L’Artichaut, l’épineux terrestre, descendant du Cardon

Le mot artichaut s’explique par une étymologie d’origine arabe « ardi chouk », qui signifie : « épineux terrestre », repris et transformé par le terme lombard « articiocco ». Mais à ce moment, nous sommes encore loin de la Lombardie. Pourtant, le futur artichaut, cardon en transformation, en prend doucement le chemin et gagne le royaume de Naples au XVe siècle, puis de là transite par Florence où l’on signale sa présence en 1466, et à Venise sept années plus tard.

Qu’est ce que l’Artichaut ?

L’artichaut, connu sous le nom de articioc en lombard ancien, dérive de l’arabe al kharchouf. En anglais, il devient artichoke, et en allemand, Artischoke. Les mots espagnols alcachofa et portugais alcachofra proviennent également de l’arabe. Bien que articiocca soit une forme régionale en Lombardie, carciofo est le terme toscan majoritairement utilisé en Italie.

Introduit en France pendant la Renaissance, on trouve le terme artichault en 1538 dans le Dictionarium Latinogallicum d’Estienne. Carl von Linné, botaniste suédois, l’a nommé en 1753 dans sa nomenclature binomiale. Originaire des pays méditerranéens, l’artichaut aurait été introduit en France au XVème siècle par Catherine de Médicis. Il était alors un mets de royauté.

Ses feuilles, rappelant la bile du foie, ont d’abord été associées à des propriétés thérapeutiques pour le foie par la théorie des signatures. L’artichaut appartient à la famille des Asteraceae ou Astéracées, selon Ivan Martynov (1820) et Paul Dietrich Giseke (1792). Cette famille inclut des plantes comme la chicorée, l’arnica, la camomille romaine et le tournesol.

C’est un chardon comestible, variété de l’espèce Cynara cardunculus, avec le cardon comme autre variété. Connu sous le nom de Cynara cardunculus L. subsp. scolymus, l’artichaut est une plante herbacée vivace pouvant atteindre 2 mètres de hauteur. Ses feuilles, tomenteuses et découpées, s’étalent en rosette à la base de la tige ligneuse. La tige porte des capitules floraux typiques des Astéracées. Les parties comestibles sont la base des bractées et le réceptacle floral.

L’artichaut, autrefois sauvage, prospère dans des climats tempérés avec des hivers doux. Sa culture débute au XVème siècle en Italie du Nord et est désormais répandue dans le bassin méditerranéen, l’Amérique du Sud, les États-Unis et la Chine.

Un peu d’histoire

L’artichaut aurait été introduit en France lors des guerres entre Français et Italiens de 1494 à 1559. Selon Gibault, Matthiole attribue cette introduction au travail des horticulteurs italiens au XVIe siècle. Ces horticulteurs ont développé différentes variétés d’artichauts qui étaient abondantes en Toscane à l’époque.

Mais cette thèse est controversée : selon Fournier, l’origine de l’artichaut est bien plus ancienne que celle que lui attribue Gibault.

Il attire l’attention sur la durée potentielle de son acquisition, qui pourrait s’étendre plus longtemps que prévu. Il cite comme preuve des représentations égyptiennes anciennes. Sur celles-ci, parmi diverses plantes et fruits, on trouve de gros capitules stylisés. Ces derniers ressemblent aux artichauts ou à des cardons très anciens, possiblement la plante mentionnée par Théophraste au IVe siècle avant J.-C., consommée pour son fond.

On estime que, il y a environ 2000 ans, une culture intensive de cette plante a conduit, peut-être indépendamment des efforts des horticulteurs et sélectionneurs, à l’émergence de cardons cultivés. Parmi ces derniers, on distinguait des variétés épineuses et non épineuses. L’artichaut serait donc un cardon transformé. De la même manière que la culture s’est ingéniée à faire grossir les pétioles du cardon, elle a trouvé, petit à petit, le moyen d’adoucir les capitules de l’artichaut.

Dans les siècles qui suivirent, les médecins et autres apothicaires s’attachèrent à augmenter le nombre d’études au sujet des feuilles thérapeutiques de l’artichaut, tandis que les jardiniers et agronomes travaillèrent à en développer les variétés maraîchères.

Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des feuilles d’Artichaut ?

La cynarine, identifiée comme acide dicaféylquinique, représente un composé chimique issu des feuilles d’artichaut. Sa découverte remonte à 1954. Elle se distingue par ses effets cholérétiques. Ce composé appartient à la famille des polyphénols.

