Depuis l’Antiquité, la mélisse a voyagé à travers le bassin méditerranéen. Elle a d’abord gagné l’Asie Mineure, puis l’Espagne vers l’an 960. Finalement, elle a traversé les Alpes, introduite par les bénédictins. Ainsi, elle s’est intégrée dans les pharmacopées du monde entier.
Qu’est ce que la mélisse ?
La mélisse, un sous-arbrisseau vivace, pousse naturellement dans les bois, le long des chemins, des haies. Elle préfère les zones humides et ombragées. C’est aussi une plante cultivée, appartenant à la grande famille des Lamiacées. Cette famille comprend entre 3200 et 4000 espèces. Elle inclut des plantes célèbres comme la menthe, le thym, le romarin, et la lavande. La mélisse fait partie de la sous-famille des Stachyoideae, plus précisément de la sous-tribu des Melissinae.
Communément appelée citronnelle ou mélisse-citronnelle, Melissa officinalis ne doit pas être confondue avec la véritable citronnelle (Cymbopogon nardus), une graminée asiatique. En anglais, on la connait sous le nom de lemon-balm, et en allemand, Zitronenmelisse ou Melissenkraut.
La mélisse, mesurant entre 30 et 80 cm de hauteur, se caractérise par ses feuilles vert vif au parfum citronné. La plante possède des tiges dressées quadrangulaires et des feuilles ovales, parfois légèrement cordiformes et dentées. La floraison, de juin à septembre, produit des fleurs blanches ou rosées, regroupées en verticilles axillaires.
Originaire de l’Europe, la mélisse a été introduite en Amérique du Nord. Elle est facilement reconnaissable à ses feuilles parfumées et ses fleurs caractéristiques. Cependant, elle peut être parfois confondue avec la cataire, une autre herbe aromatique. Elles se distinguent par leur odeur et leurs fleurs.
Un peu d’histoire
Chez les anciens Grecs, on l’appelait melissophyllon. Il ne fait nul doute que la première personne à laquelle nous devons la primomention de cette plante est Théophraste. Nicandre de Colophon présente la simple dans Les Thériaques et Les Alexipharmaques. Il nous offre ainsi l’antidote parfait contre les morsures de scorpion et de chien enragé. Cette indication fut repris par Dioscoride. Il y ajoute plusieurs propriétés telles que diurétique, emménagogue ou encore hypnotique. Le médecin grec l’utilisait également pour traiter les maladies pulmonaires ainsi que diverses douleurs.
Au-delà des ruines de l’Empire romain, un médecin syrien nommé Sérapion a été l’un des premiers à reconnaître la vertu « cordiale » de la mélisse. Ce terme, désormais obsolète, désignait un médicament renforçant le cœur (du latin cor, « cœur »). Sérapion croyait que la mélisse pouvait améliorer l’humeur, bien avant l’invention du terme antidépresseur. Il affirmait que la mélisse « réjouit le cœur, aide à la digestion, ouvre les conduits du cerveau, fortifie le cœur faible, surtout la nuit, calme les palpitations et élimine les pensées négatives du cerveau », surtout celles causées par la mélancolie.
Un siècle et demi plus tard, c’est au tour d’un autre médecin arabe, d’autant plus célèbre, Avicenne, de contribuer à l’édification de la réputation de la mélisse. Pour lui, cette plante est en effet un bon médicament pour le cœur, qui peut dissiper les « vapeurs » mélancoliques. Le Moyen Âge central regorge d’idées novatrices chez Avicenne. Toutefois, cette période historique n’est qu’une répétition des paroles des anciens médecins grecs et romains.
Quelles sont les principales propriétés pharmacologiques des feuilles de Mélisse ?
En phytothérapie, la mélisse doit ses effets à plusieurs substances actives. L’acide rosmarinique a des propriétés anti-inflammatoires, tandis que des composés comme le géraniol et le citronellal sont antiseptiques. Des études sur les animaux ont montré que des extraits de feuille de mélisse ont une activité antispasmodique et sédative. L’eau de mélisse est connue pour ses propriétés antispasmodiques.
Action sédative et hypnotique sur le système nerveux central
Chez l’homme, chez des patients souffrant d’anxiété légère à modérée, la plante exerce une activité anxiolytique, et améliore la qualité et la durée du sommeil. Elle exerce in vivo une activité analgésique périphérique. Elle favorise ainsi l’attention ainsi que le calme chez l’homme.
