La Grande Ortie, légume des temps préhistoriques

Le mythologue du XIXe siècle Angelo de Gubernatis rapporte un fait intéressant. Selon lui, mélanger de la graine d’ortie au son donné aux poules augmentait la production d’œufs. Ce qui paraissait être un simple rituel propitiatoire s’est avéré vrai. En effet, il est aujourd’hui reconnu que la graine d’ortie stimule la ponte des poules. Dans les pays scandinaves, elle offre un excellent fourrage fournissant trois coupes par an. Chez la vache, l’ortie augmente la lactation ainsi que le taux de lipides dans la crème. Cela permet d’obtenir un beurre de meilleure qualité. L’ortie améliore donc sensiblement la santé des animaux ainsi que celle de l’homme.

Qu’est ce que la grande ortie ?

La Grande ortie, connue aussi sous les noms d’Ortie dioïque ou commune, appartient à la famille des Urticaceae. Originaire d’Eurasie, elle est répandue dans le monde entier. Connue pour son caractère urticant, elle est utilisée dans l’alimentation, ainsi que dans les domaines agricole, industriel et médicinal. Ses fleurs unisexuées, soit sur différents pieds soit rarement sur le même, aident à comprendre la séparation sexuelle chez les plantes. Victor Hugo a souligné son utilité dans « Les Misérables », la valorisant comme source de nourriture, fibre et fourrage.

La plante, mesurant généralement entre 90 cm et 2,7 m, forme des peuplements grâce à ses longs rhizomes. Tous ses organes sont couverts de poils urticants et souples. La densité de ces poils varie en fonction de l’exposition à des agressions extérieures. Les tiges quadrangulaires et les feuilles vert foncé, ovales à lancéolées, sont dotées de fortes dents triangulaires. Les rhizomes contiennent divers composés bénéfiques.

Répandue en Amérique du Nord et plus commune en Europe du Nord, la Grande ortie préfère les sols riches en nutriments. Elle se développe souvent dans les friches, prairies et près des habitations. Elle utilise la reproduction sexuelle pour coloniser de nouveaux sites, formant ensuite des populations clonales unisexuées par multiplication végétative.

On considère la Grande ortie comme une espèce non préoccupante en termes de menaces. En phytothérapie, on utilise ses feuilles et racines séchées pour traiter divers maux, notamment les troubles urinaires et arthrosiques. On emploie également ces mêmes parties de la plante pour réduire la sécrétion de sébum en cas de peau grasse ou d’acné.

Traditionnellement, on a utilisé l’ortie pour traiter divers troubles, y compris les problèmes de sommeil, la perte d’appétit, la fatigue et la rhinite allergique. Riche en sels minéraux, elle entre dans la composition de produits cosmétiques pour les cheveux et les ongles.

Un peu d’histoire

L’homme a côtoyé l’ortie pendant des siècles, ce qui a mené à la découverte de ses propriétés médicinales. Depuis la préhistoire, on utilisait cette plante comme un « légume », sa consommation s’étendant jusqu’au XVIe siècle au moins. L’ortie se développe dans des lieux riches en nitrates et en ammoniaque, profitant de cette abondance nutritionnelle. Elle se trouve souvent près des ferrailles et aide à réduire l’excès de fer dans le sol en élaborant de l’oxyde de fer. Contenant elle-même une grande quantité de fer, l’ortie bénéficie aux personnes souffrant d’anémie.

Au début du XIXe siècle, l’usage médicinal de l’ortie périclite, mais, contrairement à d’autres plantes, l’ortie saura sortir de cette fâcheuse impasse, au milieu du siècle, sous l’impulsion de Ginestet (1845), de Menicucci (1846) et de Cazin (1850) qui, tous trois, rappellent les vertus hémostatiques et antihémorragiques de l’ortie. Puis, au XXe siècle, la recherche ne faiblit pas, bien au contraire. En 1924, M. Dobreff met en évidence la présence dans l’ortie de sécrétine, analogue à celle de l’épinard.

