Huile essentielle de Fenouil amer, une antique panacée qui éclaircit la vue

En Égypte ancienne, des papyrus vieux de près de 5000 ans indiquent la présence d’alors du fenouil. Il en est de même pour des tablettes mésopotamiennes de Babylone ou encore d’Assyrie. Cité et très utilisé par les Grecs, les Arabes et les Chinois, le fenouil figure également dans certains ouvrages littéraires botaniques du Moyen Âge. Cette plante a donc longtemps été considérée comme une panacée.

Un peu de mythologie

Prométhée « s’introduisit un jour dans l’Olympe avec l’aide d’Athéna, alluma une torche au char du Soleil et en détacha une braise qu’il introduisit dans la tige creuse d’un fenouil géant. Puis il s’enfuit et apporta ainsi le feu aux hommes » qui, tout comme nous, d’une obscure situation, parvinrent à la clarté de l’esprit. Or, moins que le feu, le fenouil en est au moins le porte-flamme, et sans pour autant être un seul remède ophtalmique, le fenouil, quand on dit qu’il éclaircit la vue, rend en effet claire la vision spirituelle.

Le fenouil se plaît en outre là où prospère la vigne. Le dieu grec Sabazios, dont l’emblème principal est le serpent, divinité à laquelle on rendait un culte, entretenait des mystères auxquels les adeptes se rendaient parés de peuplier blanc et de fenouil. Assimilé parfois à Dionysos, « dieu des visions extatiques », il partage, avec cette divinité plus connue, le fenouil. Dionysos est particulièrement associé à la vigne, mais, alors que vient le printemps, il se couronne de fenouil, ainsi que ceux qui lui rendent un culte, portant sur eux la plante « qui rend les yeux brillants ». Par ailleurs, le clin d’œil à Athéna n’aura sans doute pas échappé à votre sagacité. Bien qu’à ma connaissance le fenouil ne soit pas dédié à cette divinité, Athéna n’en porte pas moins comme emblème la chouette dont on n’ignore pas la vue perçante.

Un peu d’histoire

Connu dès la Haute-Antiquité, le fenouil est notamment mentionné dans les papyrus de l’Égypte ancienne et dans les traités de médecines chinoise et indienne. Les Grecs le considéraient comme galactogène, stomachique, emménagogue et diurétique. Cultivé dans les jardins des monastères, son usage se répand en Europe au Moyen-Âge.

En tout état de cause, l’explication selon laquelle le fenouil redonne la vue s’est perpétuée d’auteur à auteur, et ce bien après l’Antiquité. Galien reprend Dioscoride et, avec Columelle, mentionne l’usage alimentaire du fenouil qui était aussi convié, du moins sa graine, aux orgies romaines, comme digestif et carminatif.

Au IV ème siècle après J.-C., Apulius Platonicus l’indiquait contre les douleurs vésicales, au siècle suivant, Aetius se contente là de copier Dioscoride, tandis que Marcellus Empiricus conseille « un vin de fenouil que l’on doit boire assis sur le seuil de sa porte » pour chasser la toux.

Au VI ème siècle, Alexandre de Tralles semble bien connaître le fenouil puisqu’il le dit capable de guérir les affections suivantes : le hoquet, les coliques néphrétiques, les maux d’estomac, la podagre (la goutte), l’hydropisie, et, bien sûr, les troubles oculaires, ce en quoi Paul d’Egine (VII ème siècle) ne dérogera pas. À cette époque, on a déjà glissé dans le Moyen-Âge. Au temps des carolingiens, on constate la présence du fenouil dans les jardins impériaux, répandu plus au nord de l’Europe grâce aux bénédictins, et les capitulaires de Louis le Pieu et de Charlemagne se font fort d’en assurer et d’en faire respecter la culture. Il faut dire que Charlemagne, prenant exemple sur les bombances romaines, était, pour les embarras digestifs qu’elles provoquent, un gros consommateur de fenouil.

