Le Sureau, l’arbre-médecine purgatif plurimillénaire

Beaucoup de noms vernaculaires du sureau évoquent sa petite acidité. Cette caractéristique est souvent décrite par l’adjectif suret. Malgré cette acidité, le sureau était apprécié dès la préhistoire. Des sites de l’âge du bronze et du fer en témoignent. Ils ont révélé des dépôts de graines de sureau. On sait que la récolte de ses baies se faisait déjà en Suisse et Italie du Nord. Les quantités récoltées étaient peut-être suffisantes pour fabriquer une boisson fermentée. Le petit arbre est typiquement européen. Son histoire avec l’homme remonte à au moins 5000 ans.

Qu’est ce que le Sureau ?

Le sureau, connu scientifiquement sous le nom de Sambucus, est un genre de plantes qui englobe plusieurs espèces, dont la plus connue est le sureau noir (Sambucus nigra). Cette plante se distingue par sa polyvalence et sa richesse en composés bénéfiques pour la santé.

Le sureau noir est un arbuste ou un petit arbre, atteignant généralement une hauteur de 3 à 10 mètres. Son tronc est court avec une écorce gris-brun qui devient rugueuse et crevassée avec l’âge. Les branches du sureau, arquées, forment un buisson dense et arrondi. Ses feuilles, composées et pennées, atteignent jusqu’à 20 cm de long. Chaque feuille se divise en 5 à 7 folioles ovales ou lancéolées, aux bords légèrement dentés. Leur couleur, verte foncée sur le dessus, devient plus claire en dessous et présente une texture rugueuse.

Les fleurs du sureau sont petites, blanches ou crème, et regroupées en grands corymbes plats pouvant mesurer jusqu’à 20 cm de diamètre. Elles dégagent un parfum doux et sont très attractives pour les insectes pollinisateurs. La floraison a lieu en fin de printemps ou début d’été.

Les fruits du sureau sont de petites baies sphériques, mesurant environ 5 à 6 mm de diamètre. À maturité, elles sont d’un noir violet profond et sont regroupées en grappes lourdes. Les baies contiennent des graines minuscules et sont comestibles une fois cuites, bien qu’elles soient toxiques à l’état cru.

Le sureau noir est une plante rustique et adaptable, pouvant croître dans une variété de sols, bien qu’il préfère les sols humides et riches en matière organique. Il est souvent trouvé à l’état sauvage dans les forêts, les haies, et au bord des cours d’eau.

En raison de ses propriétés médicinales et de ses usages culinaires, le sureau est une plante précieuse dans de nombreuses cultures. Ses fleurs et baies sont utilisées pour préparer des infusions, des sirops, et d’autres remèdes traditionnels.

Un peu d’histoire

Cela peut surprendre, mais le sureau était connu des anciens Grecs, du moins de Théophraste qui lui donnait le nom d’aktê. À cette époque, on a déjà repéré quelques vertus ; l’histoire raconte que Hippocrate usait des baies et des feuilles comme drastiques dans l’hydropisie, et les hippocratiques à sa suite lui assignèrent d’identiques propriétés, le sureau étant bel et bien hydragogue, diurétique et laxatif. Il est donc actif, il oblige ceci ou cela à la circulation d’un point A à un autre B. C’est pourquoi, entre autres, il n’apprécie pas les affections par atonie.

Dioscoride distingue l’aktê du chamaektê, autrement dit « sureau de terre », qui n’est autre que l’hièble la belle (Sambucus ebulus); une plante, par la taille, plus proche de la terre que son « grand » frère Sambucus nigra.

Arbre-médecine, le sureau figure dans des rituels, mêlant le médical au magique. Albert le Grand rapporte une croyance de la magie sympathique. Selon celle-ci, l’écorce agit comme laxatif si détachée du tronc de haut en bas. Elle devient vomitive si retirée dans le sens inverse. De l’importance du geste. Et, concernant le sureau, cela n’est point si bête, cet arbuste pouvant être aussi bien laxatif que vomitif, il purge par les deux extrémités d’après l’aveu que d’aucuns ont pu faire !

Composition du Sureau

Les fleurs et l’écorce du sureau noir sont riches en composés bioactifs qui confèrent à cette plante plusieurs de ses propriétés thérapeutiques. Parmi ces composés, on trouve les mucilages, des substances visqueuses et hydratantes reconnues pour leurs effets apaisants sur les inflammations. Les mucilages forment une sorte de barrière protectrice qui peut aider à calmer les tissus irrités, contribuant ainsi à réduire l’inflammation.

En plus des mucilages, les fleurs et l’écorce du sureau noir contiennent également des tanins. Les tanins sont des polyphénols connus pour leurs propriétés astringentes, ce qui signifie qu’ils peuvent aider à resserrer et à tonifier les tissus du corps. Cette qualité astringente peut être particulièrement bénéfique pour les muqueuses, aidant ainsi à réduire l’inflammation et à apaiser les irritations.

