Au moment où l’Occident basculait dans le IIIe millénaire, le mucuna était quasiment inconnu de la myriade des plantes médicinales. Il fit son apparition sous forme d’extrait standardisé de plante fraîche destiné à la préparation magistrale à la fin des années 2000, se faisant ainsi rapidement connaître dans le monde de la phytothérapie. La multiplication des travaux scientifiques l’a désormais rangé parmi les plus belles ressources de la discipline.
Qu’est ce que le mucuna ?
Le pois mascate est connu scientifiquement sous les noms de Mucuna pruriens ou Dolichos pruriens. C’est une plante annuelle qui pousse dans les régions tropicales de l’Inde et de l’Afrique. Cette plante se distingue par ses tiges grimpantes pouvant dépasser 15 mètres. Elle porte des fleurs blanches ou pourpres. Ses gousses mesurent environ 10 cm et sont couvertes de poils brun jaunâtre. Ces poils causent des démangeaisons au contact. Ils renferment des substances irritantes comme la mucunaïne, la sérotonine, la L-Dopa (précurseur de la dopamine), et des glycosides.
En 1950, Walter Shelley a émis l’hypothèse que la mucunaïne pourrait se trouver responsable des démangeaisons provoquées par le pois mascate. En 2008, Ethan Lerner a validé une hypothèse antérieure. Il a découvert que la mucunaïne active un récepteur cutané, le PAR2 (Protease-Activated Receptor 2). L’activation simultanée de la mucunaïne et de la sérotonine provoque des démangeaisons. Cela justifie le nom d’espèce « pruriens », qui signifie irritant.
Le pois mascate appartient à la famille des Fabacées. On l’utilise en médecine traditionnelle indienne pour traiter certaines maladies, notamment Parkinson. Les graines de Mucuna pruriens contiennent jusqu’à 6% de L-Dopa, ce qui en fait un sujet de recherche médicale pour le traitement de la maladie de Parkinson. La plante présente également des alcaloïdes, bien que leur structure précise n’ait pas encore été élucidée.
Le pois mascate est également considéré comme une source de protéines, de fibres, de lipides et de minéraux, avec une teneur élevée en fer et en potassium. Cependant, il contient des composés antinutritionnels tels que des inhibiteurs de la trypsine, des phytates et de la L-Dopa, qui peuvent réduire sa valeur nutritive. Ces composés peuvent s’éliminer par des méthodes de traitement appropriées, comme le trempage et la cuisson.
Un peu d’histoire
Dans l’Inde ancienne, on appelle le système classique de médecine développé et pratiqué « Ayurveda », ce qui signifie « la science de la vie » en Sanskrit (Ayu : vie, Véda : science). Les origines de l’Ayurvéda sont sujettes à des spéculations. On estime qu’elle remonte à 5000 à 3000 av. J-C. C’est le plus ancien système de santé au monde, basé sur l’expérimentation et la déduction intuitive. Encore largement utilisée en Inde comme système de soin primaire, l’Ayurvéda suscite un intérêt croissant en Occident, bien que considérée comme une médecine alternative. Elle englobe toutes les facettes de l’existence humaine : mental, corps et esprit.
Charaka, auteur de la Charaka Samhita, avait décrit dès 300 av. J-C le tremblement de la tête, appelé « sirakampa », comme un trouble neurologique lié au déséquilibre du dosha « vata », l’une des forces vitales. Il avait également décrit des cas de tremblement généralisé ressemblant au parkinsonisme. Plus tard, dans plusieurs traités d’Ayurveda, on a décrit une maladie nommée « kampavata » avec des symptômes similaires au parkinsonisme.
Décrite en Sanskrit sous le nom d’Atmagupta ou Mucuna pruriens, cette plante s’avère utile dans le traitement du « kampavata ». Elle présente cependant des effets toxiques, incluant céphalées, dystonie, fatigue et tremblements.
Dès le IIe siècle en médecine ayurvédique, on recommande la graine de pois Mascate (mucuna pruriens) par voie orale pour les atrophies musculaires, les paralysies faciales, la débilité (Chakara), et les troubles respiratoires. En application locale, elle sert aussi contre les blessures (Sushruta). En médecine indienne, la graine est réputée tonique nerveux et aphrodisiaque, autant pour l’homme que pour la femme. Elle est conseillée dans les maladies nerveuses comme la maladie de Parkinson. Elle est également prescrite dans les morsures de serpent.
