Le Gattilier, le pouvoir anaphrodisiaque de la déesse Héra

Le gattilier, une plante mĂ©dicinale vĂ©nĂ©rĂ©e depuis l’AntiquitĂ©, suscite aujourd’hui un regain d’intĂ©rĂŞt pour ses propriĂ©tĂ©s thĂ©rapeutiques remarquables. UtilisĂ© par Hippocrate et Dioscoride pour ses vertus curatives, le gattilier, ou Vitex agnus-castus, offre une palette de bienfaits allant de la rĂ©gulation hormonale Ă  des applications anti-inflammatoires. Dans cet article, nous plongeons dans l’univers fascinant du gattilier, explorant son histoire, ses caractĂ©ristiques botaniques, et les perspectives modernes de son usage en phytothĂ©rapie. Cette plante sĂ©culaire, qui a traversĂ© les Ă©poques, se rĂ©vèle ĂŞtre une alliĂ©e prĂ©cieuse dans le domaine de la santĂ© naturelle, mĂ©ritant une attention particulière dans notre quĂŞte de bien-ĂŞtre au naturel.

Qu’est ce que le Gattilier ?

L’arbre au poivre, ou gattilier (Vitex agnus-castus), appartient Ă  la famille des Verbenaceae ou Lamiaceae, selon diffĂ©rentes classifications. Il se caractĂ©rise par un feuillage composĂ©-palmĂ© et des inflorescences en Ă©pi de petites fleurs violacĂ©es. Ce buisson robuste et rustique peut mesurer entre 1,5 et 2 mètres, voire jusqu’Ă  10 mètres pour des spĂ©cimens âgĂ©s. Ses fleurs bleues apparaissent en aoĂ»t-septembre, et l’arbuste est mellifère.

En termes de culture, le gattilier prospère même dans des sols pauvres mais bien drainés et résiste bien à la sécheresse. Sa reproduction se fait par bouturage ou semis sous châssis froid. Il existe deux variétés principales : le Vitex agnus castus alba, avec des inflorescences blanches, et le Vitex agnus castus rosea, aux inflorescences roses.

Le fruit du gattilier, de forme ovale et brun-noir, est remarquable pour sa saveur poivrée. Sa composition comprend terpènes, composés phénoliques et huiles grasses, avec une concentration minimale de 0,08% de casticine. La plante a été étudiée via diverses méthodes de chromatographie et spectroscopie.

Inscrit dans la liste des plantes traditionnellement utilisées, le gattilier a une monographie dans la Pharmacopée européenne pour son fruit entier, mûr et séché. Il est utilisé pour ses propriétés médicinales variées, reflétant sa riche composition chimique.

Un peu d’histoire

Le gattilier, associĂ© Ă  la dĂ©esse HĂ©ra, symbolise dans la Grèce antique la fertilitĂ© et la puretĂ©. HĂ©ra, reprĂ©sentant le mariage lĂ©gitime et la protection des femmes en couches, souligne l’importance du gattilier. Durant les Thesmophories, les jeunes filles se paraient de ses fleurs pour prĂ©server leur puretĂ© et virginitĂ©.

Les AthĂ©niennes l’utilisaient Ă©galement pour rester chastes pendant ces cĂ©lĂ©brations, marquĂ©es par la continence et le jeĂ»ne rituel. Plus prĂ©cisĂ©ment, les prĂŞtresses de DĂ©mĂ©ter adoptaient cette pratique, non pour promouvoir l’infertilitĂ©, mais comme une prĂ©paration Ă  la fertilitĂ©, en Ă©cartant symboliquement les hommes grâce aux propriĂ©tĂ©s anaphrodisiaques du gattilier.

Dioscoride nommait cette plante agnos (chaste en grec), mais une confusion entre agnos et agnus (agneau en latin) a donnĂ© lieu au nom vernaculaire d’agneau-chaste, bien que cocasse et sans rapport. Agnus-castus reflète bien le pouvoir anaphrodisiaque de la plante. Le terme vitex, dĂ©rivĂ© du grec vieo (tresser), fait rĂ©fĂ©rence Ă  la souplesse de ses rameaux, utilisĂ©s en vannerie et pour crĂ©er des liens.

La rĂ©putation anaphrodisiaque du gattilier chez l’homme persiste. Au Moyen-Ă‚ge, il est surnommĂ© herbe au poivre et poivre de moine. Les substances Ă©chauffantes, comme la roquette et le poivre, Ă©tant interdites dans les monastères, les fruits du gattilier, au goĂ»t Ă©picĂ© et poivrĂ©, deviennent un substitut, aidant les moines Ă  maintenir une chastetĂ© charnelle. CultivĂ© dans les cloĂ®tres mĂ©diĂ©vaux, les moines en faisaient des ceintures pour se protĂ©ger du dĂ©sir de VĂ©nus. Cette pratique perdurera, utilisĂ©e encore au XIXe siècle.

Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des baies de Gattilier ?

Les baies de gattilier contiennent plusieurs composĂ©s. Parmi eux, on trouve des substances diterpĂ©niques comme le rotundifurane, des iridoĂŻdes (agnuside), et des flavonoĂŻdes (casticine). Il y a aussi des alcaloĂŻdes, des stĂ©roĂŻdes et des essences. Les diterpènes agissent sur l’hypophyse. Ils stimulent les rĂ©cepteurs Ă  la dopamine, un neurotransmetteur du cerveau.

Cette action diminue la production de prolactine par l’hypophyse. Elle augmente aussi la progestĂ©rone produite par les ovaires. Ces effets aident Ă  rĂ©gulariser les cycles menstruels.  Une insuffisance de progestĂ©rone peut causer la stĂ©rilitĂ© fĂ©minine, et le gattilier a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© pour cette indication.

Inhibition de la sécrétion de prolactine

Le gattilier inhibe in vitro la sĂ©crĂ©tion de prolactine par les cellules pituitaires. Cette propriĂ©tĂ© confirmĂ©e in vivo est liĂ©e Ă  l’activitĂ© agoniste dopaminergique de certains dĂ©terpènes comme le rotundifurane et les clĂ©rodadiĂ©nols.

Cliniquement, la diminution de la sécrétion de prolactine permet un allongement de prolactine permet un allongement de la durée de vie du corps jaune et donc une régulation de la durée des cycles. Cette action a notamment été démontrée chez les femmes présentant une hyperprolactinémie latente : le gattilier rétablit une phase lutéale normale. Une autre conséquence de la baisse de la sécrétion de prolactine est la réduction des mastodynies.

Une Ă©tude en double aveugle contre placebo a testĂ© un extrait de gattilier sur 97 femmes, âgĂ©es de 35 ans en moyenne, souffrant de mastodynies prĂ©menstruelles. RĂ©alisĂ©e sur 3 cycles, l’Ă©tude a rĂ©vĂ©lĂ© une diminution significative des douleurs dès 1 Ă  2 cycles de traitement, se stabilisant après le troisième.

L’extrait des fruits de gattilier agit de manière dopaminergique. Son action se fait de façon agoniste directe au niveau central, spĂ©cifiquement sur le rĂ©cepteur D2 Ă  la dopamine dans les systèmes mĂ©solimbique et extrapyramidal. Elle se manifeste aussi de manière indirecte au niveau pĂ©riphĂ©rique, par l’inhibition de la sĂ©crĂ©tion de prolactine.

 Les diterpènes du gattilier (rotundifurane) agissent par forte analogie structurale avec les stéroïdes. En stimulant les récepteurs D2, les clérodadiénols exercent une activité anti-prolactine presque identique à celle de la dopamine.

Amélioration globale du cycle hormonal et réduction des symptômes du syndrome prémenstruel

Le gattilier agit donc en tant qu’agoniste des rĂ©cepteurs ÎĽ aux opiacĂ©s. Il mime l’action de la β-endorphine, normalise la sĂ©crĂ©tion pulsatile de GnRh, hormone hypothalamique qui commande la sĂ©crĂ©tion des gonadotrophines hypophysaires LH et FSH. De fait, il module la libĂ©ration pulsatile de ces gonadotrophines (action anti-FSH).

Outre l’action freinatrice de la prolactine et l’action dopaminergique centrale qui expliqueraient l’activitĂ© du gattilier sur les aspects psychique, moteur et somatique du syndrome prĂ©menstruel, la plante est anti-Ĺ“strogène, et entraĂ®ne une remontĂ©e des concentrations de progestĂ©rone en milieu de cycle.

De fait, le gattilier limite l’apparition des symptĂ´mes liĂ©s au syndrome prĂ©menstruel (mastodynies, troubles de l’humeur), irritabilitĂ©, tensions mammaires, rĂ©tention hydrosodĂ©e, migraines, etc.). Dans ce contexte, il exerce un effet sĂ©datif et anxiolytique.

Le gattilier est emmĂ©nagogue ; il rĂ©gularise le cycle fĂ©minin en stimulant et en facilitant le flux sanguin menstruel dans le rĂ©gion pelvienne et l’utĂ©rus. Il corrige les anomalies du cycle menstruel en relation avec une insuffisance lutĂ©ale et hyperprolactinĂ©mie latente.