Dix ans plus tard, les travaux de H. Cremer rendent compte de la fabuleuse capacité qu’a l’ortie d’enrichir l’organisme en globules rouges, ce qui, d’emblée, la place d’égal à égal avec l’épinard. Entre 1929 et 1932, Wasicky constate que l’ortie, prise régulièrement, est capable de faire chuter le taux de glucose sanguin, elle mérite alors d’être qualifiée d’antidiabétique. Enfin, en 1935, W. Ripperger atteste son rôle dans le traitement des affections cutanées, en particulier grâce à ses vertus dépuratives.

Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des feuilles d’Ortie piquante ?

Les feuilles de la Grande ortie sont riches en protéines, flavonoïdes, sels minéraux (calcium, potassium, silice), vitamines A et C, et acides-phénols (acide caféique, acide caféyl-malique, acide chlorogénique). Elles contiennent aussi du scopolétol, sitostérol, ainsi que des glycoprotéines, lipides, sucres et acides aminés libres. Les racines de la Grande ortie renferment des polysaccharides, une lectine, de nombreux composés phénoliques, des lignanes et des stérols comme le sitostérol.

L’action urticante est due au liquide dans la base des poils, comprenant des acides formiques, de l’histamine, de l’acétylcholine, de la sérotonine et des leucotriènes. Cela provoque un prurit, un érythème et une sensation de brûlure. En dépit de son caractère urticant, l’ortie est inoffensive et même bénéfique pour la santé.

Les préparations phytothérapeutiques courantes incluent la poudre sèche, l’extrait sec, les infusions, décoctions et sucs frais. Les teneurs en principes actifs des feuilles ou racines varient selon le stade de développement de la plante, le lieu et la saison de récolte. Les feuilles, plus riches en principes actifs que les tiges, possèdent des propriétés anti-inflammatoires. Les racines, avec leurs lectines, tanins, glycanes et lignanes, ont des propriétés estrogéniques potentiellement utiles contre les problèmes de prostate.

Propriétés anti-inflammatoires

Les extraits de feuilles d’Urtica dioica sont connus pour inhiber la biosynthèse des enzymes de la cascade arachidonique, en particulier les cyclooxygénases COX-1 et COX-2. Cette action bloque la production de prostaglandines et de thromboxane, jouant un rôle clé dans le développement des douleurs articulaires. Les études in vitro ont révélé que l’ortie réduit l’expression des métalloprotéinases MMP1, MMP3, et MMP9 sur les chondrocytes humains, impliqués dans les douleurs articulaires.

L’efficacité de l’ortie est amplifiée lorsqu’elle est associée à un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). Cette combinaison renforce l’inhibition de la synthèse des prostaglandines par les AINS, grâce à l’inhibition de la transcription du facteur nucléaire kappa B (NF-kB).

Outre son action anti-inflammatoire, l’ortie présente un potentiel dans le traitement des maladies rhumatismales chroniques, comme la polyarthrite rhumatoïde. Les dérivés de l’acide caféique et les extraits hydroalcooliques d’ortie inhibent la biosynthèse des métabolites de l’acide arachidonique, des leucotriènes et des prostaglandines, avec un effet partiel sur la synthèse de la 5-lipooxygénase et du leukotriène B4.

L’ortie agit également sur le facteur TNF-α (Tumor Necrosis Factor), l’interleukine-1β produite par les chondrocytes, et exerce un effet inhibiteur sur le PAF (Platelet Activating Factor) des neutrophiles. Une étude ex vivo in vitro a confirmé la réduction de la sécrétion des cytokines proinflammatoires. L’ortie empêche la dégradation de la sous-unité Ikappa-Bα, inhibant ainsi l’activation du NF-kappaB et la promotion des gènes inflammatoires.

Une étude de 2013 a révélé que les effets bénéfiques de l’ortie sur les maladies inflammatoires et la polyarthrite rhumatoïde proviennent de l’acide caféique, des flavonoïdes, des polyphénols et d’une forte teneur en silicium. Ce dernier répare l’élastine dans les tissus, favorise la fixation d’éléments essentiels pour la réparation des articulations. Il s’oppose également à l’action de l’élastase, aidant ainsi à combattre les effets de l’inflammation.