En termes alimentaires, on consommait le Mucuna dans de nombreux pays, mais il nécessitait une préparation minutieuse pour éliminer ses composés toxiques. Une surconsommation de Mucuna en période de famine au Mozambique a même entraîné des cas de psychoses toxiques aiguës.
Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des graines de Mucuna ?
En médecine ayurvédique, le pois mascate traite l’anémie, la dysenterie, l’aménorrhée, les vers intestinaux et les morsures de serpents. Il possède également des effets anti-vieillissement.
Riches en L-Dopa, l’extrait ou les graines de pois mascate servent en médecine complémentaire à lutter contre la maladie de Parkinson et la dépression. Néanmoins, la biodisponibilité de la L-Dopa dans les graines de Mucuna est inférieure à celle de la L-Dopa de synthèse, rendant son efficacité moindre dans le traitement des symptômes du Parkinson. Le pois mascate possède aussi des propriétés aphrodisiaques, étant utilisé pour soigner les troubles de l’érection et stimuler la libido.
Activité dopaminergique et maladie de parkinson
L’efficacité du mucuna provient aussi d’autres composants que la L-dopa. Parmi eux, l’ubiquinone (ou coenzyme Q10, coQ10) et le NADH sont importants. Ces molécules ont des effets antioxydants. Elles améliorent la respiration mitochondriale. Notamment, elles augmentent l’activité du complexe I de la chaîne respiratoire. Ce complexe est crucial dans la physiopathologie de certaines maladies. La présence de coQ10 et de NADH peut expliquer l’effet positif du mucuna. Il restaure les niveaux de lévodopa, dopamine, noradrénaline et sérotonine dans le corps.
De plus, chez les patients parkinsoniens, de nombreux dommages oxydatifs sur l’ADN se rencontrent du fait d’un taux de cuivre divalent anormalement élevé au niveau cérébral. Le traitement avec le L-dopa de synthèse associé à ce fort taux en cuivre entraîne davantage de lésions. Le mucuna, grâce à sa propriété de chélation des ions cuivre et fer, permet une réelle protection du cerveau contre les espèces oxydantes.
Action antidépressive de type dopaminergique
Dans divers modèles expérimentaux de dépression, l’étude de l’effet des extraits hydroalcooliques du mucuna a montré qu’ils exercent une action antidépressive, médiée par une interaction avec le système dopaminergique. Plusieurs études ont corroboré cette conclusion.
De nombreuses recherches ont examiné les concentrations d’acide homovanillique (HVA) dans le LCR (liquide céphalorachidien) des patients déprimés. On a constaté que chez ceux présentant un retard psychomoteur marqué, il y avait une diminution des concentrations d’HVA, ce qui est significatif. Une étude de 1995 a même établi un lien entre des concentrations faibles d’HVA dans le LCR, la sévérité de la dépression et un risque accru de suicide.
Cependant, il reste incertain si cette anomalie est primaire ou secondaire au ralentissement psychomoteur. Les tentatives de traitement par L-Dopa chez ces patients ont produit des résultats variables, en particulier chez ceux présentant un retard psychomoteur important ou une concentration en HVA basse dans le LCR.
La dépression et la maladie de Parkinson sont souvent liées, et de nombreux patients parkinsoniens présentent des symptômes dépressifs. Il est essentiel de noter que les symptômes de la dépression et de la maladie de Parkinson se chevauchent souvent. Cette similarité peut causer de la confusion. Les symptômes communs incluent le retard psychomoteur, les troubles de l’attention, l’inversion du cycle circadien, la perte de poids, la fatigue et une réduction des expressions faciales, souvent décrite comme un « masque facial ».
Des études ont relevé une amélioration significative de l’humeur chez ces patients. Toutefois, d’autres recherches n’ont pas confirmé cet effet antidépresseur. Des études sur Mucuna pruriens, une plante, ont également été menées. Elles ont montré des améliorations légères de l’humeur chez les patients traités par cette plante. Une étude clinique sur 60 patients pendant 12 semaines a confirmé l’efficacité et la sécurité d’utilisation des extraits de Mucuna pruriens, avec une amélioration des symptômes.
Actions hormonales
La consommation de mucuna réduit significativement les altérations du sperme liées par augmentation des défenses antioxydantes. Elle permet également d’accroître la concentration et la motilité du sperme. Cette propriété se confirme chez l’homme asthézoospermique. On a aussi mis en évidence, chez des messieurs hypofertiles, que le mucuna restaure les enzymes antioxydantes (SOD, catalase…), et améliore la qualité du sperme. De plus, M. pruriens permet une augmentation significative de la testostérone et de la LH, essentielle pour accroître la spermatogénèse. La prise de mucuna réduit également les taux de FSH, dont l’augmentation se corrèle avec des dommages au niveau des tubes séminifères. Par ailleurs, la plante diminue la prolactine.