L’acide caféique, dérivé de l’acide cinnamique, est un acide phénolique. Son mode d’action précis reste incertain, mais selon le Dr Jean-Marie PELT, la cynarine serait considérée comme toxique par le foie, entraînant une augmentation du flux biliaire.

Les études du Dr PELT suggèrent une synergie thérapeutique entre les composants de l’artichaut. La cynaropicrine et l’acide hydroxyméthylacrylique, associés à des acides tels que les acides succiniques, picriques et maliques, jouent un rôle clé dans la protection des cellules hépatiques contre les effets toxiques des composés cholérétiques.

Propriétés hépatobiliaires

L’artichaut est cholagogue, amphocholérétique (régulation de la cholérèse), cholécystocinétique ainsi qu’anti cholestatique, grâce aux flavonoïdes (flavonol de lutéoline) qu’il contient. Cette augmentation de la sécrétion et l’élimination des acides biliaires expliquent l’efficacité de l’artichaut dans la dyspepsie (douleur, gêne, sensation de brûlure au niveau de l’abdomen, nausées, vomissements…) et dans le syndrome de l’intestin irritable (ballonnements, douleurs abdominales, constipation…).

En 2003, un essai multicentrique à double insu, contrôlé par placebo et randomisé, mené pendant 6 semaines chez 244 patients atteints de dyspepsie fonctionnelle, a notamment démontré une efficacité statistiquement significative de l’extrait aqueux de feuilles d’artichaut.

Antioxydant (avec augmentation de la glutathion peroxydase), l’extrait éthanolique dispose de l’activité antioxydante la plus puissante. Les extraits aqueux et éthanolique des feuilles de Cynara scolymus ont montré, in vitro, une capacité à inhiber les formes réactives de l’oxygène (FRO) dans les cellules endothéliales et les monocytes. Cette inhibition dépend de la dose. Cela révèle que l’artichaut possède des propriétés protectrices contre le stress oxydatif. Ce stress est causé par les médiateurs inflammatoires et le cholestérol-LDL oxydé. Les études du début des années 2000 ont mis en avant les activités antioxydantes de la plante. Ces activités sont liées à ses flavonoïdes et composés phénoliques.

La feuille d’artichaut a également un effet hépato protecteur. Elle inhibe les protéines kinases intracellulaires et la nitrosation. Elle favorise aussi l’apoptose, contribuant ainsi à la régénération hépatique.

Propriété intestinale

L’insuline de l’artichaut exerce également un effet bifidogène favorisant le développement des bifidobactéries et accentuant leur rôle bénéfique sur la santé intestinale, le système immunitaire et sur la synthèse ou l’absorption de plusieurs nutriments. Elle module donc la composition du microbiote intestinal.

Le traitement de la constipation liée à la paresse biliaire implique l’usage de la bile, qui lubrifie la muqueuse intestinale et facilite le transit du bol alimentaire. Elle stimule également les contractions péristaltiques, favorisant ainsi la progression du chyle vers le côlon et l’anus.

L’artichaut, reconnu pour son action cholérétique et dépurative, stimule la sécrétion et l’élimination de la bile. Ses propriétés diurétiques découlent de sa richesse en potassium et en inuline. Les fibres de l’artichaut facilitent le transit intestinal, tandis que ses vitamines, minéraux, fibres et composés antioxydants jouent un rôle protecteur. Les polyphénols présents dans l’artichaut pourraient contribuer à la lutte contre le cancer du foie et les fibres, au cancer du côlon. Riche en vitamine B9, l’artichaut réduit les risques d’anomalies du tube neural chez le fœtus.

L’artichaut est efficace contre les troubles digestifs. Il augmente la production de bile, améliorant ainsi la digestion. Des recherches cliniques ont démontré qu’un extrait d’artichaut (640 mg/jour) soulage les malaises digestifs. Ces malaises sont souvent associés à des problèmes de vésicule biliaire et de foie, connus sous le nom de dyspepsie.

Par ailleurs, des études de pharmacovigilance ont révélé que le traitement à base de feuilles d’artichaut réduit significativement les symptômes de dyspepsie. Ce traitement ne présente pas d’effets indésirables majeurs. La Commission E approuve l’utilisation des feuilles d’artichaut dans le traitement de la dyspepsie. Cette condition est liée à des troubles non fonctionnels du système hépato-biliaire.

En Europe, l’artichaut et le chardon-Marie sont fréquemment utilisés dans les produits pharmaceutiques. Ils traitent les troubles hépatiques et biliaires. Leur efficacité est due, en partie, aux flavonoïdes qu’ils contiennent.

