Le grand mythologue du XIXe siècle, Angelo de Gubernatis, rapporte que le fait de mêler de la graine d’ortie au son donné aux poules était la garantie d’obtenir beaucoup d’œufs. Mais ce qui semble n’être qu’un rituel propitiatoire s’est révélé tout à fait exact, puisqu’il est aujourd’hui reconnu que la graine d’ortie active la ponte des poules. Dans les pays scandinaves, elle offre un excellent fourrage fournissant trois coupes par an. Chez la vache, l’ortie augmente la lactation ainsi que le taux de lipides dans la crème, ce qui permet d’obtenir un beurre de meilleure qualité. L’ortie améliore donc sensiblement la santé des animaux ainsi que celle de l’homme.
Un peu d’histoire
La proximité de l’homme et de l’ortie durant des siècles ne pouvait que se solder par la découverte progressive de ses propriétés médicinales, sachant que cette plante fut un « légume » dès les temps préhistoriques, régulièrement consommée jusqu’au XVIe siècle au moins. L’ortie élit donc domicile dans tous ces lieux gorgés de nitrates et d’ammoniaque, des zones pourvoyeuses de cette richesse nutritionnelle dont l’ortie sait faire grand cas. Elle apprécie aussi beaucoup la ferraille et elle contribue à débarrasser le sol de son excès de fer car elle élabore l’oxyde de fer, ce même fer qu’elle contient elle-même en grande quantité et qui fait le bénéfice de l’anémié.
Au début du XIXe siècle, l’usage médicinal de l’ortie périclite, mais, contrairement à d’autres plantes, l’ortie saura sortir de cette fâcheuse impasse, au milieu du siècle, sous l’impulsion de Ginestet (1845), de Menicucci (1846) et de Cazin (1850) qui, tous trois, rappellent les vertus hémostatiques et antihémorragiques de l’ortie. Puis, au XXe siècle, la recherche ne faiblit pas, bien au contraire. En 1924, M. Dobreff met en évidence la présence dans l’ortie de sécrétine, analogue à celle de l’épinard.
Dix ans plus tard, les travaux de H. Cremer rendent compte de la fabuleuse capacité qu’a l’ortie d’enrichir l’organisme en globules rouges, ce qui, d’emblée, la place d’égal à égal avec l’épinard. Entre 1929 et 1932, Wasicky constate que l’ortie, prise régulièrement, est capable de faire chuter le taux de glucose sanguin, elle mérite alors d’être qualifiée d’antidiabétique. Enfin, en 1935, W. Ripperger atteste son rôle dans le traitement des affections cutanées, en particulier grâce à ses vertus dépuratives.
Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des feuilles d’Ortie piquante ?
Propriétés anti-inflammatoires :
Les extraits de feuilles d’urtica dioica inhibent la biosynthèse des enzymes de la cascade arachidonique, notamment les cyclooxygénases COX-1 et COX-2, et bloquent ainsi la biosynthèse des prostaglandines et thromboxane.
Un des mécanismes impliqués dans le développement des douleurs articulaires est en effet la surexpression des métalloprotéinases (MMP) présents à la surface des chondrocytes humains. Des études in vitro ont notamment montré que l’ortie était capable de diminuer l’expression des métalloprotéinases MMP1, MMP3 et MMP9 sur ces chondrocytes.
Une autre étude clinique a montré que l’association d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) avec l’extrait d’ortie permettrait de potentialiser l’effet des AINS chez les patients présentant des rhumatismes. Les composés de l’ortie renforceraient ainsi l’action d’inhibition de la synthèse des prostaglandines observée avec les AINS. Cette action anti-inflammatoire de l’ortie passerait par l’inhibition de la transcription du facteur nucléaire kappa B (NF-kB).
Les effets anti-inflammatoires des feuilles d’ortie suggèrent que la plante peut être utile non seulement dans les pathologies inflammatoires aiguës, mais aussi dans les maladies rhumatismales chroniques, en l’occurrence la polyarthrite rhumatoïde.
Propriétés analgésiques :
Outre l’action anti-inflammatoire de la plante, il a été démontré in vivo que les extraits aqueux et hydroalcoolique de feuille d’ortie réduisent en outre de manière significative et dose-dépendante la réponse nociceptive. L’ortie serait capable d’induire un effet dépresseur sur le système nerveux central, et d’entraîner une plus grande résistance à la douleur. Les flavonoïdes, l’acide cafféoyl-malique et l’acide caféique pourraient être responsables de ces propriétés antalgiques.