Propriétés analgésiques

Les extraits aqueux et hydroalcooliques de feuille d’ortie ont prouvé in vivo leur capacité à réduire significativement la réponse nociceptive de manière dose-dépendante. Ils exercent un effet dépresseur sur le système nerveux central, augmentant la résistance à la douleur. Les flavonoïdes, l’acide cafféoyl-malique et l’acide caféique seraient les principaux responsables de ces propriétés antalgiques.

En plus de son rôle dans le traitement des maladies rhumatismales par son action anti-inflammatoire, l’ortie soulage également la douleur. Elle est particulièrement efficace dans les cas d’arthrose. L’application de feuilles d’ortie fraîches, un révulsif traditionnel, a prouvé son efficacité dans le traitement de diverses affections douloureuses. Ces affections incluent l’arthrose, les lombalgies, la sciatique, les tendinites chroniques et les entorses. Cette application est sans risque majeur, sauf en cas d’allergie à la plante.

Des études chez le rat et la souris ont montré que l’administration d’extraits aqueux de feuilles diminue leur motilité et possède un effet analgésique en réduisant la sensibilité à la douleur. L’application locale sur la queue de rat chauffée a confirmé cet effet. Le mécanisme de cet effet antalgique est lié à l’impact sur la cascade arachidonique, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour une compréhension complète.

Plusieurs études cliniques ont examiné l’effet analgésique de l’ortie :

  • Étude de Ramm et Hansen (1995) : 152 patients ont pris 1,54 g d’extrait sec de feuilles d’Urtica dioica par jour pendant 3 semaines, aboutissant à une amélioration subjective des symptômes rhumatismaux chez 70 % des sujets.
  • Étude de Chrubasik et al. (1997) : chez 40 patients souffrant d’arthrite aiguë, l’association de diclofénac avec des feuilles d’Urtica dioica a montré une efficacité comparable à une dose plus élevée de diclofénac seul.
  • Étude de Randall et al. (2008) : dans le traitement de la douleur chronique au genou, l’application de feuilles d’Urtica dioica a réduit davantage la douleur que le placebo.

Propriétés immunomodulantes et anticancéreuses

Les feuilles d’ortie inhibent l’activation des lymphocytes T, liée au développement de la polyarthrite rhumatoïde. Les études in vitro indiquent que l’ortie maintient un état immature des cellules dendritiques et diminue l’expression des molécules co-stimulatrices nécessaires à l’activation des lymphocytes T.

Une étude in vitro de 2016 a révélé que l’acide caféique et l’acide cafféoyl-malique de l’ortie ont des effets antiprolifératifs et apoptotiques sur les cellules de glioblastome cérébral. Ces effets varient selon la dose et le temps. En 2003, une autre recherche a mis en évidence l’activité immunomodulatrice de la fraction flavonoïque de l’ortie. Cette fraction inclut le rutinoside de quercétine, le rutinoside de kaemphérol, et l’isorhamnetine-3-O-glucoside. Ces flavonoïdes stimulent la prolifération des lymphocytes et inhibent la production de NO (oxyde nitrique). Ils contribuent ainsi aux effets anti-inflammatoires et immunostimulants de l’ortie.

Gulsel Kavalali a démontré que l’extrait aqueux d’Urtica dioïca agit sur les cellules leucémiques chez la souris. Il présente également une forte activité dans la culture de myélomesPar ailleurs, Durak a mis en évidence l’activité inhibitrice de l’adénosine désamine d’un extrait aqueux de feuilles sur le tissu prostatique de patients atteints de cancer de la prostate. Ces découvertes suggèrent un potentiel pour le développement de nouvelles thérapeutiques contre le cancer.

On a isolé des composés de l’extrait méthanolique des parties aériennes d’Urtica dioïca. Parmi eux, la quercétine-3-O-rutinoside, le kaempherol-3-O-rutinoside, et l’isorhamnétine-3-O-glucoside se sont identifiés. Ces composés ont démontré une activité immunostimulante significative. De plus, l’extrait aqueux d’Urtica dioïca stimule la prolifération des lymphocytes T. Il réduit également la production de NO dans les macrophages. Ces résultats indiquent un potentiel effet immunostimulateur de l’extrait.

