Autrefois, la grande camomille portait le nom de Chrysanthemum parthenium. Si on lui a depuis conservé son adjectif, ce chrysanthemum a disparu au profit d’un tanacetum qui confine à la tanaisie, alors que ce précédent substantif la rapprochait de la vaste tribu des « chrysanthèmes », mot forgé grâce à deux racines grecques : chrysos, « or » et anthemos, « fleur ».
Qu’est ce que la Grande Camomille ?
Un peu d’histoire
Pline l’Ancien recommandait la Grande Camomille pour des bains de siège contre les inflammations utérines. Il suggérait également son application avec du miel et du vinaigre pour traiter la bile noire, les vertiges et les calculs. Le médecin Guillaume de Salicet utilisait un onguent de fleurs de camomille pour soigner les cicatrices de plaies. Le botaniste John Gerard évoquait les bienfaits de diverses camomilles contre la colique, les calculs et les vertiges, possiblement en lien avec la migraine.
Le terme parthenium, dérivant du grec parthenos (jeune fille), souligne son usage traditionnel comme plante féminine. Au Moyen-Âge, sa confusion avec la matricaire était fréquente. Elle était répandue en Europe, notamment dans le Proche-Orient et le Sud-Est de l’Europe. Le médecin anglais Nicolas Culpeper soulignait ses propriétés emménagogues, favorables pour la matrice. Il mentionnait son rôle dans la purification utérine post-accouchement pour prévenir les infections.
Traditionnellement, la Grande Camomille était cultivée dans de nombreux jardins français. Des enquêtes ethnobotaniques en Haute Provence ont révélé sa culture persistante dans les vieux jardins. Elle était aussi vendue localement par des producteurs bio. Actuellement, la Grande Camomille est disponible sous forme de gélules, comprimés, huile essentielle ou tisane. Toutefois, les tisanes de camomille les plus communes dans les magasins diététiques sont souvent de la Petite Camomille (Matricaria recutita).
Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des parties aériennes fleuries de la Grande Camomille ?
Les évaluations cliniques de la Grande Camomille pour prévenir ou soulager les migraines ont produit des résultats inconclusifs. Selon Bruneton, de nombreux essais présentent une qualité méthodologique insuffisante et des effectifs faibles.
Une méta-analyse Cochrane a analysé cinq essais cliniques. Elle n’a pas trouvé de preuves solides de l’efficacité de la Grande Camomille contre les migraines. Elle n’a pas montré qu’elle est plus efficace qu’un placebo pour prévenir les crises migraineuses. En termes d’usage médical, l’Agence du médicament française approuve la Grande Camomille pour deux usages internes. Elle est reconnue pour la prévention des céphalées et pour le traitement des règles douloureuses. De son côté, l’ESCOP conseille une dose de 50 à 120 mg de poudre de parties aériennes. Cette posologie est recommandée sur plusieurs mois pour prévenir les crises migraineuses.
Propriétés antimigraineuses
Dans un modèle de migraine, l’extrait de grande camomille enrichi en parthénolide réduit de manière significative, dans les neurones du noyau spinal caudal du nerf trijumeau, l’expression de la protéine c-Fos (impliquée dans les processus nociceptifs, c’est-à-dire dans la perception de la douleur) induite par la nitroglycérine. Dans le même temps, le parthénolide purifié inhibe l’activation neuronale induite par la nitroglycérine dans d’autres noyaux cérébraux, et freine de manière significative l’activité du facteur nucléaire kappa B (NF-kB), qui joue notamment un rôle central dans la réponse immunitaire ainsi que dans les réactions inflammatoires.
Chez l’homme, de nombreux essais cliniques répondant à des critères scientifiques rigoureux (études randomisées, à double insu, multicentriques et contrôlées par placebo) ont en effet mis en évidence l’activité antimigraineuse de la grande camomille.
Propriétés anti-nociceptives et anti-inflammatoires
In vivo, le parthénolide inhibe la nociception et la vasodilatation neurogène dans le système trigéminovasculaire. Il cible le canal d’ankyrine 1 (TRPA1), jouant un rôle clé dans les mécanismes de la migraine. Cette dernière est déclenchée par la libération du peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) par les neurones du trijumeau. Le parthénolide neutralise les réponses nociceptives induites par la stimulation des terminaisons trigéminales périphériques.