Une fois encore, le fenouil ne manquera pas à l’appel, chaque siècle aura son homme ou sa femme à même d’en faire l’éloge : Strabo, outre qu’il réaffirme les propriétés pectorales, digestives et galactogènes, indique aussi que le fenouil « guérit les yeux que déjà envahissent les ténèbres ». Avoir la vue claire, n’est-ce pas aussi être devin ?

Macer Floridus donne à son foeniculum les mêmes vertus que celles que l’Antiquité lui prêtait (soulignons que Macer Floridus s’inspire largement des écrits des anciens Grecs et Romains). C’est pourquoi, lorsqu’on le lit, on constate un effet de redondance : diurétique, galactogène, emménagogue, affections stomacales, antidote contre les venins et, bien entendu, ses qualités ophtalmiques : « Le suc de la graine verte, séché au soleil, est un spécifique excellent contre toutes les maladies des yeux ». Au XIII ème siècle, l’abbé Matthieu de Vendôme dira ceci à propos du fenouil : « Le riche fenouil se crispe en son parfum, avec lequel on castoie le mal spirituel ». Le verbe castoier a aujourd’hui le sens de châtier. Même si la signification de « se crisper » pose problème eu égard au contexte dans lequel ce verbe est inséré, cette phrase de l’abbé semble soulever les propriétés magiques du fenouil. En effet, le fenouil est bien connu comme chasseur de démons et d’esprits mauvais. À ce titre, on en suspendait des gerbes au-dessus des portes d’entrée des habitations, sous les toits, à la porte des granges afin de conjurer sortilèges et mauvais coups, en particulier à la veille de la Saint-Jean, en compagnie, entre autres, du millepertuis. On bouchait parfois même les trous de serrure de graines de fenouil comme protection.

Au XIII ème siècle, le fenouil est aussi abordé par Albert le Grand, puis par Konrad de Megenber au siècle suivant, et trouve, à cette époque, sa place au sein de très nombreux réceptuaires.
Mais, en ces temps médiévaux, la palme revient sans doute à Hildegarde de Bingen qui, à l’instar des phytothérapeutes modernes, a disséqué le fenouil en long, en large et en travers. Tonique, réconfortant et reconstituant, le Feniculum d’Hildegarde est un remède hépatique, digestif (embarras gastrique, maux d’estomac, atonie digestive, halitose) et pectoral (rhume, toux, douleurs poitrinaires, enrouement). En externe, elle l’emploie sur démangeaisons et ulcères, ainsi qu’en cas de maux de tête et de douleurs liées à l’accouchement. Mais, par-dessus tout, on retrouve, dans les écrits hildegardiens, cette indication du fenouil contre l’obscurcissement de la vue !

À la Renaissance, dès le XVI ème siècle, on est davantage mesuré sur les propriétés et emplois du fenouil, dont l’huile essentielle devient un remède porté par les travaux de Jérôme de Brunschwig (1500) et de Jean-Baptiste Porta (1563).

Dès la Collection hippocratique, on peut ainsi considérer que les propriétés médicinales du fenouil deviennent pléthoriques.  Ceci explique donc pourquoi Charlemagne en était un gros consommateur pour faire passer ses repas pléthoriques… et « ne point grossir » : c’est par ailleurs lui qui en développa la culture à grande échelle.

En aromathérapie, l’huile essentielle est connue comme remède dès le XVIe siècle. Valnet (XXe siècle) la recommande dans les affections digestives, flatulences, aérophagie, vomissements nerveux, l’inappétence et les parasitoses intestinales. Elle est traditionnellement utilisée comme digestive, antispasmodique et réputée aussi pour stimuler la production de lait maternel et lutter contre les symptômes de la ménopause.

Quelles sont les propriétés pharmacologiques de l’huile essentielle de Fenouil amer ?

Dénomination latine :

  • Foeniculum vulgare

Famille botanique :

  • Apiaceae

Organes producteurs :

  • Parties aériennes fructifiée

Propriétés antispasmodique et digestive :

L’huile essentielle de fenouil réduit fortement les contractions des muscles lisses et stimule par ailleurs les sécrétions gastriques et la motilité intestinale.