Leur effet eupeptique, légèrement astringent grâce aux tanins, améliore l’absorption intestinale et pourrait prévenir des maladies chroniques du côlon. Enfin, les propriétés antimicrobiennes de l’ortie sont efficaces contre plusieurs pathogènes, y compris Streptococcus faecalis et Escherichia coli, suggérant un usage potentiellement prophylactique.

Propriété antioxydante

Des études in vitro ont montré que l’ortie piquante a un pouvoir antioxydant significatif. Ce pouvoir vient de sa capacité à donner des ions hydrogène, à chélater le fer et à capturer les peroxydes d’hydrogène. In vivo, une étude a révélé que l’ortie réduit la peroxydation lipidique. Elle augmente également l’activité du système de défense antioxydant. Ainsi, elle offre une protection contre l’hépatotoxicité. Ces effets sont principalement dus à la présence de composés phénoliques dans la plante.

Une étude réalisée sur des rats Wistar a révélé qu’un régime complémentaire à base d’ortie, combiné à une activité physique telle que la nage, protège leur cerveau. Ce régime diminue les niveaux d’espèces réactives à l’oxygène et augmente l’activité de liaison de l’ADN par NF-kappa B.

L’extrait aqueux d’ortie (EAO) présente des propriétés antioxydante, antimicrobienne, anti-ulcère et analgésique. Les propriétés antioxydantes de l’EAO (extrait aqueux d’ortie) se sont évaluées par divers tests. Ces tests incluent le pouvoir réducteur, la capacité de piéger les radicaux libres, les anions superoxydes, le peroxyde d’hydrogène, et l’activité de chélation des métaux. Des concentrations de 50, 100 et 250 microgrammes d’EAO ont inhibé respectivement 39, 66 et 98 % de la peroxydation de l’émulsion d’acide linoléique. Ces résultats surpassent les 30 % d’inhibition obtenus avec 60 microgrammes/ml d’alpha tocophérol.

Par ailleurs, l’EAO a montré une activité antimicrobienne contre neuf micro-organismes. Il a également une activité anti-ulcère efficace contre des ulcères induits par l’éthanol. il possède un effet analgésique notable sur l’étirement induit par acide acétique. Les composés phénoliques totaux de l’EAO se sont identifiés comme des équivalents du pyrocatéchol. Cela confirme son potentiel antioxydant par rapport à des antioxydants standards comme le butylhydroxyanisol (BHA), le butylhydroxytoluène (BHT), la quercétine, et l’alpha tocophérol.

Propriété antiallergique

Dans les rhinites allergiques, une étude clinique randomisée en double insu contre placebo a montré que l’administration d’ortie dioïque permettrait une amélioration des symptômes après une semaine de traitement.

Une étude in vitro a révélé que l’effet anti-inflammatoire de l’ortie dioïque (U. dioica) passe par l’inactivation des récepteurs H1 de l’histamine. Elle inhibe aussi la tryptase, une enzyme cruciale dans la dégranulation des mastocytes. L’ortie a la capacité d’inhiber des enzymes importantes dans la formation des prostaglandines. Ces enzymes incluent la COX-1, la COX-2, et la prostaglandine D2 hématopoïétique synthase (HPGDS).

Dans le contexte des allergies saisonnières, l’ortie joue un rôle clé. Elle bloque plusieurs événements inflammatoires. Son action se manifeste en tant qu’antagoniste du récepteur H1 de l’histamine. Elle inhibe également la tryptase des mastocytes. Cette action réduit la libération de médiateurs pro-inflammatoires. Ces médiateurs sont responsables des symptômes du rhume des foins, tels que les éternuements, larmoiements, démangeaisons, et congestion nasale. On note aussi l’inhibition de l’enzyme HPGDS. Cette enzyme joue un rôle essentiel dans la voie inflammatoire pour la synthèse de la prostaglandine D2. Cela souligne l’importance de l’ortie dans le traitement des maladies allergiques.