Dans un essai à double insu, randomisé, contrôlé par placebo mené en 2015 auprès de 55 volontaires pendant 14 jours, la prise 2 fois par jour d’extrait de feuilles de mélisse a réduit significativement les palpitations cardiaques et l’anxiété, sans effets secondaires.
La mélisse déplace des récepteurs nicotiniques et des récepteurs muscariniques dans les homogénats de membranes cellulaires de cortex cérébral humain. Ce déplacement se fait de manière dépendante de la dose. Par ailleurs, in vitro, l’effet neuroprotecteur de la fraction acide de M. officinalis apparaît plus puissant que celui de la fraction non acide. Celle ci protège les neurones de granules cérébelleux en culture contre l’apoptose induite par le peptide β-amyloïde. Elle a également une action et vis-à-vis du stress oxydatif. Ces données pourraient expliquer les capacités de la plante à ralentir le déclin des fonctions cognitives. Un essai à double insu le montre. Il était randomisé et contrôlé par placebo. Cette étude a pris place en 2003 pendant 4 mois auprès de 42 patients souffrant de maladie d’Alzheimer légère à modérée.
Les propriétés anxiolytiques de la mélisse seraient liées à une action de potentialisation du GABA; comme semble le montrer l’activité inhibitrice in vitro d’un extrait méthanolique de mélisse sur la GABA transamine (GABA-T), une enzyme cible des thérapeutiques de l’anxiété, de l’épilepsie et d’autres troubles neurologiques. Les principes actifs de la mélisse responsables de cet effet sont l’acide rosmarinique et les triterpènes de la plante.
Action antispasmodique
L’extrait total de mélisse apporté en complément des traitements habituels chez des personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable a montré une capacité à réduire la fréquence et la sévérité des douleurs abdominales, ainsi que des ballonnements. Un essai randomisé à double insu contrôlé par placebo auprès de 100 lycéennes de 2013 à 2014 a montré que la prise de mélisse entraîne une réduction significative de l’intensité des symptômes du syndrome prémenstruel.
Un essai clinique à double insu de 2017 a démontré que l’extrait de mélisse réduit significativement la dysménorrhée, grâce à son activité antispasmodique. La mélisse est reconnue dans la Pharmacopée Française pour le traitement des troubles digestifs comme les ballonnements et la lenteur de digestion. Bien que ses propriétés sédatives et antispasmodiques soient souvent citées, peu d’études récentes se concentrent sur ce sujet.
Les travaux de Soulimani R. en 1991 et d’autres études ont analysé l’effet hydroalcoolique de Melissa officinalis. Ils ont observé ses impacts sur le transit intestinal et le péristaltisme. En expérimentation in vivo, l’extrait de mélisse a réduit de manière significative le transit intestinal. À des doses de 200 et 400 mg/kg, cet effet était comparable à celui du lopéramide. En études in vitro, une dose de 10 mg/cuve de l’extrait a complètement bloqué le péristaltisme intestinal. Cela a influencé différents types de récepteurs impliqués dans la contraction du muscle lisse intestinal.
Ces études révèlent l’effet inhibiteur de l’extrait de mélisse sur le péristaltisme intestinal, corroborant son utilisation traditionnelle comme antispasmodique. Cependant, l’extrait n’a pas d’effet sur les récepteurs cholinergiques, histaminiques et opiacés, suggérant un mécanisme d’action différent pour son activité spasmolytique.
La mélisse protège in vivo contre les ulcères en augmentant la sécrétion de mucines et la libération de prostaglandines E2, et en diminuant la libération des leucotriènes.
Analgésique et antiinflammatoire
Action hypolipidémiante et sur la synthèse protéique
L’extrait de mélisse a également été identifié comme ayant une action hypolipémiante en réduisant les taux de cholestérol total et de lipides totaux sériques, ainsi qu’en diminuant la peroxydation lipidique et en augmentant les taux de glutathion hépatique. Une capacité de modulation de la prise de poids, de la masse grasse et du métabolisme lipidique a également été décrite.
La synthèse protéique, essentielle dans les cellules de tous les organismes, peut être influencée par diverses substances. Des études ont montré que certains extraits de plantes, dont la mélisse, inhibent ce processus, particulièrement rapide dans les cellules tumorales.
Une équipe polonaise a découvert que l’extrait aqueux de Mélisse (M. officinalis) inhibe la synthèse protéique dans les hépatocytes. Ils ont identifié que cette inhibition est due à des substances non tanniques, notamment l’acide caféique et un glycoside non identifié. Des tests ont montré que la fraction glycosidique de l’extrait inhibe l’incorporation de la leucine radioactive dans les protéines, similaire à l’extrait aqueux total.