Antispasmodique, elle est la n°3 du spasme, après Ocinum basilicum et Artemisia dracunculus. Également antispasmodique neuromusculaire, l’huile de fenouil est une modificatrice réflexe du système nerveux central et de la moelle épinière (résolution musculaire et analgésie, stupéfiante légère, psychoactive, antalgique…). Le fenouil réduit de fait le spasme induit par l’acétylcholine ou le carbacol, tout comme l’atropine.

Stomachique, tonique apéritive et carminative, elle génère une légère augmentation des sécrétions digestives.

Propriété œstrogéniques :

Œstrogèn-like, par analogie avec le diethylstilbestrol, l’huile essentielle de fenouil a une action hormonale œstrogénique mise en évidence. Elle est en outre emménagogue et stimule la production de lait.

Propriété antimicrobienne :

Le fenouil est un anti-infectieux vis-à-vis d’Escherichia coli, Staphylocoque doré et Streptococcus pyogenes. Il est par ailleurs antifongique vis-à-vis des dermatophytes Trichophyton rubrum, de Trichophyton tonsurans, de Microsporum gypseum et de Trichophyton mentagrophytes.

Propriétés mucolytique et expectorante :

Mucolytiques et expectorantes, la frenchone et l’anéthole contenues dans le fenouil stimulent in vivo le volume de mucus bronchique excrété et réduisent la production de sécrétions bronchiques.

Propriétés anti-inflammatoire :

Anti-inflammatoire, l’huile essentielle de fenouil est cortison-like et par conséquent, stimulante de l’axe hypophyso-corticosurrénalien. Ce qui en fait une huile intéressante dans les états inflammatoires prolongés.

Autres propriétés :

  • Cholérétique et cholagogue
  • Diurétique, décongestionnante du petit bassin
  • Lipolytique et antihyperlipidique
  • Sédative du système nerveux autonome
  • Lymphotonique et décongestionnante
  • Hépatoprotectrice
  • Antioxydante, comparable au tocophérol
  • Antithrombotique, activité antiplaquettaire à large spectre, et action vasorelaxante
  • Acaricide

Mode d’action connu ou présumé :

  • Vulnéraire vient de vulnus -eris blessure => vulnerarius = propre à la guérison des blessures
  • L’ anéthole est analgésique central, augmente les sécrétions pulmonaires, stimule l’expectoration, œstrogène-like, stimule la régénération du foie après hépatectomie partielle, antithrombotique

Formulations usuelles :

Tisane dite « des cinq racines » (diurétique) :

  • Racines de Fenouil sauvage (Fœniculum vulgare)
  • Racines d’ Ache (Apium graveolens)
  • Racines d’ Asperge (Asparagus officinalis)
  • Racines de Persil (Petroselinum sativum)
  • Racines de Petit houx (Ruscus aculeatus) … àà 30 grammes

Prendre deux cuillerées à café (10 grammes environ) pour 1/2 litre d’eau, bouillir quelques minutes, infuser une demi-heure, filtrer. A boire dans la journée, 4 jours sur 7

Tisane galactogène :

Une cuillerée à café par tasse. Bouillir 2 à 3 minutes, infuser 10 minutes. Boire 2 à 3 tasses par jour.

L’huile essentielle de Fenouil amer requiert-elle des précautions d’emploi ?

  • Contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante
  • Prudence dans les pathologies hormonodépendantes ; ne pas associer avec un traitement œstrogéniques (y compris les œstroprogestatifs)
  • Risque de neurotoxicité pouvant induire des crises épileptiques à hautes doses
  • Ne pas associer avec la cortisone, risque d’interaction médicamenteuse
  • Dermocausticité, ne pas employer à l’état pur, dilution requise
  • Inhibitrice du cytochrome P450, risque d’interactions médicamenteuses, demandez conseil à votre pharmacien
  • Prudence chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes, épileptiques, asthmatiques, âgées ou atteintes de parkinson, ainsi qu’aux personnes neurosensibles
  • Sauf si le taux de cétones sur votre produit est indiqué être inférieur à 5% :
    • Ne pas diffuser, ni inhaler, ni mettre dans le bain
    • Ne pas avaler
    • Usage cutané seul préconisé
    • Interdite en usage interne
    • Contre-indiquée chez l’enfant non pubère
  • Réservée à l’adulte
  • Interactions médicamenteuses avec les huiles essentielles contenant des sesquiterpènes à plus de 10 %
  • Prudence en cas d’hypothyroïdie
  • Éviter l’association avec les anticoagulants ou antiagrégants
  • Interdite chez les animaux

Comment le Fenouil agit-il ?

Comme pour l’anis vert, la badiane de Chine ou l’estragon, le principe actif majeur des deux variétés de fenouil est l’anéthole, qui constitue environ 80 % de l’huile essentielle. Le fenouil amer est également riche en fenchone, alors que le fenouil doux contient plutôt de l’estragole.

Expérimentalement, en laboratoire, les propriétés antibactériennes et antimycosiques (contre les champignons microscopiques) de l’anéthole ont été démontrées. La fenchone serait responsable des propriétés antispasmodiques du fenouil (contre les maux de ventre et les règles douloureuses).

L’origine des propriétés estrogéniques (similaires aux hormones féminines) du fenouil reste à éclaircir. Il se pourrait que l’anéthole soit transformé par l’organisme en stilbènes, des substances aux propriétés féminisantes.

Comment utiliser le Fenouil ?

FORMES ET DOSAGE DU FENOUIL

Le fenouil se présente sous forme de fruits séchés (tels quels ou en poudre) ou d’huile essentielle. En tisane, la dose recommandée est de 1,5 à 2,5 g de fruits écrasés, en infusion, dans 150 ml d’eau frémissante, trois fois par jour. Pour soulager des troubles digestifs, il est possible de mâcher une petite cuillerée de fruits de fenouil à la fin du repas.

Pour prévenir les effets toxiques de l’anéthole, il est recommandé de ne pas prendre plus de 7 g de fruits de fenouil séchés par jour et jamais de manière prolongée (c’est-à-dire plus de deux semaines d’affilée). La dose maximale quotidienne d’anéthole est fixée à 2,5 mg par kilogramme de poids corporel.

Ce qu’en pense les autorités de santé :

  • L’EMA

L’Agence européenne du médicament considère comme traditionnel l’usage des fruits de fenouil doux et de fenouil amer dans le traitement symptomatique « des maux de ventre, des ballonnements et des flatulences, ainsi que dans celui des spasmes peu intenses associés aux règles, et comme expectorant dans la toux et le rhume ». Elle recommande de limiter le traitement à deux semaines au maximum.

  • L’OMS

L’Organisation mondiale de la santé considère le fenouil doux (fruits ou huile essentielle) comme traditionnellement utilisé dans « le traitement symptomatique des digestions difficiles (avec ballonnement et flatulences), ainsi que comme expectorant lors d’inflammations mineures des voies respiratoires ». Elle reconnaît également son usage contre les « douleurs liées aux règles ou aux hernies scrotales (lorsqu’une partie des organes de l’abdomen est déplacée dans les bourses) ».

  • LA COMMISSION E

La Commission E du ministère de la Santé allemand reconnaît l’usage des fruits et de l’huile essentielle de fenouil dans le traitement des « problèmes digestifs avec ballonnements et flatulences, des maux de ventre mineurs, et de l’inflammation des voies respiratoires avec production de mucus ». Elle reconnaît également l’usage du miel ou du sirop de fenouil comme expectorant chez les enfants.

  • L’ESCOP

La Coopération scientifique européenne en phytothérapie reconnaît l’usage des fruits de fenouil « lors de problèmes digestifs avec spasmes gastro-intestinaux, ballonnements, flatulences, ainsi que pour dégager les voies respiratoires lors de toux grasse ».

Sources bibliographiques médicales et essais cliniques :

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