En 1990, Mittman a mené une étude randomisée en double-aveugle sur 88 patients. Cette étude a comparé les effets d’une préparation lyophilisée d’Urtica dioïca à un placebo pour la rhinite allergique. Parmi les participants, 69 ont terminé l’étude. Elle reposait sur une évaluation journalière des symptômes et la réponse globale après une semaine de traitement. Les résultats ont montré que la préparation d’Urtica dioïca était plus efficace que le placebo pour soulager les symptômes de la rhinite allergique.

Dans une étude de 2013 menée par Sayin et al., l’objectif était de mesurer la prévalence des traitements à base de plantes pour la rhinite allergique. Parmi les 230 patients inclus, 37,3 % ont indiqué utiliser des produits naturels à base de plantes, y compris l’ortie (Urtica dioïca), pour soulager leurs symptômes.

Propriétés hypoglycémiantes

Une étude de 2009 a confirmé in vitro l’effet insulinomimétique de l’ortie. Elle a mis en évidence son impact hypoglycémiant, dû à la réduction de l’absorption intestinale du glucose. Cette action s’est également démontrée in vivo avec l’extrait aqueux d’Urtica dioica. Une autre étude a révélé que la diminution de la glycémie provoquée par les extraits de feuille résulte d’une augmentation de la sécrétion d’insuline par les îlots de Langerhans du pancréas. Dès le Moyen-Âge, Avicenne mentionnait déjà l’usage de l’ortie dans la prise en charge du diabète.

En 2003, une étude a déterminé que l’extrait aqueux d’ortie ne provoque pas d’activité hypoglycémiante directe. Il a plutôt un effet anti-hyperglycémiant, réduisant l’absorption du glucose au niveau intestinal. Les résultats ont indiqué que dans le cas de diabète induit par l’alloxane chez le rat, un modèle avec hypo-insulinémie, l’extrait d’ortie agit sur l’homéostasie du glucose de manière extra-pancréatique. Cela nécessite la présence d’insuline pour son activité hypoglycémiante.

L’étude a aussi montré que l’ortie inhibe significativement l’absorption de glucose dans l’intestin grêle du rat anesthésié. Cela suggère un mécanisme par lequel cet extrait peut réguler l’homéostasie du glucose.

Des recherches plus récentes ont clarifié les mécanismes d’action de l’ortie. Elle agit en inhibant l’α-amylase, une enzyme pancréatique clé dans l’absorption du glucose, et exerce un effet agoniste sur les PPARγ (Récepteurs Activés par les Proliférateurs de Peroxysomes), des récepteurs nucléaires impliqués dans le métabolisme et l’adipogenèse.

Autres propriétés

Les données actuelles sur l’effet diurétique de l’ortie sont limitées et son mécanisme d’action reste inconnu. Des études ont cependant démontré que l’ortie favorise la diurèse, augmentant l’élimination des chlorures et de l’urée. De ce fait, les praticiens emploient l’ortie pour traiter les troubles de la miction. Son usage dans le traitement des œdèmes liés à l’insuffisance cardiaque ou rénale n’est cependant pas établi.

Une étude sur des animaux a révélé que l’injection d’un extrait aqueux de feuilles d’ortie stimule la production d’urine. Elle augmente l’excrétion de sodium et diminue la tension artérielle. Cet effet ne se manifeste pas lors de l’administration orale de l’extrait.

Des études sur le cœur et l’aorte de rat ont montré que l’extrait aqueux de feuilles d’orties a un effet préventif contre la thrombose artérielle et l’athérosclérose. Cet effet résulte de l’action inhibitrice de l’agrégation plaquettaire due aux flavonoïdes. D’autres recherches ont révélé que l’extrait d’ortie agit comme vasodilatateur. Il stimule la libération de NO endothélial et ouvre les canaux potassiques, entraînant un effet hypotenseur temporaire.

Une étude menée sur des rats a mis en évidence les effets hypolipidémiants et hypocholestérolémiants de l’extrait aqueux d’ortie. Cette recherche a confirmé l’absence de dommages au foie, comme le prouve l’évaluation des transaminases et de la LDH.