Les flavonoïdes, un autre groupe de composés présents dans le sureau noir, sont bien connus pour leurs puissantes propriétés antioxydantes. Ils aident à protéger les cellules contre les dommages causés par les radicaux libres, contribuant ainsi à la prévention de nombreuses maladies et au maintien d’une bonne santé globale.

En outre, le nitrate de potassium, également présent dans le sureau noir, joue un rôle clé dans les propriétés diurétiques de la plante. Il favorise l’excrétion de l’eau par les reins, ce qui peut aider à réduire l’enflure et la rétention d’eau, et soutenir la fonction rénale.

Enfin, les acides phénoliques dans le sureau noir contribuent également à son action diurétique. Ces acides ont un effet stimulant sur les reins, ce qui aide à augmenter la production d’urine et à faciliter l’élimination des toxines du corps.

Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des baies de Sureau ?

Le sureau, notamment le sureau noir (Sambucus nigra), est réputé pour ses nombreuses propriétés pharmacologiques. Ses fleurs et baies sont particulièrement valorisées pour leur potentiel thérapeutique. Les baies de sureau sont riches en vitamine C et en antioxydants comme les anthocyanes, qui renforcent le système immunitaire et combattent les dommages oxydatifs dans l’organisme. Elles possèdent également des propriétés antivirales, efficaces contre certains virus, notamment ceux causant le rhume et la grippe. Les fleurs de sureau, appréciées pour leurs effets anti-inflammatoires et diurétiques, soulagent les inflammations et favorisent l’élimination des toxines. Le sureau, utilisé pour ses propriétés expectorantes, s’avère utile dans le traitement des affections respiratoires. Une utilisation prudente s’impose, certaines parties de la plante crue présentant une toxicité.

Propriétés antivirales et antibactériennes

En 2006, des recherches ont révélé que l’extrait de fleur de sureau inhibe la libération de cytokines pro-inflammatoires par les macrophages. Ces cytokines sont induites par Porphyromonas gingivalis et Actonibacillus actinomycetemcomitans, deux pathogènes parodontaux. L’extrait supprime également l’activation des neutrophiles, impliqués dans la destruction du tissu parodontal. Ces effets semblent provenir de l’inhibition de l’activation du facteur nucléaire kappa B (NF-kB) et de la phosphatidylinositol 3-kinase (PI3K).

En 2011, une étude in vitro a démontré pour la première fois que l’extrait standardisé de sureau possède une activité antimicrobienne à la fois contre des bactéries Gram + (Streptococcus pyogenes et les streptocoques des groupes C et G), et contre une bactérie Gram – (Branhamella catarrhalis).

In vitro : L’extrait de baies de sureau inhibe de manière dose-dépendante le virus H1N1, responsable de la grippe A. Cette activité est plus particulièrement liée à sa teneur en flavonoïdes qui se lient au virus H1N1, ce qui empêche l’entrée du virus dans la cellule hôte. La plante se montre efficace sur 10 souches de virus de la grippe. Les baies de sureau semblent agir à deux niveaux : tout d’abord, elles neutralisent l’activité des hémagglutinines, glycoprotéines antigéniques présentes à la surface du virus et responsables de la fixation de la particule virale à un récepteur situé sur la cellule cible. Quand ces dernières se désactivent, les virus ne peuvent plus entrer dans les cellules hôtes, et donc se répliquer. Elles agissent aussi en stimulant le système immunitaire par augmentation de la production de cytokines par les monocytes (IL-1β, TNF-α, IL-8, IL-10).

Propriétés anti-inflammatoires et immunostimulantes :

Une étude sur 12 donneurs sains a révélé l’effet du sureau sur les cytokines inflammatoires (IL-1β, TNF-α, IL-6, IL-8). Ces résultats ont été comparés au lipopolysaccharide (LPS), un activateur des monocytes. L’augmentation la plus notable concerne le TNF-alpha.

Ces propriétés immunostimulantes pourraient être utiles pour les patients grippés. Elles aideraient aussi les patients immunodéprimés (cancer, sida) sous chimiothérapie. Les fleurs de sureau ont traditionnellement des effets expectorants, diurétiques et sudorifiques.

Chez les personnes souffrant de colite, un régime enrichi en extrait de sureau a été bénéfique. Ce régime a réduit de moitié les dommages macroscopiques de la muqueuse. Il a aussi diminué l’activité de la myéloperoxydase (mesure de l’infiltration des neutrophiles).

L’étude a aussi observé une hausse des enzymes lysosomales (acide phosphatase, cathepsine D). Cela indique une amélioration de l’intégrité de la muqueuse colonique.