Propriété hypolipémiante

L’artichaut inhibe la synthèse du cholestérol hépatique, notamment via le cynaroside (aglycone de lutéoline), qui agit indirectement sur l’HMGGA-réductase. Il contribue également à réduire la concentration et l’oxydation du cholestérol LDL en cas d’hyperlipoprotéinémie et d’hypercholestérolémie.

Une étude à double insu menée sur 143 sujets hypercholestérolémiques a démontré que la prise d’un extrait d’artichaut (Valverde Artischocke®, 1 800 mg par jour) réduisait le taux de cholestérol de 18,5 %, contre 8,5 % pour le placebo. Cette baisse a également été observée dans d’autres études de pharmacovigilance et essais non contrôlés.

Une étude a été réalisée avec un placebo. Elle a révélé des effets positifs, mais limités. Cette étude portait sur 75 personnes. Elles ont reçu 1280 mg d’extrait d’artichaut (Cynara Artichoke®) durant 12 semaines. Cependant, une méta-analyse indique que les preuves sont encourageantes mais pas suffisantes. Ainsi, il est prématuré de conclure à l’efficacité définitive de l’artichaut. Cependant, les effets indésirables de l’artichaut sont rares, bénins et temporaires.

Des composés de l’artichaut, tels que la lutéoline, inhiberaient la synthèse du cholestérol ou préviendraient la production du mauvais cholestérol. Des essais contrôlés randomisés (ECR) sur des patients avec hypercholestérolémie ont montré une diminution significative du taux de cholestérol total sanguin avec des extraits de feuilles d’artichaut (EFA), comparativement au placebo. Les effets indésirables liés à la prise d’EFA à court terme sont légers et peu fréquents.

Les flavonoïdes présents dans les feuilles de l’artichaut, en particulier la lutéoline et le cynaroside, contribuent au bénéfice cardiovasculaire. Ils inhibent la synthèse du nouveau cholestérol. En revanche, l’activité de la HMG-Coenzyme A réductase est rétro-inhibée par le taux de cholestérol produit, tout en étant stimulée par l’insuline. Le cynaroside inhibe cette stimulation induite par l’insuline.

Autres propriétés

L’artichaut possède un effet inhibiteur léger à modéré sur l’activité d’enzymes clés dans le syndrome métabolique. À noter qu’il est également hypo-uricémiant par inhibition de la xanthine oxydase.

En herboristerie traditionnelle, on recommande l’artichaut pour contrer les effets de la surconsommation d’alcool, communément appelés « gueule de bois ». Les propriétés antiémétiques, antispasmodiques et carminatives de l’artichaut en font un remède privilégié pour ces symptômes. Toutefois, les recherches n’ont pas confirmé son efficacité pour cet usage. Une revue systématique de 2005 conclut à l’absence d’efficacité des traitements classiques et alternatifs pour la prévenir ou la traiter, suggérant plutôt l’abstinence ou la modération.

L’artichaut, riche en potassium, favorise l’élimination des déchets par les reins. Après traitement par extrait de feuilles d’artichaut, la filtration sanguine rénale est accrue, augmentant ainsi le volume de la diurèse.

Une étude allemande réalisée en 2004 a révélé que les extraits de feuilles d’artichaut stimulent la production de monoxyde d’azote (NO) dans les cellules endothéliales. Ce gaz, NO, agit comme un vasodilatateur. Il contribue à la détente des muscles lisses des vaisseaux sanguins. En conséquence, le flux sanguin s’améliore et l’agrégation des plaquettes diminue. Les flavonoïdes de l’artichaut, notamment la lutéoline et le cynaroside, sont responsables de cet effet cardiovasculaire. Ils augmentent l’expression des gènes promoteurs des NO synthases endothéliales.

L’artichaut est riche en vitamines B3 et C, en magnésium, potassium et cuivre. Sa forte teneur en fibres, comme l’inuline (un prébiotique), ainsi que sa faible teneur en lipides et en cholestérol, en font un allié des régimes minceur.

Existe-il des précautions d’emploi concernant l’Artichaut ?

L’artichaut présente des contre-indications en cas d’obstruction des voies biliaires. Les personnes sensibles aux Astéracées, comme l’achillée millefeuille ou la camomille, doivent éviter son usage. L’EMA déconseille son utilisation chez les femmes enceintes ou allaitantes, en raison d’un manque de données de sécurité. De même, on n’établit pas son utilisation chez les enfants de moins de 12 ans.

La prise d’artichaut peut occasionner des nausées, des diarrhées et de la polyurie chez les sujets sensibles. Une surveillance médicale est nécessaire en cas de calculs infracentimétriques de la vésicule biliaire, de cholangite ou d’insuffisance hépatique sévère. Les effets diurétiques de l’artichaut peuvent se cumuler avec ceux d’autres plantes ou médicaments diurétiques.