En 2006, une étude d’Avci et al. a analysé les extraits éthanoliques et aqueux de cinq espèces de plantes, y compris l’ortie, pour leurs activités antihypercholestérolémiantes et antioxydantes. Les extraits éthanoliques de certaines plantes ont réduit le cholestérol sérique chez les souris. Ils ont augmenté le HDL-cholestérol et diminué le LDL-cholestérol, sans causer de lésions gastriques.

Ces résultats suggèrent un rôle potentiellement bénéfique de l’ortie dans la gestion des troubles urinaires et cardiovasculaires, ainsi que dans l’amélioration du profil lipidique. Toutefois, il est nécessaire de réaliser davantage de recherches pour comprendre précisément son mécanisme d’action.

Qu’en pense les autorités de santé ?

De nombreuses études cliniques ont évalué les propriétés thérapeutiques de l’ortie, impliquant un grand nombre de patients. Les propriétés diurétiques des feuilles ont fait l’objet d’au moins cinq essais cliniques sur plus de 10 000 patients. Malheureusement, l’absence de placebo dans ces études et les résultats incertains n’apportent pas de preuve formelle de cet effet diurétique.

De même, une demi-douzaine d’essais sur les effets de la racine d’ortie sur l’adénome de la prostate, impliquant plus de 16 000 hommes, souffrent de faiblesses méthodologiques. Ces études suggèrent une efficacité, mais sans preuves scientifiques concluantes.

Une petite étude contre placebo indique une efficacité potentielle des feuilles d’ortie contre la rhinite allergique. Cependant, aucun essai ne justifie son utilisation pour améliorer l’aspect des cheveux et ongles ou soulager les douleurs articulaires.

Avis des autorités de santé :

  • EMA : L’Agence européenne du médicament reconnaît l’usage traditionnel des feuilles d’ortie comme diurétique et pour les douleurs articulaires et la séborrhée. Toutefois, elle ne qualifie pas l’utilisation de la racine pour l’HBP, faute de preuves concluantes.
  • OMS : L’Organisation mondiale de la santé reconnaît l’utilisation clinique de la racine d’ortie. Elle est utile pour les problèmes d’émission d’urine liés à l’HBP (Hyperplasie Bénigne de la Prostate) légère à modérée. L’OMS reconnaît aussi son usage traditionnel comme diurétique et pour les douleurs rhumatismales.
  • Commission E : Cette entité valide l’emploi des feuilles d’ortie pour traiter les douleurs articulaires et les infections urinaires. Elle approuve également l’utilisation de la racine d’ortie pour les troubles de la prostate mineurs ou modérés.
  • ESCOP : Elle reconnaît l’utilisation des feuilles d’ortie pour l’arthrose et comme diurétique dans les infections urinaires. On admet l’usage de la racine pour les problèmes urinaires liés à des troubles prostatiques mineurs ou modérés.

Existe-il des précautions d’emploi concernant les feuilles d’Ortie ?

On contre-indique l’ortie dans les situations médicales qui exigent une réduction des apports liquidiens, notamment en cas de maladies cardiaques ou rénales sévères. L’EMA déconseille son utilisation chez les femmes enceintes ou allaitantes. De plus, on ne recommande pas l’ortie pour les enfants de moins de 12 ans. La durée d’utilisation recommandée varie selon la pathologie : 4 semaines pour les troubles rhumatismaux et 2 à 4 semaines pour les troubles urinaires. En cas de persistance des symptômes, une consultation médicale est nécessaire.

On proscrit la thérapie par drainage avec l’ortie en cas d’œdème consécutif à une insuffisance cardiaque ou rénale. On déconseille l’usage de l’ortie chez les enfants de moins de 12 ans. Les patients hypertendus ou diabétiques doivent consulter un médecin avant de l’utiliser. Il ne faut pas utiliser les préparations à base d’ortie pour le traitement de l’arthrite aigüe. On évite également son utilisation en cas de symptômes sévères tels que douleurs articulaires, gonflement, rougeurs, fièvre ou aggravation des symptômes urinaires.