Propriétés antioxydantes

Les anthocyanes des baies de sureau exercent une forte action radicalaire, parmi les plus puissantes du monde végétal, 2 fois celle de la canneberge d’après le département américain de l’Agriculture.

Les baies de sureau, parmi tous les fruits, sont celles qui contiennent la plus forte concentration en anthocyanes (5 fois plus que dans les bleuets), parmi lesquelles le cyanidine-3-sambubioside-5-glucoside a montré une activité antioxydante.

Propriétés métaboliques et vasculaires

Le dysfonctionnement des cellules endothéliales joue un rôle important dans l’initiation et le développement des maladies cardiovasculaires. In vitro, l’incorporation des anthocyanes dans ces cellules augmente la protection de celles-ci contre le stress oxydant, cause majeure de leur dysfonctionnement.

L’usage traditionnel du sureau dans le diabète a été conforté par la mise en évidence de propriétés antidiabétiques. L’extrait de sureau protège également l’hémoglobine contre la glycation.

Existe-t-il des précautions d’emploi concernant le Sureau ?

Le sureau noir, bien qu’il présente des propriétés bénéfiques, doit être utilisé avec précaution, compte tenu de certaines contre-indications et interactions possibles. L’Agence Européenne du Médicament (EMA) conseille de ne pas utiliser le sureau chez les femmes enceintes ou allaitantes, ainsi que chez les enfants de moins de 12 ans, en raison de risques potentiels non élucidés.

Pour les personnes diabétiques, particulièrement celles sous insulinothérapie, l’utilisation du sureau nécessite une surveillance médicale étroite. Des déséquilibres dans le traitement par insuline ont été rapportés chez ces patients. Le sureau peut interagir avec certains médicaments diurétiques. Il pourrait augmenter leur activité théorique.

En automédication, consultez un médecin si vous avez dyspnée, fièvre ou crachats purulents. Les fruits de sureau insuffisamment cuits peuvent causer aigreurs d’estomac, nausées ou vomissements. Évitez les baies crues, surtout non mûres. Elles contiennent de la sambunigrine, une substance toxique. Des interactions existent entre le sureau et les inhibiteurs du CYP3A4. Ces derniers sont impliqués dans le métabolisme de nombreux médicaments. Cette interaction est notable avec l’Echinacea purpurea.

La lectine dans l’écorce du sureau est toxique pour l’embryon chez le rat. Cela justifie la prudence pendant la grossesse et l’allaitement. Il est donc crucial de suivre ces précautions. Consultez un professionnel de santé pour une utilisation sécuritaire du sureau noir.

Comment prendre le Sureau et à quel dosage ?

Les formes et dosages du sureau noir varient selon l’utilisation. Pour les fleurs séchées, la recommandation est de les infuser à hauteur de 3 g par tasse d’eau bouillante, à prendre trois fois par jour. Cette infusion peut aussi servir de gargarisme pour apaiser les irritations de la bouche et de la gorge. En outre, les sirops de sureau noir sont fréquemment utilisés pour atténuer les symptômes respiratoires.

Il est important de noter que si une toux persiste après une semaine de traitement avec le sureau noir, il est impératif de consulter un médecin. De même, une fièvre modérée qui dure plus de 48 heures chez un adulte devrait également conduire à une consultation médicale. Ces précautions sont essentielles pour s’assurer qu’aucune condition médicale plus grave ne soit négligée.

Ce qu’en pensent les autorités de santé

Le sureau noir attire l’intérêt pour son usage traditionnel et son potentiel thérapeutique. Les preuves scientifiques actuelles proviennent surtout de données empiriques historiques. Toutefois, des études cliniques récentes commencent à évaluer son efficacité de manière plus rigoureuse.

Ces études, quoique peu nombreuses et de petite taille, indiquent que le jus de baies de sureau noir pourrait raccourcir les symptômes de la grippe. Bien que limitées, elles offrent des résultats préliminaires positifs sur l’effet du sureau noir.

Du côté des autorités de santé, l’utilisation du sureau noir est largement reconnue. L’EMA (Agence Européenne du Médicament) valide l’usage des fleurs de sureau noir pour les symptômes du rhume. Cette reconnaissance soutient les pratiques de la médecine traditionnelle à base de plantes.

L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) élargit cette utilisation. Selon elle, les fleurs de sureau noir aident à combattre la fièvre, servent d’expectorant dans les infections bronchiques mineures, et soulagent les symptômes du rhume.

La Commission E allemande, reconnue pour son expertise en remèdes à base de plantes, confirme également cette utilisation pour le soulagement du rhume. Cette validation par une autorité de santé réputée renforce la crédibilité de l’utilisation traditionnelle du sureau noir.

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