De nombreuses Ă©tudes cliniques ont montrĂ© l’efficacitĂ© du gattilier dans le traitement du syndrome prĂ©menstruel, en particulier une Ă©tude menĂ©e en double aveugle contre placebo sur 1170 femmes, âgĂ©es en moyenne de 36 ans. L’Ă©tude a Ă©tĂ© conduite sur 3 cycles, au terme desquels les patientes recevant l’extrait ont notĂ© une amĂ©lioration significative de leur Ă©tat, tous symptĂ´mes confondus. Par ailleurs, le gattilier amĂ©lioreraient les troubles climatĂ©riques de la mĂ©nopause et son usage s’est rĂ©pandu au cours du XXe siècle dans cette indication.

Anticancéreux

Le gattilier inhibe la prolifĂ©ration des cellules leucĂ©miques myĂ©loĂŻdes HL-60 et favorise l’apoptose (rotundifurane, polymĂ©thoxyflavones, lutĂ©oline).

Une Ă©tude in vitro rĂ©cente a rĂ©vĂ©lĂ© qu’un extrait alcoolique de gattilier peut dĂ©truire des cellules cancĂ©reuses, notamment des carcinomes du sein, par apoptose (auto-destruction). Cet extrait est Ă©galement actif contre les cellules tumorales de l’utĂ©rus et des ovaires. L’usage potentiel du gattilier dans le traitement du cancer s’Ă©tend Ă  chaque nouvelle Ă©tude, offrant de l’espoir.

Le gattilier a montré sa capacité à inhiber la prolifération des cellules leucémiques myéloïdes HL-60 et à favoriser leur apoptose. Ceci est dû à des composés comme le rotundifurane, les polyméthoxyflavones, et la lutéoline. Une étude in vitro de 2019 a spécifiquement démontré que la casticine des espèces Vitex inhibe la prolifération et induit l’apoptose dépendante des mitochondries dans les cellules des cancers de l’œsophage.

Existe-il des précautions d’emploi concernant le Gattilier ?

Avant d’utiliser des complĂ©ments Ă  base de gattilier, il est essentiel de comprendre les prĂ©cautions d’emploi. GĂ©nĂ©ralement sĂ»r, le gattilier prĂ©sente des contre-indications importantes. Son utilisation est dĂ©conseillĂ©e pendant la grossesse ou l’allaitement et en cas de protocole de fĂ©condation in vitro. Pour les traitements hormonaux gĂ©nitaux, un dĂ©lai de 3 mois est nĂ©cessaire pour observer des rĂ©sultats, en raison de la maturation folliculaire. Cette durĂ©e, recommandĂ©e par l’ESCOP, diffère des conseils de l’EMA, qui limite l’usage Ă  3 cycles consĂ©cutifs. Une surveillance mĂ©dicale est recommandĂ©e pour des traitements prolongĂ©s.

Le gattilier affecte l’efficacitĂ© des contraceptifs oraux. Son usage avec des mĂ©dicaments dopaminergiques ou des Ĺ“strogènes/anti-Ĺ“strogène comme le tamoxifène est dĂ©conseillĂ©. Les personnes ayant des antĂ©cĂ©dents de cancer du sein ou des troubles de l’hypophyse doivent l’Ă©viter, sauf sous supervision mĂ©dicale.

Les effets indésirables du gattilier incluent des maux de tête, vertiges, troubles digestifs, acné ou réactions allergiques sévères. Il peut également interagir avec des médicaments pour la maladie de Parkinson et les hormones féminines.

Selon l’Agence europĂ©enne du mĂ©dicament, la prise de gattilier est dĂ©conseillĂ©e pendant la grossesse et l’allaitement. Enfin, son usage n’est pas justifiĂ© chez les enfants et adolescents de moins de 18 ans.

Comment prendre le Gattilier et Ă  quel dosage ?

Les produits à base de gattilier sont souvent standardisés pour assurer une concentration constante en substances actives. Selon l’Agence européenne du médicament, la posologie quotidienne recommandée équivaut à 28 à 52 mg de baies séchées.

Le gattilier agit sur le système hormonal et peut masquer de graves problèmes de santé. Cela inclut des maladies comme le cancer de l’hypophyse. Son utilisation doit donc se faire sous supervision médicale. De plus, les effets du gattilier prennent du temps à se manifester. Le traitement dure souvent plusieurs semaines. La durée varie selon les indications, allant de trois à six cycles menstruels ou plus. Il est donc conseillé d’éviter l’automédication avec le gattilier.

