Le romarin fleure bon la Provence. Dans notre imaginaire, il côtoie le thym et le serpolet. Sans nul doute, il évoque les bonnes herbes, et son usage s’est imposé d’abord dans l’alimentaire, pour les plaisirs du nez et du palais, avant même que l’on s’aperçoive qu’un repas agrémenté de romarin non seulement se goûte mieux, mais aussi se digère mieux. Il fait ainsi partie du mode de vie méditerranéen, et tout comme le thym, il en symbolise les valeurs.
Un peu d’histoire
Berceau de la civilisation occidentale, le pourtour de la belle bleue est un lieu où il fait bon vivre, malgré les conflits interhumains. Alors qu’au nord de la France, on met du beurre dans les épinards, au sud, on met du romarin dans son gratin, ou sur son barbecue. D’ailleurs, la science confirme la valeur ajoutée de cet usage ancestral ; l’extrait de la plante inhibe la formation des amines hétérocycliques lors de la cuisson de la viande grillée à haute température. Non seulement le romarin protège les cellules de l’œsophage et de l’estomac contre les effets négatifs des protéines alimentaires carbonisées, mais il apporte aussi ses effluves odorants, sa saveur amère eupeptique, et remet en ordre de marche tout l’appareil digestif. Ces seules qualités justifient de planter un spécimen de Rosmarinus officinalis dans son jardin, et d’en posséder alors un extrait dans son armoire à pharmacie.
Le romarin est donc un patrimoine à lui tout seul. C’est en définitive une plante d’avenir; comme l’atteste la multiplication des études scientifiques qui lui découvrent sans cesse de nouvelles propriétés, prometteuses pour la médecine de demain. En même temps, il porte en lui l’histoire des peuples et des civilisations méridionales. Tant d’anecdotes et de souvenirs se rattachent à lui, à travers les époques, depuis l’aube des temps, qu’il défie allègrement. D’ailleurs, les pharaons l’utilisaient pour embaumer les momies, permettant aux enveloppes charnelles d’affronter l’éternité, et qui sait, aux âmes de poursuivre leur périple. Il faut bien la « rose des marins » pour naviguer sur la barque de l’au-delà. Pour autant, elle est sûrement plus utile aux vivants, ce que pensaient les Grecs et les Romains; qui voyaient notamment dans la belle labiée un symbole d’amour et de prospérité.
Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des feuilles et sommités fleuries de Romarin ?
Propriétés hépatiques du romarin :
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Hépatoprotection :
Cet effet du romarin est notamment lié à la fois à la présence d’acide carnosique, de carnosol et d’acide rosmarinique. L’action hépatoprotectrice des deux premiers de ces composés passerait en partie par leur capacité à maintenir et à augmenter l’activité enzymatique du glutathion peroxydase (GPx) et du superoxyde dismutase (SOD), dont l’activité est diminuée en présence d’un toxique.
In vitro, l’extrait de romarin exerce en effet une activité antilipoperoxydante et antihépatotoxique. In vivo, le romarin réduit l’hépatotoxicité aiguë induite par le tétrachlorure de carbone, et empêche partiellement l’inflammation, la nécrose et la vascuilisation, en agissant en tant qu’antioxydant et en améliorant les systèmes de détoxification, dépendants du glutathion-S-transférase (GST). Cette activité est liée au carnosol, qui permet de normaliser la bilirubine plasmatique, réduit le contenu hépatique en malondialdéhyde (MDA), abaisse de 50% l’activité plasmatique de l’alanine-aminotransférase (ALAT=TGP), et prévient partiellement la chute du glycogène et les lésions parenchymateuses dans le foie.
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Détoxication hépatique :
In vitro, l’acide carnosique ainsi que le carnosol sont des activateurs des enzymes de phase II. De plus, l’acide rosmarinique est capable d’activer à la fois des enzymes de phase I (CYP) et des enzymes de phase II (glutathion S-transférase et UDP-glucuronosyltransférase).
Propriétés digestives du romarin :
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Cholérétique et cholagogue :
L’usage du romarin est traditionnellement reconnu pour ses activités cholérétique ainsi que cholagogue.
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Gastroprotectrices :
L’extrait hydroalcoolique de romarin exerce une activité antiulcéreuse in vivo dans des modèles d’ulcères gastriques induits par l’indométacine, l’éthanol et la réserpine.
Propriétés antioxydantes et cytoprotectrices du romarin :
L’acide rosmarinique exerce un effet antioxydant en inhibant la production de monoxyde d’azote (=oxyde nitrique = NO), ainsi que celle de molécule réactive de l’oxygène et de l’azote. Ainsi, dans des macrophages en culture, l’acide rosmarinique prévient les dommages importants causés par le stress oxydant ou par le vieillissement cellulaire. Ce composé inhibe la peroxydation des lipides au niveau des membranes cellulaires.
Au total, l’activité antioxydante de la plante a été également montrée pour ses diterpènes phénoliques (acide carnosique et carnosol et acide 12-O-méthylcarnosique) et ses flavones.