Propriétés immunomodulantes et anticancéreuses :
Les feuilles d’ortie présentent une activité inhibitrice de l’activation des lymphocytes T. Le développement de la polyarthrite rhumatoïde serait ainsi lié à l’activation de ce type de lymphocytes par les cellules dendritiques (cellules présentatrices de l’antigène) matures. Des études in vitro ont montré que l’ortie était capable de maintenir un phénotype immature des cellules dendritiques, et une diminution de l’expression de molécules co-stimulatrices responsables de l’activation des lymphocytes T.
Une étude in vitro de 2016 a montré que l’acide caféique et l’acide cafféoyl-malique, des composés phénoliques contenus dans les feuilles d’ortie, exercent par conséquent des effets antiprolifératifs et apoptotiques sur des lignées cellulaires de glioblastome cérébral de façon liée à la dose et au temps.
Propriété antioxydante :
In vitro, des études ont montré que l’ortie piquante possède par ailleurs un pouvoir antioxydant important qui peut être attribué à sa capacité à donner des ions hydrogène, à chélater le fer et à capturer les peroxydes d’hydrogène. In vivo, une autre étude a montré que l’ortie diminue la peroxydation lipidique, et augmente l’activité du système de défense antioxydant, jouant ainsi un rôle protecteur contre l’hépatotoxicité. Ces effets seraient liés à la présence de composés phénoliques.
Propriété antiallergique :
Dans les rhinites allergiques, une étude clinique randomisée en double insu contre placebo a montré que l’administration d’ortie dioïque permettrait une amélioration des symptômes après une semaine de traitement.
Une étude in vitro indique que l’effet anti-inflammatoire de l’ortie dioïque passerait par l’inactivation des récepteurs H1 de l’histamine, ainsi que par l’inhibition de la tryptase (enzyme de la dégranulation des mastocytes). U. dioica est également capable d’inhiber les enzymes impliquées dans la formation des prostaglandines telles que la COX-1, la COX-2, et la prostaglandine D2 hématopoïétique synthase (HPGDS).
Propriétés hypoglycémiantes :
Une étude de 2009 confirme in vitro l’effet insulinomimétique de l’ortie, confirmant notamment son effet hypoglycémiant qui serait lié à la réduction de l’absorption intestinale du glucose. Cela a été démontré avec l’extrait aqueux d’Urtica dioica in vivo. Un autre travail a également mis en évidence que l’abaissement de la glycémie induit par les extraits de la feuille est dû à l’augmentation de la sécrétion d’insuline par les îlots de Langerhans au niveau du pancréas.
Autres propriétés :
- Cardiovasculaires
- Gastro protection
- Activité anti-infectieuse
Existe-il des précautions d’emploi concernant les feuilles d’Ortie ?
Contre-indications :
- Contre-indiquée en cas de situations médicales nécessitant une réduction des apports liquidiens (exemple : maladie cardiaque ou rénale sévère).
- Selon l’EMA, l’utilisation de l’ortie piquante n’est pas recommandée chez la femme enceinte ou allaitante
- Contre-indiquée chez les sujets de moins de 12 ans
Comment prendre les feuilles d’Ortie et à quel dosage ?
Forme sèche :
Forme liquide :
- Extrait fluide de plante fraîche standardisé : 5 à 10 ml par jour dans un verre d’eau.
- Suspension intégrale de plante fraîche : 5 à 15 ml par jour dans de l’eau.
- Extrait hydroalcoolique, teinture-mère : 20 à 30 gouttes, 2 à 3 fois par jour dans de l’eau ou du jus de fruit, en fonction de la douleur.
- Tisanes : infuser 1 c. à soupe de feuilles séchées, dans 150 ml d’eau bouillante pendant 10 minutes, 2 à 3 tasses par jour.
Les feuilles d’Ortie en préparation magistrale d’extraits standardisés sous forme liquide (EPS)
Association avec le cassis 1/3 pour 2/3 d’ortie P.A. :
Pour lutter contre la déminéralisation et l’asthénie, notamment dans un contexte de ferritine basse.
Association avec la prêle :
Dans les troubles de la minéralisation (fractures, ostéopénie, ostéoporose…), notamment chez des patientes aux antécédents de cancer hormonodépendant, plus particulièrement en cas d’hormonothérapie après cancer du sein; dystrophie de croissance chez l’enfant et l’adolescent; convalescence post-infectieuse (notamment chez l’enfant), post-partum, post-traumatique.
Association avec ginseng et le chardon-Marie :
Contre l’asthénie et les douleurs arthrosiques dans un contexte de surcharge pondérale, d’obésité, d’insulinorésistance, de syndrome métabolique ou de diabète.
Association avec la scrofulaire et le saule :
En prévention de la polyarthrite rhumatoïde, de l’arthrite douloureuse, notamment dans un contexte de déminéralisation ou d’auto-immunité.
Sources bibliographiques médicales et essais cliniques :
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