L’action sur le canal TRPA1 et la désensibilisation neuronale par le parthénolide réduisent la libération de CGRP et la vasodilatation méningée associée. L’agonisme partiel de TRPA1 contribue à l’effet antimigraineux du parthénolide en limitant la libération de CGRP dans le système trigémo-vasculaire.
Les extraits des parties aériennes de la Grande Camomille suppriment la production de prostaglandines, impliquant des composés autres que le parthénolide dans l’activité anti-inflammatoire. La tanétine, un flavonoïde lipophile, bloque également la synthèse des prostaglandines. L’inhibition de l’agrégation plaquettaire et de la phospholipase A2 est notable.
Les parthénolides inhibent des substances de la cascade inflammatoire (prostaglandines, COX, thromboxanes, leukotriènes), contribuant à l’action anti-inflammatoire et antimigraineuse de la plante. Ces effets peuvent également expliquer ses propriétés anti-rhumatismales et fébrifuges. L’action anti-agrégante plaquettaire et l’inhibition de la libération de sérotonine pourraient également contribuer à l’effet antimigraineux. Des études associent les crises de migraine à une baisse du taux de sérotonine, dont la libération entraîne une vasoconstriction suivie d’une dilatation brutale des vaisseaux intracrâniens, provoquant la migraine.
Autres propriétés
L’activité anticancéreuse du parthénolide de la Grande Camomille a été mise en évidence par diverses études. Une étude de 1999 a démontré que le parthénolide inhibe in vitro la croissance de cellules tumorales. Cette découverte a été confirmée en 2006 sur des lignées cellulaires de cancer du sein et de cancer du col utérin. En 2007, d’autres recherches ont validé son effet antiprolifératif sur des lignées de carcinome pulmonaire, de médulloblastome, d’adénocarcinome du côlon, et sur des cellules endothéliales.
Le parthénolide et des lactones similaires ont montré une activité anticancéreuse contre diverses lignées cellulaires, y compris les fibroblastes humains et le carcinome laryngé. In vivo, le parthénolide agit sur le complex protéinique NF-κB dans les cellules de cancer du sein résistantes au tamoxifène, en bloquant son activité. Cela rend les cellules à nouveau sensibles au traitement. Le parthénolide se présente donc comme un potentiel anticancéreux multifonctionnel.
Cependant, les indications de la Grande Camomille dans le cadre de la médecine non conventionnelle restent non définies. Le principe actif, la parthénolide, cible le Fe(ll), agissant en ablation des cellules souches cancéreuses au sein des tumeurs. Ces composés se trouvent en grande concentration dans les fleurs et les graines de la Grande Camomille.
Existe-il des précautions d’emploi concernant la Grande Camomille ?
La Grande Camomille (Tanacetum parthenium) présente des contre-indications spécifiques pour certaines populations. Les femmes enceintes ou allaitantes doivent éviter son utilisation en raison de ses propriétés emménagogues, pouvant déclencher la menstruation et provoquer des effets abortifs. Les enfants et adolescents de moins de 18 ans ne doivent pas utiliser cette plante. De plus, les personnes souffrant d’allergies aux astéracées, comme la marguerite et le pissenlit, doivent également s’abstenir de la consommer.
Avant d’employer la Grande Camomille pour traiter la migraine, il est essentiel de consulter un médecin pour établir un diagnostic précis. Un traitement avec des antiagrégants plaquettaires et des anticoagulants nécessite un suivi médical. La Grande Camomille peut intensifier leurs effets. Elle inhibe aussi modérément plusieurs cytochromes hépatiques. Cette action demande une attention particulière lors de l’utilisation conjointe avec d’autres médicaments.
Concernant les effets indésirables, la consommation de Grande Camomille peut provoquer des troubles digestifs légers et, en cas d’usage prolongé, des ulcères buccaux liés à la mastication des feuilles. En raison de ses effets antiplaquettaires, il convient d’éviter l’association de la Grande Camomille avec d’autres plantes ou compléments ayant une action anticoagulante ou antiplaquettaire. On déconseille également son utilisation simultanée avec des médicaments anticoagulants ou antiplaquettaires, ainsi que des médicaments anti-inflammatoires.
