Si le houblon n’a pas été abordé médicinalement parlant par les Anciens, c’est qu’ils ne connaissaient sans doute pas encore ses qualités. Pline mentionne un houblon usité comme légume. En réalité, le premier haut fait attribué au houblon ne concerne pas la médecine. Il fut d’usage, dès le IXe siècle, en Allemagne, d’utiliser du houblon, notamment dans la fabrication de la bière. En effet, l’adjonction de houblon lors du processus de fabrication stabilise la mousse, assure une meilleure conservation et donne une légère amertume à la bière.
Un peu d’histoire
L’on voit apparaître les premières indications thérapeutiques relatives au houblon sous la plume de Mésué, un médecin arabe. Il indique en effet que le houblon purge et clarifie le sang.
À l’époque de Matthiole, le houblon débute véritablement sa carrière thérapeutique. Le médecin florentin dit du houblon qu’il « évacue la colère, et repurge le sang de toutes ses humeurs bilieuses et colériques, amortissant et éteignant toutes les ardeurs et inflammations ».
En 1554, Matthiole affirme que, déjà, il aurait été impensable de se passer de houblon lors de la confection de la bière. Bien mieux, il pose notamment les premières bases thérapeutiques le concernant : apéritif, dépuratif, laxatif, détersif, vermifuge, emménagogue, soit autant de propriétés depuis longtemps avérées. Il en va de même pour Dodoens, Lonitzer, Tabernaemontanus et, plus tard, Bauhin et Lémery, lequel dernier réaffirme les propriétés dépuratives du houblon, son rôle dans les maladies du foie et de la rate, enfin ses propriétés diurétiques.
Au XVIIIe siècle, Lieutaud conforte les jugements de ses prédécesseurs. Pour lui, le houblon demeure néanmoins un bon médicament hépatique, apéritif, diurétique et dépuratif. Il le dit même propre à lutter contre le scorbut et l’administre autant en externe (démangeaisons, dartres, autres maladies cutanées) qu’en interne, et cela pour des cas d’hystérie et d’hypocondrie, deux affections qui scelleront en partie le destin thérapeutique du houblon. Il faudra attendre le début du XIXe siècle pour qu’on se penche scientifiquement sur les principes actifs du houblon.
Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des cônes de Houblon ?
Les cônes de houblon contiennent une variété de composés actifs qui leur confèrent des propriétés pharmacologiques intéressantes. Dans cette partie de l’article, nous examinerons de plus près les principaux composés actifs du houblon et leur effet pharmacologique sur le corps.
Propriétés hormonales de type œstrogénique et anti-androgénique :
Des études mesurant l’activité œstrogénique mesurée in vitro sur des lignées de cellules d’endomètre humain ont notamment montré que l’activité ostrogénique est essentiellement due à la 8-prénylnaringénine (hopéine), ainsi qu’à la 6-prénylnaringénine et l’isoxanthohumol (et non pas le xanthohumol). La puissante activité de la 8-prénylnaringénine, composé le plus œstrogénique du houblon, a été confirmée par plusieurs études. Elle se traduit par sa capacité à se lier de façon compétitive et équivalente sur les récepteurs α et β des œstrogènes, avec une affinité de liaison relative bien plus forte que celle de deux phytoœstrogène reconnus, le coumestrol et la génistéine.
Chez la femme, cette substance a fait notamment la preuve de son activité sur les troubles climatériques de la ménopause (bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, troubles de l’humeur et du sommeil, etc.) dans plusieurs études randomisées en double aveugle contre placebo.
La 8-prénylnaringénine serait également responsable de l’activité anti-androgénique du houblon. Par ailleurs, elle inhibe l’angiogenèse in vitro et in vivo.
In vivo, l’extrait hydroalcoolique de houblon diminue le nombre et la motilité des spermatozoïdes par rapport au groupe témoin. Il abaisse les taux de testostérone et le LH sans toutefois modifier celui de la FSH.
Propriétés anti-ostéoporotiques :
Une étude chinoise de 2019 in vivo a démontré des effets protecteurs d’un extrait d’Humulus lupulus sur les os par différents mécanismes ; d’une par une augmentation significative de l’œstradiol, de la structure des os spongieux, et de la densité minérale osseuse, et d’autre part une réduction également significative de la phosphatase alcaline sérique, de la phosphatase acide résistant au tartrate, des télopeptides c-terminaux de type I (CTX-I) et du taux de désoxypyridinoline. In vitro, en comparaison à un groupe témoin, les auteurs ont ainsi montré que l’extrait de houblon favorise la prolifération cellulaire et augmente l’expression des taux de protéine morphogénique osseuse-2 et l’ostéopontine dans les ostéoblastes.
Une autre équipe chinoise a montré, également en 2019, que l’extraction, l’isolement, la purification, l’identification structurelle et l’activité ostéogénique des polysaccharides de H. lupulus suggèrent une activité anti ostéoporotique prononcée attribuée au polysaccharide homogène HLP50-2.
Action sur le système nerveux :
Le houblon exerce donc une activité sédative et hypnotique, attribuée à l’action synergique. L’activité sédative des extraits de houblon a par conséquent été confirmée par une étude ouverte multicentrique sur 225 volontaires.