L’analyse a révélé que ce composé glycosidique n’affecte pas les ribosomes directement, mais inhibe plutôt le facteur d’élongation EF-2, empêchant sa liaison aux ribosomes. Ceci suggère que la substance inhibe l’étape de translocation dans la chaîne d’élongation peptidique. En effet, l’extrait de mélisse bloque la liaison EF-2 aux ribosomes, suspendant ainsi l’élongation peptidique.
L’acide caféique a également démontré une capacité à inhiber la synthèse protéique in vitro, et cette activité s’intensifie avec la conservation de l’extrait. Il est suggéré que le glycoside non identifié pourrait être un dérivé de l’acide caféique. En revanche, l’acide chlorogénique, également présent dans l’extrait, ne semble pas influencer la synthèse protéique.
Action antimicrobienne et antiparasitaire
En phytothérapie, la mélisse a démontré son efficacité contre de nombreux microorganismes, notamment des bactéries, levures, champignons et parasites. Elle est active contre des agents pathogènes comme les shigelles et des parasites tels que Leishmania major et Trypanosoma brucei. Elle possède également des propriétés antivirales, particulièrement contre le Herpes simplex de type 2. Une étude espagnole a mis en évidence l’activité antimicrobienne de l’huile essentielle de mélisse, obtenue par distillation des parties aériennes, envers divers microorganismes.
La mélisse montre des effets inhibiteurs sur Helicobacter pylori, responsable de gastrites chroniques et de cancers gastriques. De plus, l’huile essentielle de mélisse possède des propriétés antifongiques efficaces contre plusieurs espèces de champignons, selon une étude indienne.
La recherche allemande a examiné l’activité antiparasitaire de l’huile essentielle de mélisse contre T. brucei et L. major. Ces protozoaires sont responsables de maladies graves chez l’humain.
En ce qui concerne l’activité antivirale, diverses études ont confirmé l’efficacité des extraits de mélisse contre plusieurs virus. On compte parmi eux le virus de l’herpès, l’Influenza et le Vaccinia. Les composants polyphénoliques, notamment des produits d’oxydation des acides caféique et rosmarinique, ont montré une action antivirale notable. En application topique, un extrait aqueux de mélisse a significativement réduit les lésions d’herpès labial chez des patients. De plus, une étude japonaise a mis en avant l’activité anti-HIV de la mélisse, particulièrement efficace contre la réplication du virus HIV-1.
Ces diverses études soulignent l’importance de la mélisse en tant qu’agent antimicrobien, antifongique et antiviral, ouvrant la voie à de nouvelles recherches pour des traitements plus efficaces et moins nocifs.
Activité antioxydante
Existe-t-il des précautions d’emploi concernant la Mélisse ?
Il n’existe pas de données sur la toxicité aiguë ou chronique de la mélisse. On la considère comme « sans danger », sans effets secondaires ni interactions médicamenteuses connues. Cependant, la toxicité relative du citral, un constituant de l’huile essentielle de mélisse, peut se discuter.
Chez les enfants, des études ont montré des effets positifs de la mélisse en association avec d’autres plantes pour soulager les coliques du nourrisson. Cependant, en raison de son action sédative, on déconseille son usage chez les enfants de moins de douze ans.
Comment prendre la Mélisse et à quel dosage ?
La posologie recommandée pour la mélisse est de 1,5 à 4,5 g de poudre, à prendre une à trois fois par jour. Pour les tisanes, utilisez la même quantité de feuilles, à consommer deux à trois fois au cours de la journée.
En application externe, les crèmes contenant 1 % d’extrait aqueux de mélisse doivent s’appliquer deux fois par jour, dès l’apparition des premiers symptômes de l’herpès labial, et ce jusqu’à complète cicatrisation.
- En complément alimentaire, sous forme d’extrait de plante fraîche standardisé en gélules.
- Extrait fluide de plante fraîche standardisé : 5 à 10 ml par jour dans un verre d’eau.
- Suspension intégrale de plante fraîche : 5 à 10 ml par jour dans de l’eau.
- Extrait hydroalcoolique : 20 à 25 gouttes 2 à 3 fois par jour dans un verre d’eau.
- Tisane : De 1,5 à 4,5 g de feuilles de mélisse dans 150 ml d’eau bouillante, à infuser 5 à 10 minutes, 1 tasse 2 à 3 fois par jour.
Qu’en pensent les autorités de santé ?
Sources bibliographiques médicales et essais cliniques
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