Un travail de recherche de 2019 a pu notamment démontrer que l’utilisation du puissant profil antioxydant des polyphénols des extraits de romarin, associé à un environnement cryogénique utilisant la glace sèche, permet de réduire la peroxydation des lipides, et de maintenir une plus grande capacité à conserver l’eau des produits de type surimi enrichis en acide gras de type oméga 3, lors de leur stockage, aboutissants à une meilleure stabilité physicochimique dans le temps de ces produits.
Ces diterpènes phénoliques ont montré in vitro et in vivo la capacité d’inhiber le cancer de la prostate, en ciblant plusieurs voies de signalisation impliquées dans la modulation du cycle cellulaire et l’apoptose. L’extrait éthanolique de romarin exerce des effets antiprolifératifs sur les cellules de leucémie humaine et de carcinome du sein, en relation avec ses propriétés antioxydantes. D’autres études in vitro ont montré la capacité d’extraits de romarin d’inhiber la croissance de cellules du cancer des ovaires, du côlon, du mélanome.
Propriétés immunitaires et anti-infectieuses :
In vitro, le romarin réduit la production de leucotriène B4 dans les polynucléaires humains et inhibe le complément. L’extrait de feuille de romarin exerce en outre une activité anti-Helicobacter pylori et antifongique (Aspergillus), même à basse concentration.
Propriétés anti-inflammatoires :
L’extrait de romarin est capable d’inhiber la formation de peroxynitrites et de nitrites sur des cellules traitées avec du lipopolysaccharide (LPS) ou de l’interféron gamma (IFN y) en inhibant l’expression de la NO synthase inductible (iNoS). Cet effet serait par conséquent dû à l’inhibition préalable de la voie du facteur nucléaire kappa B (NF-kB), impliqué dans la réponse immunitaire et dans la réponse au stress cellulaire, et au blocage des protéines kinase activées par un mitogène (MAP-K), des enzymes impliquées dans un certain nombre d’évènements de la vie cellulaire, comme la mitose, la différenciation, l’apoptose, ou la survie cellulaire. Ces résultats indiquent en définitive que le romarin serait capable d’induire un mécanisme avantageux dans la protection cellulaire et la résolution de l’inflammation.
Propriétés métaboliques et cardioprotectrices :
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Antidiabétique :
In vitro, la feuille de romarin exerce un effet inhibiteur de la glycation des protéines chez le diabétique. L’extrait de R. officinalis exerce également une activité hypoglycémiante et hépatoprotectrice. Un extrait de romarin utilisé chez des enfants souffrant de diabète de type 1, en combinaison avec des oméga 3 et de la vitamine E, a entraîné une amélioration de leur profil métabolique.
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Hypolipémiant :
Le carnosol, le rosmanol et l’épirosmanol inhibent la peroxydation lipidique ainsi que l’oxydation du cholestérol LDL sanguin. Une revue de la littérature de 2016 précise les mécanismes pharmacologiques du romarin dans la gestion du syndrome métabolique, tel qu’ils sont documentés dans des études in vitro et in vivo. Elle détaille notamment les effets antioxydants, anti-inflammatoires, hypoglycémiants, hypotenseurs, anti-athérosclérotique, antithrombotique, hépatoprotecteur et hypocholestérolémiant significatifs de la plante.
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Vasculoprotecteur :
Chez l’homme, l’extrait de la plante améliore par ailleurs la circulation artérielle chez de jeunes volontaires sains.
Autres propriétés :
- Diurétique
- Antiallergique
- Néphroprotection
- Neuroprotectrice
Existe-t-il des précautions d’emploi concernant le Romarin ?
Contre-indications :
- Selon l’EMA, l’utilisation du romarin (feuilles, sommités fleuries et huile essentielle) n’est pas recommandée chez la femme enceinte et allaitante, ainsi que chez l’enfant de moins de 12 ans, hors usage alimentaire.
- Selon l’EMA, les bains au romarin sont déconseillés en usage local en cas de plaies ouvertes, de lésions cutanées étendues, de dermatose aiguë, d’infection sévère, de troubles circulatoires importants et d’insuffisance cardiaque.
Effets secondaires :
- Des cas d’asthme et de dermatite de contact ont été rapportés avec du romarin ou ses extraits. Lors d’un usage local, il est conseillé chez les sujets à la peau sensible, de faire un test préalable sur une zone restreinte avant d’en faire un usage plus large.
Précautions d’emploi :
- Assurer un suivi médical en cas de calculs biliaires et de pathologie hépatobiliaire.
Comment prendre le Romarin et à quel dosage ?
Forme liquide :
- Extrait fluide de plante fraîche standardisé : 5 ml 2 à 3 fois par jour dans de l’eau.
- Infusion : À raison de 2 à 3 g de feuilles de romarin pour 150 ml d’eau bouillante, pendant 10 min, 1 tasse 2 à 3 fois par jour.
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