Bien qu’aucune interaction spécifique n’ait été répertoriée, on recommande la prudence pour les patients sous anticoagulants oraux. Cette précaution est due à la haute teneur en vitamine K de l’ortie. On déconseille également l’utilisation conjointe de diurétiques de synthèse. L’utilisation de l’ortie pendant la grossesse et l’allaitement n’est pas recommandée, faute de données suffisantes et en raison de son potentiel effet sur l’activité utérine.

Aucune étude n’a évalué l’effet de l’ortie sur la capacité à conduire ou à utiliser des machines. On a signalé de rares cas de réactions allergiques et de troubles gastro-intestinaux. La fréquence de ces effets indésirables n’est pas clairement établie. On considère la toxicité aigüe de l’ortie comme faible, avec une DL50 élevée chez la souris, réduisant ainsi le risque de surdosage aux doses thérapeutiques.

Comment prendre les feuilles d’Ortie et à quel dosage ?

Les feuilles et racines d’ortie se trouvent sous différentes formes : plante séchée, gélules de poudre sèche, et extraits secs ou liquides. Parfois, l’ortie s’utilise en jus frais ou en bouillie appliquée sur la peau.

Pour soulager les douleurs articulaires, une méthode traditionnelle implique de frotter l’articulation avec des feuilles d’ortie fraîche. En cas d’utilisation de l’ortie comme diurétique, il est important de boire au moins deux litres d’eau par jour. Pour les hommes ayant des difficultés urinaires, l’utilisation de la racine d’ortie doit toujours être précédée d’une consultation médicale. Son emploi doit compléter un traitement médical et s’assurer de l’absence de cancer de la prostate.

Les feuilles d’Ortie en préparation magistrale d’extraits standardisés sous forme liquide (EPS)

Les formulations phytothérapeutiques connues sous le nom d’Extraits de Plantes fraîches Standardisés (EPS) suivent le procédé d’extraction Phytostandard. Le pharmacologiste Daniel Jean a développé ce procédé dans les années 1990. La commercialisation de ces extraits a débuté au début des années 2000. L’EPS est classé comme médicament de plante en raison de son action pharmacologique. Il sert de matière première pour des préparations magistrales en officine, acquérant de ce fait une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM).

  • Association avec le cassis 1/3 pour 2/3 d’ortie P.A. : Pour lutter contre la déminéralisation et l’asthénie, notamment dans un contexte de ferritine basse.
  • Association avec la prêle : Dans les troubles de la minéralisation (fractures, ostéopénie, ostéoporose…), notamment chez des patientes aux antécédents de cancer hormonodépendant, plus particulièrement en cas d’hormonothérapie après cancer du sein; dystrophie de croissance chez l’enfant et l’adolescent; convalescence post-infectieuse (notamment chez l’enfant), post-partum, post-traumatique.
  • Association avec ginseng et le chardon-Marie : Contre l’asthénie et les douleurs arthrosiques dans un contexte de surcharge pondérale, d’obésité, d’insulinorésistance, de syndrome métabolique ou de diabète.
  • Association avec la scrofulaire et le saule : En prévention de la polyarthrite rhumatoïde, de l’arthrite douloureuse, notamment dans un contexte de déminéralisation ou d’auto-immunité.

Sources

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  • Chrubasik S. et al., Evidence for antirheumatic effectiveness of Herba Urticae dioicae in acute arthritis a pilot study. Phytomedicine, 1997
  • Riehemann K. et al.; Plant extracts from stinging nettle (Urtica dioica), an antirheumatic remedy, inhibit the proinflammatory transcription factor NF-kappaB, FEBS Lett., 1999
  • Gülçin I. et al., Antioxidant, antimicrobial, anti-ulcer and analgesic activities of nettle (Urtica dioica L.), J. Ethnopharmacol., 2004
  • Mittman P., Randomized, double-blind study of freeze-dried Urtica dioica in the treatment of allergic rhinitis, Planta Med, 1990
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  • Bnouham M. et al., Antihyperglycemic activity of the aqueous extract of Urtica dioica, Fitoterapia, 2003
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