L’hormone de croissance a un rôle primordial pour la croissance chez l’enfant. Elle permet aussi le maintien de la santé à l’âge adulte. Chez les femmes, une dose unique de L-dopa augmente significativement l’hormone de croissance et diminue la prolactine, une hormone hyperplasiante.
Une étude de 2018 révèle que l’extrait de graine de Mucuna pruriens peut bloquer la croissance des cellules cancéreuses du sein, notamment les types T47D et MCF-7 sensibles à la prolactine. Il induit des dommages à l’ADN, un arrêt du cycle cellulaire en phase G1 et une apoptose. Cette action est plus efficace que celle de la L-dopa seule.
L’effet anticancéreux du mucuna est lié à une diminution de la prolactine. Cela inhibe la voie de signalisation JAK2/STAT5A/Cycline D, un processus confirmé par l’usage de la bromocriptine, un agoniste dopaminergique. L’étude indique aussi que l’hyperprolactinémie dans le cancer du sein peut réduire l’efficacité du cisplatine, un médicament de chimiothérapie. En réduisant la prolactine, le mucuna améliore l’efficacité du cisplatine pour traiter les cellules cancéreuses du sein, surtout lorsqu’on l’utilise en combinaison.
Action sur le syndrome des jambes sans repos
Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) se caractérise par un impérieux besoin de mouvoir les membres inférieurs, induit et aggravé par le repos. Cette affection semble découler d’un dysfonctionnement du système dopaminergique, souvent lié à une carence en fer. On considère la prescription de L-dopa comme la solution la plus efficace pour les personnes atteintes de ce syndrome.
Cette pathologie est plus fréquente chez les femmes, avec une prévalence d’environ 8,5% en France. Le diagnostic du SJSR repose sur quatre critères principaux :
- Le besoin impérieux de bouger les membres associé à des sensations désagréables telles que des crampes ou des fourmillements.
- L’aggravation ou la survenue de ces troubles au repos, en position allongée ou assise.
- La rémission des symptômes lors de mouvements.
- L’aggravation des symptômes en soirée ou pendant la nuit.
La physiopathologie du syndrome est encore obscure, mais plusieurs hypothèses ont été proposées. Elles incluent une composante génétique, une relation avec le fer, et une implication du système dopaminergique.
L’hypothèse ferrique se base sur l’observation que les causes courantes du syndrome, telles que la grossesse, une carence en fer, ou une insuffisance rénale terminale, ont toutes en commun un déficit en fer. Le fer est nécessaire à la transformation de la tyrosine en L-Dopa, qui est un précurseur de la dopamine. Ainsi, un déficit en fer pourrait influencer le fonctionnement des neurones dopaminergiques.
L’hypothèse dopaminergique est étayée par l’observation que le traitement par des précurseurs ou des agonistes dopaminergiques à faible dose s’avère bénéfique dans ce syndrome. De plus, l’administration d’antagonistes dopaminergiques qui franchissent la barrière hémato-encéphalique aggrave les symptômes. Toutefois, les études histologiques n’ont pas révélé de lésions neurodégénératives des ganglions de la base ni de déficit dopaminergique.
Existe-t-il des précautions d’emploi concernant le Mucuna ?
Le mucuna est contre-indiqué chez la femme enceinte ou allaitante, en raison de son activité hormonale. Éviter en cas de troubles cardiovasculaires, hépatiques ou psychiatriques (schizophrénie), d’ulcère gastroduodénal ou de cancer de la peau (mélanome). L’association du mucuna avec des antidépresseurs ainsi que son utilisation chez des patients ayant un diabète insulinodépendant nécessitent un suivi médical.
La L-dopa dans la plante peut interagir avec plusieurs médicaments. Cela inclut les anesthésiques, antidépresseurs tricycliques, antipsychotiques, IMAO, hypotenseurs, et hypoglycémiants. Les effets secondaires du Mucuna sont liés à la lévodopa. Ils comprennent troubles gastro-intestinaux, nausées, vomissements, et dyskinésies (mouvements incontrôlés). De plus, une surconsommation peut entraîner hallucinations et psychoses.
Comment prendre le Mucuna et à quel dosage ?
- En complément alimentaire, seul sous forme de gélules d’extrait standardisé.
- Extrait fluide de plante fraîche standardisé : 5 à 10 ml par jour dans un verre d’eau, de préférence le matin.
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