L’efficacité de la combinaison du houblon avec la valériane dans la prise en charge des troubles du sommeil a été validée par plusieurs études contrôlées, avec un niveau d’activité identique à celui des benzodiazépines. Dans une étude randomisée en double aveugle, l’association des deux plantes réduit le temps d’endormissement, alors que la valériane seule ne suffit pas.
Le prénylflavonoïde xanthohumol diminue in vitro les changements de type Alzheimer et module les voies moléculaires pathogéniques multiples dans un modèle cellulaire de maladie d’Alzheimer, suggérant que cette substance pourrait avoir un potentiel pour le traitement de cette maladie et/ou de maladies neurodégénératives d’origine neuropathologique.
Action bactéricide, bactériostatique, antivirale et fongistatique :
Due à l’humulone et à la lupulone. Ces composés amers agissent sur les bactéries gram (+) et gram (-) de façon inverse de leur hydrosolubilité, ce qui permet de conclure que cette activité bactéricide et bactériostatique se situe au niveau des composants membranaire liposolubles.
En 2019, une équipe française a de fait démontré que les chalcones et acylphloroglucinols prénylés d’Humulus lupulus exercent une puissante action antibactérienne sur les souches de Staphylococcus aureus résistantes à la méticilline, de Leishmania mexicana et de Trypanosoma brucei.
Selon deux études, les polyphénols du houblon freinent le développement de la plaque dentaire et pourraient en définitive présenter un intérêt thérapeutique dans la prise de la charge de la parodonthopathie. Le mécanisme d’action passe par la suppression de la production de glucane insoluble dans l’eau induite par Streptococcus mutans, un des principaux germes parodontaux.
L’extrait hydroalcoolique provenant d’inflorescences femelles d’humulus lupulus exerce in vitro une activité antivirale de type anti-influenza, et montre également des propriétés antioxydantes.
In vitro, les extraits de houblon sont également fongistatiques.
Autres propriétés :
- Des propriétés anticancéreuses d’extraits de cônes de houblon ont été mises en avant. Leur présence dans le plasma protège contre les changements après l’exposition au peroxynitrite.
- Le xanthohumol contenu dans les inflorescences femelles de houblon est un puissant inhibiteur de la thiorédoxine réductase et serait en outre un agent anticancéreux potentiel. En particulier, il inhibe l’angiogenèse en supprimant l’activité du facteur nucléaire kappa B (NF-kB) dans le cancer du pancréas.
- La xanthohumol bloque la prolifération et la migration des cellules musculaires lisses vasculaires in vitro et réduit par ailleurs la formation de néointima in vivo. Outre ses propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, le xanthohumol stimule aussi la synthèse de collagène et d’élastine. In vivo, cette substance améliore les capacités cognitives.
Existe-il des précautions d’emploi concernant le Houblon ?
Bien que le houblon puisse offrir de nombreux bienfaits thérapeutiques, il est important de prendre certaines précautions lors de son utilisation. Dans cette partie de l’article, nous explorerons les précautions d’emploi à prendre en compte avant de consommer du houblon.
Contre-indications :
- Par principe de précaution, le houblon est contre-indiqué en cas de cancer hormonodépendant (cancer du sein, du col de l’utérus, etc.)
- Compte tenu de la teneur en phytoœstrogène, l’EMA ne recommande pas la prise orale de houblon chez l’enfant prépubère. Elle précise par ailleurs que l’usage du houblon pendant la grossesse ou l’allaitement n’est pas recommandé, en l’absence de données suffisantes.
Précautions d’emploi :
- Comme toute plante sédative, selon le dosage et la sensibilité de la personne, le houblon pourrait entraîner une baisse de la vigilance et s’avérer dangereux en cas d’utilisation de machines ou de conduite de véhicules.
Interactions médicamenteuses :
- La prise de houblon peut avoir un effet potentialisateur sur d’autres médicaments sédatifs; les somnifères, anxiolytiques, antidépresseurs, antiépileptiques, neuroleptiques antipsychotiques, dérivés opiacés, antihistaminiques, etc.
- Leur utilisation concomitante peut cependant nécessiter une diminution du dosage de ces médicaments et requiert un avis médical.
Comment prendre le Houblon et à quel dosage ?
Si vous envisagez d’utiliser le houblon à des fins thérapeutiques, il est important de connaître la bonne manière de le prendre et le dosage recommandé. Dans cette partie de l’article, nous discuterons des différentes méthodes de consommation de houblon ainsi que des doses sûres recommandées pour éviter les effets secondaires indésirables.
Forme sèche :
- En complément alimentaire, sous forme d’extrait de plante fraîche standardisé, d’extrait sec en gélules.
Forme liquide :
- Extrait fluide glycériné miellé : 50 gouttes 1 à 2 fois par jour dans un verre d’eau.
- Teinture-mère : 50 gouttes 1 à 2 fois par jour dans un verre d’eau.
- Décoction : 10 g pour 1/2 L d’eau, en chauffant modérément, 1 tasse 1 à 3 fois par jour.
Sources bibliographiques médicales et essais cliniques :
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