En présence de calculs biliaires, consulter un professionnel de santé s’avère nécessaire avant la prise de l’artichaut. L’utilisation de l’extrait de feuilles d’artichaut se révèle contre-indiquée en cas d’obstruction des voies biliaires. Les personnes allergiques aux plantes de la famille des Astéracées pourraient réagir à l’artichaut.

L’artichaut peut causer de manière occasionnelle et temporaire des effets indésirables comme la perte d’appétit, la diarrhée et des flatulences. Aucune interaction connue avec des plantes, suppléments ou médicaments.

Comment prendre l’Artichaut et à quel dosage ?

Traditionnellement, les produits d’herboristerie à base d’artichaut étaient disponibles sous forme de feuilles fraîches ou séchées, de jus de la plante entière ou de divers extraits liquides ou solides. Aujourd’hui, le marché propose des extraits normalisés contenant 5 % de cynarine. On propose également des extraits secs de feuilles en comprimés ou en capsules. Ces derniers présentent un taux d’extraction de 4:1 (soit 4 g de plante pour 1 g d’extrait) ou plus fréquemment de 12:1. La cynarine est reconnue comme l’ingrédient actif principal de la plante d’artichaut.

L’Artichaut en préparation magistrale d’extraits standardisés sous forme liquide (EPS)

Les produits phytothérapeutiques connus sous le nom d’Extraits de Plantes fraîches Standardisés (EPS) utilisent le procédé d’extraction Phytostandard, développé par le pharmacologiste Daniel Jean dans les années 1990. Leur commercialisation a débuté au début des années 2000.

Classés comme médicament de plante pour leur action pharmacologique, les EPS servent de matière première pour des préparations magistrales en officine et bénéficient d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Les Extraits de Plantes fraîches Standardisés (EPS) sont plus concentrés en principes actifs que les tisanes. Cette concentration élevée rend les EPS plus efficaces pour divers usages, notamment le soulagement de maux légers et la modulation d’effets secondaires de traitements intensifs.

Ces extraits conviennent à un vaste public. Leur usage s’étend des nouveau-nés aux personnes âgées. Il est important de respecter les contre-indications spécifiques à chaque plante. Des professionnels de santé spécialisés en phytothérapie prescrivent ces extraits. Pour une conservation optimale, il faut stocker les EPS dans des flacons opaques à l’abri de la lumière et les utiliser dans les trois mois suivant leur ouverture.

L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) réglemente les EPS, exigeant une culture biologique des plantes utilisées. Les pharmaciens, souvent formés en pharmacologie incluant l’étude des plantes médicinales, considèrent les EPS comme une alternative médicale viable. L’artichaut peut s’utiliser :

  • En association avec le radis noir : Dans le cas de dyspepsie postprandiale, de détox (notamment en cas de prise de xénobiotiques : pilules, statines, antidépresseurs, AINS), de constipation d’origine hépatobiliaire, de prévention des effets indésirables d’un régime amaigrissant (constipation, problèmes hépatiques).
  • En association avec la fumeterre : Pour la régulation du flux biliaire (amphocholérèse) dans les troubles digestifs d’origine hépatobiliaire.
  • En association avec la mélisse : Dans le traitement de la dyspepsie.
  • En association avec l’alchémille 2/3 pour 1/3 d’artichaut : Contre le syndrome prémenstruel avec tensions mammaires et /ou prise de poids, les troubles du cycle, les fausses couches à répétition par insuffisance lutéale.

Sources bibliographiques médicale(s et essais cliniques

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  • Meyer D. et al., The bifidogenic effect of inulin and oligofructose ans its consequences for gut health; Eur J Clin Nutr., 2009
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  • Kelly G., Inulin-type prebiotics : a review (Part 2). Altern Med Rev., 2009
  • European Medicines Agency, Assessment report on Cynara cardunculus L. (syn. Cynara scolymus L.), 2018
  • Zapolska-Downar D. et al., Protective properties of artichoke (Cynara scolymus) against oxidative stress induced in cultured endothelial cells ans monocytes; Life Sci., 2002
  • Holtmann G. et al., Efficacy of artichoke leaf extract in the treatment of patients with functional dyspepsia ; a six-week placebo-controlled, double-blind, multicentre trial, Aliment Pharmacol Ther., 2003
  • Kollia E. et al., Antioxidant activity of Cynara scolymus L. and Cynara cardunculus L. extracts obtained by different extraction techniques; Nat Prod Res., 2017

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