La Grande Camomille, comme de nombreuses astéracées à lactones sesquiterpéniques, peut causer des réactions allergiques. Ces lactones agissent comme des haptènes, induisant la sensibilisation des lymphocytes. Bien qu’aucune précaution spécifique ne soit nécessaire aux doses thérapeutiques, il est préférable de ne pas recommander la Grande Camomille aux femmes enceintes ou allaitantes.
Comment prendre la Grande Camomille et à quel dosage ?
La Grande Camomille, reconnue dans la pharmacopée française, est couramment utilisée par voie orale sous différentes formes. La première option disponible est sous forme de gélules d’extrait de parties aériennes, concentrées à 0,2% de parthénolide. La posologie suggérée pour cet extrait est de 200 mg, à prendre deux fois par jour. Par ailleurs, il existe des gélules de poudre de parties aériennes, titrées à 0,1% de parthénolide. Pour ces dernières, la dose conseillée est de 260 mg de poudre, à prendre trois fois par jour.
Une autre forme disponible est le macérat glyceriné en extrait de plantes standardisé (EPS Grande Camomille), recommandé à hauteur d’une à deux cuillères à café par jour. En complément, la Grande Camomille peut être consommée sous forme d’infusion. Pour cela, utilisez 2,5 à 5 grammes de parties aériennes séchées à infuser pendant 15 minutes dans 0,5 litre d’eau chaque jour. Les doses quotidiennes de ces différentes préparations fournissent des apports en parthénolide allant de 0,2 à 0,6 mg.
- En complément alimentaire, sous forme d’extrait standardisé ou de poudre, en gélules.
- Extrait fluide de plante fraîche standardisé : 5 à 10 ml par jour dans un grand verre d’eau.
- Extrait hydroalcoolique, teinture-mère : 25 à 50 gouttes 1 à 2 fois par jour dans un verre d’eau.
- Tisanes : infusion de 2,5 à 5 g de fleurs séchées par tasse, 2 à 3 fois par jour.
La Grande Camomille en préparation magistrale d’extraits standardisés sous forme liquide (EPS)
Les formulations phytothérapeutiques connues sous le nom d’Extraits de Plantes fraîches Standardisés (EPS) suivent le procédé d’extraction Phytostandard. Le pharmacologiste Daniel Jean a développé ce procédé dans les années 1990, et la commercialisation de ces extraits a débuté au début des années 2000. L’EPS est classé comme médicament de plante en raison de son action pharmacologique. Il sert de matière première pour des préparations magistrales en officine, acquérant de ce fait une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Comparativement aux tisanes, les EPS offrent une concentration plus élevée en principes actifs, ce qui les rend plus efficaces. Ils sont utilisés dans une variété d’applications, allant du soulagement des petits maux quotidiens à la modulation des effets secondaires de traitements plus lourds.
- En association avec le saule : Dans la prophylaxie de la migraine. L’efficacité de cette association a notamment été démontrée dans une étude prospective ouverte de 2006.
- En association avec le griffonia et la valériane : Dans la prévention des céphalées de tension et des migraines à point de départ craniocervical.
- En association avec la fumeterre : Dans la prévention des migraines à composante digestive et hépatobiliaire.
- En association avec le radis noir : Dans la prévention de migraines aggravées par la contraception orale ou avec participation hépatique.
- En association avec la sauge sclarée : Dans la prévention des migraines dans un contexte de ménopause ou d’insuffisance œstrogénique.
- En association avec le millepertuis : Dans la prévention des migraines survenant dans un contexte dépressif; névralgie essentielle.
- En association avec l’aubépine : Dans la prévention des migraines sur terrain sympathicotonique et anxieux.
- En association avec l’alchémille : Dans la prévention des migraines cataméniales.
- En association avec le ginkgo biloba : Dans la prévention des migraines dans un contexte d’insuffisance circulatoire cérébrale.
Sources bibliographiques médicales et essais cliniques
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