Dans les mastodynies, la posologie peut ĂŞtre augmentĂ©e en fonction des besoins, l’effet Ă©tant nettement dĂ©pendant de la dose.

Il est important de considĂ©rer la raison pour laquelle vous prenez du gattilier – que ce soit pour soulager les symptĂ´mes du syndrome prĂ©menstruel, de l’acnĂ© hormonale, de la mĂ©nopause ou de l’infertilitĂ©. En gĂ©nĂ©ral, les doses recommandĂ©es peuvent varier en fonction de l’affection que vous essayez de traiter. Il est Ă©galement important de tenir compte de votre âge, de votre poids et de votre Ă©tat de santĂ© gĂ©nĂ©ral. Il est important de consulter votre mĂ©decin ou votre professionnel de la santĂ© avant de prendre tout complĂ©ment Ă  base de gattilier.

Qu’en pensent les autoritĂ©s de santĂ© ?

Des études cliniques de haute qualité méthodologique ont exploré l’efficacité du gattilier. Elles révèlent des effets bénéfiques sur les symptômes du syndrome prémenstruel, les douleurs mammaires durant le cycle menstruel et les règles irrégulières causées par une faible sécrétion de progestérone.

Bien que les Ă©tudes sur la stĂ©rilitĂ© fĂ©minine liĂ©e Ă  une insuffisante sĂ©crĂ©tion de progestĂ©rone soient prometteuses, il est prĂ©maturĂ© d’en conclure dĂ©finitivement. D’autres usages du gattilier restent Ă  dĂ©montrer.

Concernant les avis des autorités de santé :

  • L’EMA (Agence europĂ©enne du mĂ©dicament) considère l’usage du gattilier pour attĂ©nuer les troubles mineurs du syndrome prĂ©menstruel comme traditionnel, recommandant de ne pas l’utiliser sur plus de trois cycles consĂ©cutifs.
  • La Commission E du ministère de la SantĂ© allemand reconnaĂ®t son usage pour les règles irrĂ©gulières, le syndrome prĂ©menstruel et les douleurs mammaires liĂ©es au cycle, sous contrĂ´le mĂ©dical.
  • L’ESCOP (Coordination scientifique europĂ©enne en phytothĂ©rapie) reconnaĂ®t son utilisation pour soulager le syndrome prĂ©menstruel, les douleurs mammaires et gĂ©rer les règles irrĂ©gulières ou absentes. Contrairement Ă  l’EMA, elle suggère un traitement de plus de trois mois pour ressentir pleinement ses effets positifs.

Le Gattilier en préparation magistrale d’extraits standardisés sous forme liquide (EPS)

Si vous envisagez de prendre du gattilier pour ses propriĂ©tĂ©s curatives, vous pourriez ĂŞtre intĂ©ressĂ© par les prĂ©parations magistrales. Les EPS sont des extraits de plantes qui ont Ă©tĂ© prĂ©parĂ©s de manière Ă  garantir une concentration uniforme de principes actifs. Dans cette section, nous allons explorer l’utilisation du gattilier en prĂ©paration magistrale d’extraits standardisĂ©s sous forme liquide et les avantages que cela peut offrir par rapport Ă  d’autres formes de gattilier.

Sources bibliographiques médicales et essais cliniques

  • Atmaca M. et al., Fluoxetine versus Vitex agnus castus extract in the treatment of premenstrual dysphoric disorder, Hum Psychopharmacol., 2003
  • Milewizcz A. et al., Vitex agnus castus extract in the treatment of luteal phase defects due to latent hyperprolactinemia. Results of a randomized placebo-vontrolled double-blind study, Arzneimittelforschung, 1993
  • Schellenberg R., Treatment for the premenstrual syndrome with agnus castus fruit extract : prospective, randomised, placebo controlled study, BMJ., 2001
  • Wuttke W. et al., Chaste tree (Vitex agnus-castus) – pharmacology and clinical indications, Phytomedicine, 2003
  • Hoberg E. et al., Diterpenods from the fruits of Vitex agnus-castus, Phytochemistry, 1999
  • Seidl M.M. et al., Alternative treatments for menopausal sumptoms. Systematic review of scientific and lay literature, Can Fam Physician, 1998
  • Ko W.G. et al. Effects of luteolin on the inhibition of proliferation and induction of apoptosis in human myeloid leukamia cells; Phytother Res., 2002
  • Van Die M.D. et al., Hypericum perforatum with Vitex agnus-castus in menopausal symptoms : a randomized, controlled trial, Menopause, 2009

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