myocardiques. Cette propriété peut s’expliquer par des actions anti-apoptotiques, antiperoxydante lipidique et antioxydante.

En 2019, une méta-analyse systématique des études publiées concernant l’effet du safran sur les facteurs de risque cardiovasculaires a été menée. Elle a évalué les effets cliniques des extraits de la plante et/ou de ses constituants chez 622 participants. En résulte la réduction significative de la pression artérielle diastolique, du poids corporel, du tour de taille et de la glycémie; ce qui suggère que leur administration pourrait être bénéfique dans les maladies cardiovasculaires.

Propriétés métaboliques :

Chez l’homme, une étude clinique menée en double aveugle contre placebo chez 61 sujets a montré que la prise d’un extrait aqueux de safran ou de crocine diminue significativement le risque de syndrome métabolique lié à la prise d’olanzapine; un médicament antipsychotique. De fait, le safran devient le candidat thérapeutique potentiel pour atténuer les complications du syndrome métabolique; notamment l’hypertension, l’hyperglycémie, l’obésité et la dyslipidémie.

Autres propriétés :

  • Antioxydantes
  • Anti-inflammatoires
  • Anticancéreuses
  • Digestives
  • Action sur le syndrome prémenstruel

Existe-t-il des précautions d’emploi concernant le Safran ?

Toxicité :

  • Des doses massives de safran seraient toxiques (1,5 g et plus). La dose létale est de 20 g.
  • Narcotique à dose élevée.

Contre-indications :

  • Éviter chez la femme enceinte ; en raison du risque abortif, ainsi que chez la femme allaitante (risque de toxicité chez le nourrisson).
  • En raison d’un risque d’hypotension, il est déconseillé d’associer le safran avec un antihypertenseur, sauf avis médical et surveillance clinique.
  • Éviter chez l’enfant et l’adolescent de moins de 18 ans.

Précautions d’emploi :

  • Risque d’inhibition de l’agrégation plaquettaire.

Comment prendre le Safran et à quel dosage ?

Forme sèche :

Sources bibliographiques médicales et essais cliniques :

  • Kashani L. et al., Saffron for treatment of fluoxetine-induced sexual dysfunction in women : randomised double-blind placebo-controlled study, Hum Psychopharmacol., 2013
  • Safarinajad M.R. et al., An open label randomized, fixed-dose ; crossover study comparing efficacy and safety of sildenafil citrate and saffron ; (Crocus sativus Linn.) for treating erectile dysfunction in men naïve to car treatment. Int J Impot Res., 2010
  • Akhondzadeh S. et al., Crocus sativus L. in treatment of mild to moderate depression ; a double-blind, randomized and placebocontrolled trial, Phytother Res., 2005
  • Lopresti A.L. et al., Saffron (Crocus sativus) for depression ; a systematic review car of clinical studies and examination of underlying antidepressant mechanism of action, Hum Psychopharmacol., 2014
  • Hausenblas H.A. et al., Saffron (Crocus sativus L.) and major depressive disorder ; a mata-analysis of randomized clinical trials, J Integr Med., 2013
  • Akhondzadeh S. et al., Comparison of Crocus sativus L. and imipramine in the treatment of mild to moderate depression ; a pilot double-blind randomized trial, BMC Complement Car Altern Med., 2004
  • Noorbala A.A. et al., Hydroalcoholic extract of Crocus sativus L. versus fluoxetine in the treatment of mild to moderate depression ; a double-blind, randomized piot trial, J Ethnopharmacol., 2005
  • Falsini B. et al., Influence of saffron supplementation on retinal flicker sensitivy in early age-related car macular degeneration; Invest Ophtalmol Vis Sci., 2010
  • Shamsa A. et al., Evaluation of Crocus sativus L. (saffron) on male erectile dysfunction : a pilot study, Phytomedicine, 2009
  • Modabbernia A. et al., Effect of saffron car on fluoxetine-induced sexual impairment in men ; randomized double-blind placebo-controlled trial, Psychopharmacology (Berl), 2012
  • Fadai F. et al., Saffron aqueous extract prevents metabolic syndrome in patients with schizophrenia on olanzapine treatment ; a randomized triple blind placebo controlled study, Pharmacopsychiatry, 2014
  • Arkhondzadeh Basti A. et al., Comparison of petal of Crocus sativus L. and fluoxetine in the treatment of depressed outpatients ; a pilot double-blind randomized car trial, Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry, 2007

Laisser un commentaire